3 décembre 2025

Temps de lecture : 5 min

Influenceur, journaliste, créateur ? Comment Guillaume Pley (Legend) brouille les pistes et réinvente l’information

On pensait la jeunesse condamnée au scroll. Legend prouve l’inverse : 6,5 milliards de vues et un nouvel âge d’or de la conversation longue. Décryptage.

Les créateurs remportent la bataille de l’attention et les journalistes réinventent leur rôle. Pendant qu’on croyait la jeunesse condamnée au scroll, elle s’arrête pour écouter les conversations longues de Legend, le média incarné par Guillaume Pley.

Legend affiche déjà 6,5 milliards de vues annuelles et un engagement record de 32 minutes par session.

Son ascension n’est pas un simple succès de plateforme. C’est le signe d’un basculement profond, où l’information cesse d’être un flux et redevient une présence, un lien, un rendez-vous.

1. Legend s’inscrit dans un basculement médiatique beaucoup plus large

Depuis dix ans, on annonce régulièrement que les jeunes ont abandonné l’information. En réalité, ils ont surtout abandonné les formats qui ne parlent plus leur langage. Ils n’ont pas cessé de s’informer. Ils ont changé de porte d’entrée. Ils ne passent plus par les médias, mais par les créateurs, les streamers, les intervieweurs incarnés, les narrateurs du quotidien.

Cette transformation n’a rien d’anecdotique. Elle bouleverse la structure même du récit médiatique. Les formats courts et la vitesse permanente ont installé une forme d’épuisement qui a poussé les audiences vers autre chose. Non pas un besoin total de changement, mais un besoin de sens et de proximité.

« On vit dans une époque qui consomme du clash. Chez Legend, on cherche l’intimité, le temps long, la nuance », analyse  Manuel Diaz, CEO de l’agence Influx dans laquelle évolue Guillaume Pley.

Legend s’inscrit exactement à cet endroit. Le média ne naît pas d’une intuition algorithmique, mais d’une intuition humaine. Dans un monde saturé, Guillaume Pley imagine un espace où l’on ne coupe pas la parole, où l’on ne cherche pas la phrase choc, où l’on écoute vraiment. Le projet ne cherche pas à produire du buzz, mais de la présence. Ce point de bascule est essentiel. Legend ne fonctionne pas contre la vitesse, mais contre la vacuité.

Et cela tient aussi à l’homme derrière le média.

« Guillaume a compris avant les autres que les fractures de l’industrie n’étaient pas une menace mais un terrain de jeu. Il a la curiosité intellectuelle d’un chercheur et le côté « doer » d’un entrepreneur. Ce qui le caractérise le plus, c’est la bienveillance. Il laisse aux invités le temps de s’exprimer », poursuit Manuel Diaz.

En deux ans, cette vision devient un phénomène, comme le confirme une récente étude Odoxa :

  • Une notoriété en hausse de six points en un an, à 21 %, avec un pic à 50 % chez les 25-34 ans.
  • Un temps d’engagement record, deux fois supérieur que celui de concurrents comme Brut, Konbini ou HugoDécrypte.
  • Une audience fidèle, avec 10 % des Français qui suivent le format chaque semaine.

L’audience ne survole pas. Elle s’installe. Elle écoute. Elle choisit.

Autrement dit, Legend n’a pas seulement trouvé une place dans le paysage. Il a révélé ce que ce paysage contenait déjà comme désir silencieux. Le besoin d’un média qui n’est pas une timeline, mais un rendez-vous. Un média où la relation répare ce que le flux a abîmé.

2. L’économie du lien plus que l’économie du clic

Legend n’est pas qu’un succès culturel. C’est aussi un modèle économique cohérent, presque radical, qui refuse le piège dans lequel beaucoup de médias numériques se sont enfermés. Là où la plupart vendent du volume, Legend vend de la qualité d’attention. Là où beaucoup monétisent un flux, Legend monétise une relation.

1-La force du modèle vient d’abord de l’incarnation. La valeur n’est pas dispersée entre dix formats, vingt personnalités ou cinquante verticales. Elle est concentrée. Lisible. Stable. Guillaume Pley incarne la marque, et la marque incarne la promesse d’un espace où la parole circule autrement. Cette cohérence donne aux annonceurs un terrain rare dans l’écosystème actuel. Un espace où la prise de parole n’est pas subie, mais intégrée. Un espace qui n’interrompt pas la relation, mais participe à son récit.

2-Le second pilier, c’est le format long. Trente-deux minutes d’attention moyenne par session. Cette donnée est presque irréelle à l’échelle digitale. Elle transforme mécaniquement la valeur publicitaire. Dans un marché où les CPM s’effondrent, le temps long devient l’or noir des annonceurs qui cherchent de la légitimité, pas seulement de la visibilité. Manuel Diaz nous rappelle que « Les marques comprennent désormais que la visibilité ne suffit plus. Le public attend du fond, du sens et une incarnation. » 

3-Le troisième pilier, c’est l’économie de la confiance. Legend ne vend pas un produit média. Legend vend un lien affectif très difficile à répliquer. Ce lien repose sur une parole stable, une posture éthique, une proximité authentique. Les annonceurs ne viennent pas pour toucher un public. Ils viennent pour être associés à une manière d’être présent au monde. C’est cela qui met Legend dans la catégorie des médias premium, pas dans celle des créateurs opportunistes.

En somme, Legend a démontré qu’un média incarné peut être économiquement solide, culturellement influent et éditorialement exigeant. Un triptyque que peu d’acteurs digitaux réussissent à aligner.

3. L’évolution future. Comment l’attention redessine le métier de journaliste.

Même si Guillaume Pley revendique haut et fort son statut de créateur plutôt que de journaliste, Legend force désormais l’industrie à repenser ce que signifie vraiment informer. Et ce basculement ne concerne pas seulement Legend. Le média fonctionne comme un laboratoire du futur du journalisme.

Il pose une question que l’industrie redoutait. Et si le métier d’informer n’était plus un métier d’autorité, mais un métier de relation. Et si la neutralité verticale avait cédé la place à la présence horizontale. Et si l’on entrait dans une ère où informer ne signifie plus transmettre un fait, mais créer un espace où ce fait devient compréhensible. Cette transformation passe aussi par un courage éditorial assumé.

« On nous parle souvent de l’émission avec le platiste que l’on a reçu. La majorité de ces gens utilisent le fait d’être « invités nulle part » comme une preuve qu’ils dérangent. C’est leur carburant. Chez Legend, on pense l’inverse : c’est en les mettant face à la contradiction, micro ouvert, qu’on déconstruit le mieux leur discours. » rappelle Manuel Diaz.

Le journalisme ne disparaît pas. Il change de forme. Il devient conversationnel. Il devient incarné. Il devient plus proche du rôle de médiateur que de celui d’expert omniscient. Et les créateurs, eux, deviennent quelque chose que personne n’avait anticipé. Des passeurs culturels. Des traducteurs du monde. Des narrateurs de complexité.

La frontière entre influence et information se dissout non pas parce qu’on mélangerait deux métiers, mais parce que l’époque a changé. Le public ne cherche plus une voix neutre, mais une voix fiable. Il ne cherche plus un message parfait, mais une relation stable. Il ne cherche plus une verticalité qui rassure, mais une humanité qui accompagne.

Dans cinq ans, un média sans incarnation semblera sans doute incomplet. Les rédactions devront investir dans des personnalités identifiées. Les écoles devront enseigner la narration, la présence caméra, la construction d’opinion responsable et les nouveaux réflexes de vérification. Les créateurs devront assumer un rôle plus exigeant. 

Legend n’est pas en train de devenir un média parmi d’autres. Il est en train de devenir le prototype de cette nouvelle écologie médiatique où l’information n’est plus seulement un contenu, mais une relation.

Legend comme symptôme d’un monde qui cherche à réapprendre à écouter

Ce que montre Legend, ce n’est pas qu’un créateur peut dépasser des médias installés. Ce que montre Legend, c’est que l’époque réclame moins de vitesse et plus de présence. Moins de flux et plus de rendez-vous. Moins de bruit et plus de sens.

Les audiences ne désertent pas les formats longs. Elles désertent les formats qui ne les considèrent pas. Elles ne rejettent pas l’information. Elles rejettent l’information froide. Elles ne veulent pas moins de contenu. Elles veulent une voix. Elles veulent une compréhension partagée. Elles veulent quelqu’un qui écoute autant qu’il raconte.

Legend n’est pas l’exception. C’est l’annonce de ce qui vient. Une manière nouvelle de faire circuler la parole. Une manière nouvelle de transmettre la complexité. Une manière nouvelle d’habiter le temps médiatique.

Dans un monde où l’on scrolle, Legend rappelle que l’on peut encore s’arrêter. Et que parfois, c’est là que tout recommence.

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