Du gaming à la rue : pourquoi le live IRL explose sur les plateformes
Le live IRL transforme la rue en plateau et le chat en co-réalisateur. Ultra-engageant et difficile à monétiser sans fausse note, ce format pose une question clé aux marques : comment s’inviter sans briser l’authenticité ?
Quand on parle de live IRL (pour In Real Life), il faut imaginer un streamer qui sort avec son téléphone comme avec une caméra d’épaule… sauf qu’au lieu de commenter une scène, il la fabrique en direct avec son chat.
Il circule dans la ville, improvise une mission (“manger le plat le plus bizarre du quartier”, “suivre les choix du chat pendant une heure”…), croise des inconnus, gère les imprévus, la pluie, la 4G qui lâche…
Né sur Twitch, le format live existent aujourd’hui partout (Twitch, YouTube, TikTok, Instagram, Kick) et souvent en simultané pour ne pas dépendre d’un seul algorithme ni d’une seule audience.
Ce qui change, ce ne sont pas tant les formats que la manière dont ils circulent.
Sur Twitch ou Kick (plateforme plus controversée dont on vous a déjà parlé), le chat et les codes communautaires structurent l’expérience, sur TikTok et Instagram, les extraits et replays courts accélèrent la découvrabilité et sur YouTube, l’archivage (les lives peuvent y être publiés façon VOD) prolongent la durée de vie.
Mais le cœur reste le même : en direct, tout peut arriver… et tout se commente.
Qui de mieux pour incarner le format ?
C’est précisément ce terrain de jeu qu’est venue disséquer la keynote« Live Streaming : laboratoire des formats de demain ? » à la Paris Creator Week.
Sur scène, un trio très “chaîne de valeur” du live : Pape San, certainement le pape (pas de commentaire sur le jeu de mot) des contenus IRL en France qu’il réalise entre la Corée du Sud (où il réside) et ses différents voyages, Grégory Camacho, Senior Video Sales Specialist chez Twitch, côté plateforme, et Raoul Leibel, directeur de WebediaLivestream, côté production et industrie.
Pape San commence par revenir à l’origine de son virage vers l’IRL. Avant le live, il faisait surtout du reportage et de l’interview sur YouTube, autour de la société coréenne. La pandémie met brutalement ce travail à l’arrêt. C’est à ce moment qu’il découvre J’irai dormir chez vous qui lui donne l’inspiration d’aller explorer « la vraie vie » des coréens.
Raoul Leibel rebondit : pendant la pandémie, l’OMS avait même encouragé la consommation de live streaming pour inciter les populations à rester chez elles.
Des collaborations commerciales à réinventer
Une idée qui traverse toute la keynote : le live n’est pas seulement un format média, c’est un espace relationnel… d’où l’importance de penser les collaborations autrement.
« Plus un créateur est impliqué en amont, plus le format gagne en valeur, et en acceptabilité auprès du public », explique Raoul Leibel.
Pape évoque un exemple très concret, celui d’une collaboration récente avec UNIQLO. La marque lui avait demandé de concevoir une campagne publicitaire en live… mais sans aucun script figé. « Ils m’ont juste donné des doudounes », raconte-t-il.
Il sort alors dans Paris, rencontre des passants, leur fait essayer les pièces, les photographie en direct. Le live devient le cœur de l’activation, prolongée ensuite par une exposition physique dans les locaux de la marque.
Sur le plan opérationnel, Pape insiste aussi sur les réalités très concrètes du live IRL. Pour générer des interactions, il a besoin d’être « dans des endroits où il y a beaucoup demonde », afin de nourrir à la fois le chat et ce qui se passe à l’écran.
Mais voyager en permanence pose une autre difficulté : le fuseau horaire. Diffuser au “mauvais” moment, c’est risquer de parler dans le vide.
La loi des KPI
Quand la discussion glisse vers la performance, Pape est très clair sur les trois indicateurs font la réussite d’un live : le nombre de messages dans le chat, le nombre de clips générés, et le nombre de viewers.
Raoul Leibel complète en évoquant l’importance du pic d’audience. Mais il évoque surtout un objectif plus intangible : le fameux “j’y fus”, un terme très Gen Z, qui inonde souvent les chat pour signaler qu’on était là en direct, qu’on fait partie du même mouvement… Pour avoir sillonné le GP Explorer 3, on peut vous affirmer que l’expression était spammée dans le chat à chaque moment marquant.
« Je demande toujours à mes équipes d’aller chercher ce fameux ‘j’y fus’… mais ce n’est pas facile », reconnaît Raoul Leibel.
La keynote se termine sur un débat révélateur des tensions à venir. Grégory Camacho se montre prudent sur l’avenir du commerce en live : impossible, selon lui, d’aller vers une forme de téléachat à l’ancienne.
Le volet commercial doit rester intégré à la dimension créative, dans une logique de social shopping, sous peine de braquer un public de plus en plus lucide.
Pape, sourire en coin, nuance. Au Japon et ailleurs en Asie, explique-t-il, des créateurs font déjà du téléachat en live… et ça fonctionne. Rien n’empêche, selon lui, que cela arrive un jour en France.