14 septembre 2022

Temps de lecture : 6 min

Amateurs d’art, bienvenue dans les centres commerciaux

Après la carte fidélité, la carte culture ? On notait déjà le soin relativement récent porté par les foncières à l’architecture sensorielle d’une part, et au marketing expérientiel d’autre part. Une nouvelle corde à leur arc est celle de la culture. Des initiatives toujours plus originales font entrer l’art dans les centres commerciaux, chacun cherchant à se positionner comme un relais de culture influent, valorisant le territoire et les talents locaux. Un florilège parfois surprenant.

Auriez-vous imaginé voir des tableaux de Monet ou Van Gogh dans un centre commercial ? Y entendre un concerto de Mozart pour cor de chasse ? Et pourtant, c’est possible. Depuis quelques années, l’art et toutes les formes de culture ont fait une entrée en force dans les grands lieux de commerce. « Les centres commerciaux ne sont pas seulement un lieu de transaction commerciale, ils sont un lieu de socialisation majeur. Attirant un flux et une diversité de visiteurs, ils sont devenus l’endroit idéal pour toucher un public élargi, susciter de la surprise par l’effet de la nouveauté… dans le but de créer la préférence et donner aux shoppers l’envie de venir et revenir », constate Hélène Salmon, directrice de la communication externe de Klépierre. Chez Unibail Rodamco Westfield, faire entrer l’art et la culture dans ses centres commerciaux participe d’un travail de réflexion du groupe depuis longtemps, résumé dans un slogan : Reinventing being together. « Vecteur de lien social, la culture “pour surprendre” a toute sa place dans les centres commerciaux », souligne Hugo Rey, directeur du centre Westfield Forum des Halles à Paris.

Expositions et anamorphoses, fresques géantes, ateliers de danse, festivals de musique, flash mob, bibliothèques, appels à des artistes connus et reconnus ne sont que quelques exemples parmi d’autres de ce que proposent les centres commerciaux dans le cadre de leur stratégie événementielle. Les mots d’ordre : éclectisme, variété, innovation, pour que chaque segment de clientèle s’y retrouve, en accord avec l’identité de chaque centre. Et ça marche. Pour preuve, le succès de ce type d’événements et leur résonance sur les réseaux sociaux. Deux exemples : le GruVillage Music Festival à Turin, qui accueille jusqu’à 5000 personnes chaque année au centre Gru (Klépierre) ; et le Muse Direct Live à Metz, où 6000 personnes ont assisté au concert pour la lutte contre le cancer donné dans le centre commercial Muse (Apsys) en avril 2022.

Appels aux artistes

Faire participer les publics locaux (visiteurs, acteurs locaux du monde de la culture, associations…) aux événements proposés est une constante. « Apsys, acteur local engagé dans son écosystème, s’attache à apporter de la plus-value matérielle et immatérielle aux territoires d’implantation de ses actifs et de ses projets », explique Eléonore Villanueva, directrice Marketing, communication et RSE du groupe. Dans le centre commercial Steel à Saint-Étienne, les fresques murales ont été réalisées par des artistes du Club de Verre de Saint-Étienne. Selon Hélène Salmon, chez Klépierre, « ce travail d’interaction avec les territoires participe de notre politique RSE ». Sentiment partagé par le groupe Westfield Unibail Rodamco : « Les Urban Days, festival de danse pop qui se tient à Créteil Soleil, ont invité les écoles de danse de Créteil à se produire lors de démonstrations de street danse et de RnB. À Westfield La Part-Dieu, les expositions sont travaillées avec la mairie de Lyon, comme “Lyon en couleurs” par le photographe Julian Rotaru, installée en mars 2022. Le concert de cors de chasse (avec un programme Mozart) donné en mars 2022 sous la canopée du Westfield Forum des Halles a été interprété par des musiciens du conservatoire du Centre W.A. Mozart de Paris. » Dans le cadre de son événement Le 3Festival organisé dans le centre Les 3 Fontaines, le promoteur Hammerson a accueilli quatre groupes et artistes étudiants pour un concert rap, pop, rock. En Italie, Klépierre a noué un partenariat avec la FAI (Fondo Ambiente Italiano), association italienne agissant pour la protection, la sauvegarde et la valorisation du patrimoine artistique, et propose aux visiteurs de ses centres commerciaux des bons pour des visites dans les différents sites sous curatelle de la FAI. Aux Pays-Bas, son centre Hoog Catharijne à Utrecht a signé un partenariat avec le complexe musical contemporain voisin Tivoli Vredenburg. Muse, à Metz, ouvre régulièrement ses espaces au musée Pompidou, situé juste en face. Enfin, du 20 mars au 6 juin 2022, des étudiants en art du campus Brassart Tours ont participé au Printemps des Artistes organisé par le centre commercial L’Heure Tranquille, et pendant les vacances d’avril, une fresque collaborative, gratuite et accessible à tous y était proposée, avec pour slogan « Serez-vous le prochain Monet » ?

Expos éphémères et musées hors les murs

Les centres commerciaux ont-ils un intérêt à mettre la culture à la portée de tous ? Les arts plastiques trouvent manifestement une place de choix dans leur stratégie événementielle. De façon temporaire ou permanente. Dans l’atrium de Beaugrenelle, l’artiste plasticien et écologiste William Amor expose (du 7 avril au 30 juin 2022) une suspension cascade de 13 mètres de haut sur 7 mètres de diamètre réalisée au terme d’une collecte de plus de 10000 bouteilles plastiques, et ce grâce à la participation de clients, riverains, enseignes et partenaires du centre. L’œuvre sera exposée au Muse (Metz) et aux Rives de l’Orne (Caen). Sous la canopée du Westfield Forum des Halles, à compter du 1er juin 2022, le sol du Patio Pina Bausch se transformera tous les ans pendant trois ans en un espace d’exposition unique mettant à l’honneur un artiste contemporain. « Cela témoigne d’un engagement du groupe à offrir à tous une expérience renouvelée et émotionnelle à travers l’art et la culture qui s’inscrit parfaitement dans la politique Better Places 2030’ de Westfield Unibail Rodamco », se félicite Hugo Rey.

Quand les centres commerciaux ne créent pas leur propre musée, comme celui d’archéologie de Porta di Roma [Klépierre] suite à la découverte de vestiges romains au moment des travaux, des institutions choisissent désormais ces sites pour y installer une annexe. Ouverture par Apsys à Steel d’une Micro-Folie, le concept ludo-éducatif coordonné par La Villette et porté par le ministère de la Culture à destination des territoires, et d’un pop-up art déco par le Victoria & Albert dans le centre K11 de Shanghai ; tournée pop-up itinérante en 2018 du musée Vang Gogh d’Amsterdam dans les centres commerciaux américains… On peut aussi citer l’inauguration en 2021 par l’entreprise française Culturespaces, sur le modèle de son Atelier des Lumières à Paris, du premier centre Infinity des Lumières au cœur du Dubai Mall. Autre exemple intéressant, le projet culturel Pop Up Museum de Sun Plaza, centre commercial à Bucarest qui, en collaboration avec le musée des Chemins de fer roumains, le musée du Parfum et l’Institut astronomique de l’Académie roumaine, présente aux habitants de la capitale les musées de leur ville.

Acheteurs d’art

Les centres commerciaux eux-mêmes se transforment en galerie ou musée. Les foncières n’hésitent pas à commanditer des œuvres destinées à magnifier leurs centres commerciaux. Un mobile de Xavier Veilhan trône au plafond de l’atrium de Beaugrenelle. La place des Étoiles à Val d’Europe se pare de lustres magnifiques, véritables œuvres d’art. À Steel, une statue de bois de 7 mètres de haut de l’âne Ponpon (clin d’œil au nom et à l’histoire de la zone où se situe Steel au Pont de l’Âne) accueille les visiteurs sur le site. À Poznania, en Pologne, le groupe Apsys propose un parcours artistique avec mise en place d’œuvres devant son esplanade avec la volonté de constituer une collection pérenne. En France, Unibail Rodamco Westfield est allé encore plus loin en créant à Polygone Riviera, centre à ciel ouvert situé à Cagnes-sur-Mer, un lieu de vie dont l’art fait partie intégrante. Depuis son ouverture en 2015, une dizaine d’œuvres d’artistes français et internationaux (Ben, Daniel Buren, César, Pablo Reinoso, Wang Du…) sont disséminées, créant comme un écrin pour les expositions temporaires.

C’est en Asie que le concept « art+commerce » a été poussé à l’extrême. Chez K11, le jeune milliardaire chinois Adrian Cheng a voulu non pas des shopping malls mais des museum retail mixant boutique et galerie d’art, spectacle et performance artistique. En 2014, le K11 de Shanghai a monté avec un succès retentissant une exposition d’une quarantaine d’œuvres de Monet. Le tout nouveau K11 Musea, sur le Dockside Riviera, quartier d’art et de design de Hong Kong, se veut être le fleuron de cette nouvelle approche du retail avec une profusion d’œuvres d’art (au plafond, en décoration des murs, au moyen de sculptures géantes, via de nombreuses expositions…). En Corée, le centre Shinsegae Daejeon Art & Science est dans la même veine. Et déjà on parle de curated-retail comme pour les centres TX Huaihai. « En Asie, les millennials et la GenZ sont attirés par le luxe et les contenus culturels », explique Nicolas Riou – CEO de la société Brain Value, qui a réalisé de nombreuses études sur les consommateurs chinois et notamment de cette classe d’âge – qui ajoute : « Le côté arty engendre une dimension premium. La culture est un symbole de bon goût et un marqueur de différenciation personnelle. » Et c’est éminemment instragrammable ! Le must de nos jours…

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