Stop à l’overdose : les 10 commandements pour une pub urbaine respirable
Dans son 39ème avis intitulé « Espace public et publicité », le Conseil de l’Éthique Publicitaire (CEP) ne cherche pas opposer la « bonne » régulation à la « mauvaise » publicité mais plutôt à proposer des équilibres responsables destinés à satisfaire le plus grand nombre. A méditer...
Depuis toujours, l’espace public est un territoire disputé. D’abord lieu physique de commerce, de rencontre et de pouvoir, il est devenu au fil du temps un espace symbolique de représentations, puis un cadre démocratique où se confrontent idées, discours et identités.
Aujourd’hui encore, il demeure ce terrain hybride où libertés individuelles, intérêt général et rapports de force s’entremêlent. Rien d’étonnant, dès lors, à ce que la publicité y occupe une place aussi centrale que controversée.
Depuis plus d’un siècle, la publicité tente d’y revendiquer une liberté d’expression comparable à celle accordée aux acteurs politiques ou culturels. Mais cette liberté est encadrée par un corpus réglementaire parmi les plus stricts d’Europe.
La France impose les formats de panneaux les plus limités sur le Vieux Continent (12 m² max, parfois 8 m², contre 50-60 m² en Belgique). Le nombre de supports et leurs dimensions sur le mobilier urbain, dans les métros, gares et les aéroports sont encadrés par les cahiers des charges de plus en plus limitatifs.
En 2010, par exemple, Aéroports de Paris a réduit le nombre de mobiliers publicitaires de 1200 à 400. Entre 1980 et 2025, 80% des affiches 4×3 dans notre pays.
Les tensions entre l’espace public, qui est perçu comme bien commun, et les acteurs publicitaires qui souhaitent rester flexibles, innovant et autonomes sont anciennes mais elles ne s’amenuisent pas au fil du temps. Bien au contraire.
Dans les faits, la publicité façonne une part de notre environnement visuel. Elle finance des équipements urbains, soutient l’économie locale, relaie des campagnes d’intérêt général et occupe des supports devenus familiers comme les colonnes Morris, les abribus et les bâches de chantiers patrimoniaux.
Pour les collectivités, elle représente aussi une ressource économique et un outil de communication. Mais cette présence, visible de tous, est régulièrement questionnée. Une minorité active la juge intrusive, énergivore ou esthétiquement discutable.
Les écrans numériques, très visibles dans les gares et métros, cristallisent une partie du débat, malgré leur faible proportion dans le paysage publicitaire français. Les bâches monumentales, même lorsqu’elles financent la restauration de bâtiments patrimoniaux, suscitent parfois des critiques sur la « marchandisation » de la ville.
Quant aux campagnes d’affichage sauvage, elles restent un fléau durable alimenté par certains annonceurs, au détriment des acteurs respectueux du cadre légal.
En France comme à l’étranger
Cette tension n’est pas propre à la France. São Paulo a un temps supprimé toute publicité extérieure pour répondre à un désordre visuel massif ; Montréal accompagne désormais les chantiers avec une stratégie design encadrée ; New York et Londres cultivent, au contraire, l’hyper-visibilité iconique de leurs places centrales.
En France, le système repose sur un équilibre fragile entre réglementation, autorégulation et pouvoir des collectivités, qui disposent depuis 2021 d’une responsabilité accrue via les Règlements locaux de publicité.
Plus profondément, ce débat révèle une forme d’« incommunication » féconde entre deux visions de la société. Les défenseurs d’un espace public régulé y voient une condition du lien social et du vivre-ensemble.
Les acteurs de la publicité, eux, considèrent leur présence comme une source d’innovation culturelle, économique et créative.
L’enjeu, pour le Conseil de l’Éthique Publicitaire, n’est pas de trancher entre « bonne » régulation et « mauvaise » publicité mais de rechercher des équilibres responsables. Ses dix recommandations méritent donc d’être respectées à la lettre.
Les Dix Commandements de la CEP
Limiter la densité des supports publicitaires
Recommandation : Fixer un nombre maximum de dispositifs par rue ou quartier pour éviter la saturation visuelle.
Bonne pratique : Une avenue avec un panneau tous les 100 mètres, bien espacés et lisibles.
Mauvaise pratique : Une rue étroite avec des affiches sur chaque façade et arrêt de bus.
2. Maîtriser la taille des dispositifs
Recommandation : Interdire les supports surdimensionnés dans les zones résidentielles.
Bonne pratique : Une affiche de format standard intégrée au mobilier urbain.
Mauvaise pratique : Une bâche géante recouvrant entièrement un immeuble d’habitation pendant des mois.
3. Encadrer strictement les écrans numériques
Recommandation : Limiter leur luminosité, leur animation et leur implantation.
Bonne pratique : Un écran à luminosité réduite, diffusant des messages lents et sobres.
Mauvaise pratique : Un écran clignotant en continu devant une école ou un immeuble.
4. Lutter fermement contre l’affichage sauvage
Recommandation : Renforcer les contrôles et les sanctions.
Bonne pratique : Les affiches illégales sont retirées sous 48 heures.
Mauvaise pratique : Des murs recouverts d’affiches collées illégalement sans aucune intervention.
5. Clarifier la distinction entre enseigne et publicité
Recommandation : Éviter que des enseignes servent de publicité déguisée.
Bonne pratique : Une enseigne sobre indiquant uniquement le nom du commerce.
Mauvaise pratique : Une enseigne lumineuse géante diffusant des slogans promotionnels.
6. Limiter la durée d’exposition des bâches publicitaires
Recommandation : Imposer une durée maximale d’affichage.
Bonne pratique : Une bâche retirée dès la fin des travaux, après 3 mois.
Mauvaise pratique : Une bâche publicitaire maintenue un an après la fin du chantier.
7. Favoriser le mécénat publicitaire culturel
Recommandation : Associer publicité et valorisation du patrimoine.
Bonne pratique : Une bâche reproduisant une œuvre d’art lors de la rénovation d’un monument.
Mauvaise pratique : Une bâche uniquement commerciale masquant totalement un bâtiment historique.
8. Exiger des critères environnementaux stricts
Recommandation : Privilégier des supports économes en énergie et recyclables.
Bonne pratique : Un panneau à éclairage basse consommation solaire.
Mauvaise pratique : Un dispositif éclairé en continu toute la nuit, très énergivore.
9. Informer les citoyens sur l’utilité de la publicité
Recommandation : Expliquer clairement à quoi servent les recettes publicitaires.
Bonne pratique : Un panneau indiquant que la publicité finance l’entretien du mobilier urbain.
Mauvaise pratique : Aucune information sur l’usage des recettes, créant de la défiance.
10. Adapter la publicité au contexte urbain
Recommandation : Tenir compte du quartier (historique, résidentiel, commercial).
Bonne pratique : Une communication discrète dans un centre-ville ancien.
Mauvaise pratique : Des panneaux modernes agressifs dans un quartier patrimonial classé.
Un exemple à suivre
Lancée en 2013, la campagne « Look Up » de British Airways utilisait des panneaux d’affichage numériques interactifs à Londres (Piccadilly Circus, Chiswick) pour suivre les avions de la compagnie aérienne en temps réel.
Une antenne sur le dispositif permettait de repérer le vol et sa provenance et l’information était envoyé au panneau en 0,2 secondes qui montrait alors un enfant pointer du doigt l’avion.