12 novembre 2025

Temps de lecture : 2 min

[Interview] Australie.Gad et Altmann + Partners : la résistance des derniers artisans de la pub

Ceux qui aiment la création sont servis ! Ici pas de fond d'investissement, ou de gros groupe à la rescousse, mais une alliance entre amoureux de la pub qui ne s'en laissent pas compter par la tech, la data ou l'IA, outils - et seulement outils - au service de l'idée créative.

Ils se connaissent depuis des décennies, se sont croisés, ont travaillé ensemble, et puis de fil en aiguille, au gré des révolutions, que sont la tech, l’IA, la data, et la tempête à tous les étages aujourd’hui, ils se retrouvent, ensemble, solides, comme disent ceux de la génération Z. On appelle ça, des affinités électives…

Vincent Leclabart, le taulier, toujours dans les parages, même s’il dit ne plus être là… A la tête du groupe, David, son neveu et fils du co-fondateur, Jérôme Leclabart, qui veille tout la-haut sur ses ouailles. Prudence Leclabart, directrice financière du groupe. Un cas unique de transmission intrafamiliale.

Gilles Masson (par le passé Co-président de Publicis Conseil, Président de Léo Burnett, Directeur général fondateur de BETC), qui, en 2021, fusionnait son agence lancée en 2005 (aux côtés de Saatchi), avec Australie pour devenir Australie.GAD. Un village équipé pour répondre à toutes les problématiques de communication. A savoir, FCINQ pour le digital, Little Stories pour le corporate, Bross pour le sport, Moneytime pour le marketing sportif, Moonlike pour les réseaux sociaux, DreamOn pour le design, Cométis pour l’éditorial, Tata Prod…

Aujourd’hui c’est Olivier Altmann qui se joint au cercle des poètes de la « réclame » avec Aurore Duhamel directrice générale en charge du commercial et Céline Chouéri, directrice générale en charge du planning stratégique, ainsi que 30 collaborateurs. Le rapprochement prend la forme d’une participation majoritaire d’Australie.Gad dans l’agence d’Olivier Altmann.

Un ensemble qui totalise 60 millions d’euros de CA

Pour Australie.Gad dont le CA est de 50 millions d’euros en 2025, c’est une manne de 10 millions qui vient embellir le nouvel ensemble avec des budgets tels que Caisse d’épargne, Naturalia, Saint Hubert, Axa prévention, France Télévisions ou encore UPSA, gain récent de l’agence créée il y a onze ans par Olivier Altmann et Pacreau, parti depuis.

Le secret de ce cheminement, c’est comme l’expliquait récemment Gilles Masson dans Influencia,

« la notion du temps long, la réflexion, l’analyse, et non pas la précipitation que l’on observe chez des annonceurs et des agences qui se sont notamment engouffrées dans Second Life, Google Glass, Métavers, NFT, Clubhouse… et qui ont disparu ».

Quid de l’IA ? « Elle est incontournable. Poursuivait-il dans cette entrevue, « nous avons formé tous nos créatifs, créé un studio IA et, récemment, produit un film 100 % IA pour le magazine Vieux. C’est une révolution, mais il ne faut pas croire qu’elle résoudra tout. Elle va créer du chômage, les boîtes de production ont du souci à se faire, les agences de pub aussi à terme. Nous devons être vigilants. Nous avons une responsabilité ».

Et de fait, l’IA en industrialisant les contenus, risque de lisser les émotions humaines, de créer une « monotonisation du monde », pour reprendre Stefan Zweig.

Gilles Masson parie que « d’ici vingt ans, de nombreux cabinets de conseil auront racheté les grandes agences (nous assistons aujourd’hui à une obsolescence accélérée des réseaux: Omnicom qui fusionne avec InterpublicDentsu qui vend son réseau international). Mais la publicité restera incontournable.

Comme le disait Maurice Saatchi : « Dans la vie, il y a trois choses inévitables : la mort, les impôts et la publicité. »

Film Optic 2000 d’Australie.GAD

Campagne pour le magazine VIEUX (groupe CMI) d’Australie.GAD

Par ici l’interview. Olivier Altmann et David Leclabart nous expliquent en détail les raisons de ce rapprochement :

INfluencia : Olivier, comment, vous, qui avez lutté pour rester un «publicitaire » pur et dur, un généraliste, finissez par vous allier à Australie.Gad aujourd’hui ?  

Olivier Altmann : l’agence a plus de 10 ans, j’avais déjà rebaptisé l’agence Altmann+ Partners parce que j’étais dans un mode collaboratif avec pas mal d’autres agences indépendantes. Parfois à la demande de mes clients, d’autres, de mon propre chef parce qu’il fallait trouver des attelages pour compléter l’offre de l’agence. Et puis les marieurs de la place me disaient, souvent, « rencontre un tel et un tel, vous aurez plus de chance de gagner ensemble. »  

Cela a plutôt bien fonctionné, mais à un moment, quand tu arrives sur certains appels d’offre, tu te dis qu’il est quand même plus structurant, plus solide d’avoir une famille de gens avec qui tu collabores de façon régulière avec des intérêts capitalistiques lisibles.

En fait, face à la mutation du métier,(et je ne parle pas du reste) je me suis dit, il faut que je me dote de moyens, de compétences que je n’ai pas, tout simplement parce que je ne sais pas tout faire, car je suis un médecin généraliste (rires).  

IN. : expliquez-nous plus précisément…

O.A. : moi je ne fais(ais) pas de social media, de digital, dur ou soft. Je ne fais pas de corporate, pas d’événementiel, pas de marketing sportif. Ajoutons à cela la révolution IA, et vous avez compris, il faut monter en compétence, cesser de bricoler, et s’allier à des gens qui ont investi de façon conséquente là-dessus.

Une fois posé le diagnostic, j’ai aussi admis que j’avais envie d’avoir plus de puissance, d’assise financière, de moyens pour pouvoir attirer des talents, recruter des gens et me payer une attachée de presse (rires). Vous êtes bien placée pour savoir que depuis que j’ai quitté Publicis, je m’occupais même des RP…

IN. : vous avez songé à d’autres solutions également, dites-vous…

O.A. : oui, j’ai bien songé à m’adresser à des fonds, mais en dehors du fait qu’ils te mettent une très forte pression financière, ils s’en fichent un peu de ton métier, de ta façon de travailler. Quant aux groupes internationaux, ils ne sont pas vraiment intéressés par des petites boutiques et cherchent plutôt à faire d’ énormes rapprochements mondiaux avec des boîtes de la tech.

Bref, le critère que je mets en trois, mais qui en fait est le premier, c’est : avec qui tu as envie de bosser, avec qui tu as envie de te lever le matin et te dire on se comprend, on est de la même famille, de la même culture.

Donc des gens qui sont humains, créatifs, entrepreneurs et qui ont réussi, il n’y en a pas tant que ça… J’avais suivi la fusion Australie.Gad, une fusion réussie. Leur concept de village d’entrepreneurs où chaque patron est autonome, est la solution business la plus moderne, la plus intéressante qui permet à chaque patron d’être impliqué en termes humains, vis-à-vis de ses clients.

IN. : David, c’est donc Olivier qui vous contacte, vous n’êtes pas à proprement parler en recherche d’une agence partenaire, avez d’autres priorités. Comment décidez-vous de devenir majoritaire dans le capital d’Altmann+Partners ?

David Leclabart : nous avons déjeuné ensemble et c’est vrai que sur la feuille de route élaborée avec Prudence, nous avions d’autres priorités stratégiques.  Mais il s’agit d’Olivier Altmann, quoi. L’un des meilleurs créatifs de la place. Et, soyons clairs, la seule chose que les clients ne pourront pas intégrer, ce sont les créatifs. Parce que la création c’est très spécifique. Les créatifs,  il faut les aimer. Synchroniser ces derniers avec le monde réel, c’est très compliqué.

Par ailleurs, on n’en parle pas assez actuellement, et il faut le redire, les patrons de boîtes indépendantes, sont en charge. Ils sont responsables de ce qu’ils recommandent aux clients. La logique n’est pas la même que dans les groupes, où les gens ne font que passer. Or dans un monde qui est quand même un peu chaotique, un peu flou où tu ne sais pas trop où tu vas, il faut rester groupés.(rires), solides et solidaires, et je crois que cette pérennité, cette humanité, ce sens du devoir pour un client, a beaucoup de valeur aujourd’hui.

Un village d’entrepreneurs où chaque patron est autonome est la solution business la plus moderne aujourd’hui.

IN. : ce n’est pas une petite décision, vous avez des budgets doublons, notamment dans le secteur bancaire…

D.L. : évidemment, il fallait que ce soit une bonne nouvelle pour nos clients aussi. Ce que nous avons vérifié auprès d’eux. Mais comme je vous le disais, chaque patron est autonome, chacun a ses bureaux, il ne s’agit pas de prise de pouvoir, mais de capital. Olivier reste chez lui avec ses équipes.

Ce collectif est intéressant à la condition de garder une très forte autonomie

Nous ne sommes pas dans le cadre d’une fusion. Il s’agit de l’arrivée d’une deuxième agence au sein d’Australie.Gad.

IN. : comment vous voyez l’avenir, justement…

D.L. : Sur l’IA, il y a beaucoup de compétition, beaucoup de sociétés font cela parce que c’est à l’ordre du jour de l’avenir. Dans chaque finale, tu les retrouves. Pour être compétitifs, nous avons F5, une société de développement et d’UX. Tandis que le studio AustralIA produit les images, et les sons (cinq personnes).

Typiquement, les outils, sont une des priorités et puis nous continuons à développer toute la partie tech. Sur l’UX nous sommes bons, on veut être encore meilleurs. Les investissements vont évidemment plutôt vers les nouveaux modes de communication. Donc c’est vers cela qu’avec Prudence nous tendons et investissons.

IN. : Australie est la première agence indépendante française… comment expliquer cette pérennité?

D.L. : si vous écoutez Gilles Masson, je pense qu’on est la première agence indépendante du monde, voire de l’univers. Plus sérieusement, Australie est l’une des références indépendantes depuis toujours avant même que je n’arrive. Cela fait quarante ans en fait, que c’est une référence en matière de longévité, d’indépendance. C’est une forme d’institution sur le marché.

Après la taille là-dedans, ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est comment tu fais en sorte que le modèle dure. Et ça c’est très compliqué. Lorsqu’on me la transmet il y a dix ans, la question est comment, moi j’arrive à la transmettre à quelqu’un dans les 20 prochaines années, c’est tout l’enjeu.

IN. : comment affronte-t-on l’immense accélération due notamment à l’IA ? Comment est-on outillé dans sa tête pour se battre contre des groupes qui n’ont que cela à l’esprit ?

D.L. : Il faut d’abord savoir pourquoi tu fais ce métier. Cette révolution rebat toutes les cartes. Si en arrivant, cette révolution tue le plaisir ou la joie de travailler, alors il faut arrêter ce métier. Moi je suis convaincu, par le fait que la création est primordiale. La tech ne crée pas d’idées, l’IA non plus. Notre métier c’est de trouver des idées nouvelles, de surprendre le public, en dosant les deux, on gagne sur tous les plans. L’IA, est une révolution comme plein d’autres révolutions que ce métier a digéré depuis toujours.

O. A.: L’outil IA nous apporte un champ de possibilités assez dingue. La seule chose qu’il faut bien comprendre comme le dit David, c’est que l’IA ne fabrique rien.

Spots d’Altmann+Partners pour Caisse d’Épargne.

Dernière campagne d’Altmann+Partners pour Naturalia

Ce qu’en pense la communauté publicitaire sur Linkedin :

Depuis l’annonce faite de cette association de « bienfaiteurs », mercredi dernier, les like pleuvent sur les profils de Gilles Masson, Prudence Leclabart, Olivier Altmann, et INfluencia. Nous en avons choisi quelques uns qui expriment ce que le métier estime être une belle histoire entrepreunariale, humaine et amicale.

Nicolas Fabre, directeur Marketing se réjouit, du plaisir de voir Olivier arborer ce sourire 😀
et du fait que tous ces gens sont en bonne compagnie.

Pierre Désangles, Fondateur associé de Supper by Square Management, lance : « Bravo à tous, quelle belle famille recomposée…👏👏👏« 

Jérôme Pelletier, directeur artistique indépendant, lui va plus loin et exprime ce que nous craignons tous (un peu), « à l’heure ou tout devient artificiel, un tel rapprochement de jus de cerveau humain c’est une très très bonne nouvelle !!! Bravo 🎊🍾🎈

Même Agathe Bousquet CEO @ Publicis Groupe in France, President @Leo Constellation se penche avec bienveillance sur ce nouvel ensemble « Quelle belle idée, bravo à vous tous ! ».

Tandis que Nicholas Karim Baddour, Global Client Leader WPP Open X For The Coca-Cola Company s’emballe de cette chouette nouvelle. « Vu de l’étranger et de la fenêtre d’une méchante holding ca fait rêver. Amusez vous bien! »

Et comme toute la communauté l’aura compris, Jérôme Leclabart fait partie de ce tout. Le post de Prudence Leclabart  émouvant : « Merci de m’embarquer dans cette aventure ❤️ On continue d’écrire l’histoire du groupe, avec une famille élargie plus collective que jamais. Last but not least, vincent leclabart merci pour ta confiance, et une pensée toute particulière pour quelqu’un là-haut qui, j’en suis sûre, sourit aujourd’hui 💫

Ainsi que celui de Sandrine Bissoulet-Cléret, directrice communication engagée pour un futur vivant : « Eh eh, que des gens que j’aime ! Bon vent les amis 🙂 (et des pensées pour celui qui suit tout cela de loin et à qui on pense toujours) »

Georges Mohammed-Chérif, enfin ne résiste pas à l’appel de la bienveillance : Le boss de Buzzman, se fend d’un « bien ouej » lui, qui a vendu 100% de son agence à Havas.