4 juin 2025

Temps de lecture : 3 min

Abonnements numériques : une charge invisible de 49 € par mois pour les Français

Les Français consacrent 49 € par mois en abonnements numériques, mais estiment en dépenser seulement 31. Une sous-évaluation révélatrice d’un angle mort budgétaire, dans un modèle où l’accumulation de services devient aussi diffuse que coûteuse.

Films, séries, musique, presse, jeux vidéo, stockage cloud, outils de productivité… Les abonnements numériques se sont installés dans la vie quotidienne des Français avec la promesse d’un accès simple et fluide à une offre pléthorique. Mais cette accumulation de services s’accompagne d’un effet collatéral : la fragmentation budgétaire.

D’après les résultats de l’étude BearingPoint, les Français consacrent aujourd’hui 49 € par mois en moyenne à ces services — soit une hausse de 4 € par rapport à 2023. Mais ils pensent n’en dépenser que 31,5 €, ce qui révèle une sous-estimation de près de 36 %. Ce décalage souligne un angle mort budgétaire : ces micro-dépenses mensuelles, réparties sur plusieurs plateformes et souvent prélevées automatiquement, échappent au suivi conscient des consommateurs. L’abonnement est devenu une norme implicite, presque inconsciente, qui pèse dans un contexte inflationniste plus large.

Un modèle en tension

L’évolution vers une économie de l’accès, fondée sur des services à la demande et des offres sans engagement, a largement été encouragée au cours des dix dernières années, en particulier dans les industries culturelles et les services numériques. Elle a facilité l’accès à des contenus auparavant coûteux ou peu disponibles, tout en s’inscrivant dans une dynamique post-ownership (post-propriété). Mais la généralisation de ce modèle atteint aujourd’hui un seuil critique. La multiplication des services — chacun facturé séparément — conduit à une dispersion du pouvoir d’achat. En parallèle, les hausses de tarifs se multiplient chez les grands acteurs du streaming, souvent justifiées par l’ajout de nouvelles fonctionnalités, l’augmentation des coûts de production ou la lutte contre le partage de compte.

L’effet combiné de ces dynamiques génère une forme de « fatigue de l’abonnement », déjà observée aux États-Unis et qui commence à se faire sentir en France. Si l’offre s’élargit, la capacité à en profiter pleinement s’érode, notamment chez les jeunes adultes, les familles nombreuses et les foyers modestes.

Des solutions émergentes

Face à cette tension entre usage perçu comme essentiel et coût réel sous-estimé, des alternatives se développent. Certaines plateformes proposent des systèmes de co-abonnement encadrés, à l’image de Spliiit en France, qui permet à des particuliers de mutualiser les frais d’accès à des services conçus pour un usage partagé (comme les comptes familiaux ou multi-profils).

Ce type de modèle ne résout pas la problématique globale — il ne s’applique qu’à une partie des offres et reste minoritaire — mais il témoigne d’un besoin croissant de lisibilité, d’optimisation et de sobriété dans les usages numériques. D’autres initiatives portent sur des tableaux de bord agrégés, permettant aux utilisateurs de visualiser l’ensemble de leurs abonnements en un seul endroit. Ce design de la transparence répond à une attente de maîtrise et de visibilité, dans un contexte où le numérique s’est invisibilisé dans les dépenses courantes.

Un défi culturel autant que budgétaire

Plus profondément, la question des abonnements numériques touche à notre rapport contemporain à la culture, au divertissement et à l’information. Le passage du bien au service, de la possession à l’accès, a modifié les pratiques de consommation — mais il redéfinit aussi les logiques d’engagement, de fidélité et de valeur perçue. À mesure que les abonnements deviennent plus nombreux et plus chers, leur place dans le budget personnel devient un enjeu de priorisation : que garde-t-on ? Que coupe-t-on ? À quel moment une offre cesse d’être « essentielle » ? Ces arbitrages révèlent des dynamiques sociales, générationnelles et territoriales, que les études commencent à peine à documenter.

Dans un contexte de ralentissement économique et de baisse du pouvoir d’achat, la soutenabilité du modèle par abonnement est de plus en plus interrogée. Les fournisseurs devront trouver un équilibre entre rentabilité et accessibilité, tandis que les consommateurs réclament davantage de souplesse, de modularité et de contrôle. L’étude BearingPoint met ainsi en lumière un point de bascule : les abonnements numériques ne sont plus un supplément de confort. Ils sont devenus des composantes à part entière du budget des ménages. Mais à ce titre, ils doivent être pensés, suivis et encadrés avec la même rigueur que d’autres dépenses régulières.

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