Le piège du coup de foudre : « TikTok et les applis de rencontre sont devenus des accélérateurs de fantasmes qui nous donnent l’illusion qu’il existe toujours mieux ailleurs ».
Le coup de foudre, mythe romantique ou dépendance affective ? Découvrez ce que la psychologie révèle sur cette passion souvent trompeuse.
Le coup de foudre, mythe romantique ou dépendance affective ? Découvrez ce que la psychologie révèle sur cette passion souvent trompeuse.
Vous venez de rencontrer une personne qui vous a touché en plein cœur ? Vous ne cessez de penser à elle et attendez ses prochains messages avec impatience ? Attention, vous marchez le long d’une ligne de crête de laquelle vous pourriez bientôt tomber.
On ne compte plus les livres et les films dont l’histoire commence par un coup de foudre. « Coup de foudre à Notting Hill », « Coup de foudre à Manhattan », « Coup de foudre à Bollywood », « Coup de foudre à Saint-Pétersbourg », « Coup de foudre à Bora Bora », « Coup de foudre à Noël »… Pourquoi faire original quand les lecteurs et les spectateurs apprécient ?
Les réseaux sociaux, accélérateurs de fantasmes
Les nouvelles technologies, et en particulier les réseaux sociaux, amplifient encore ce phénomène. Instagram, TikTok et les applis de rencontre sont devenus des accélérateurs de fantasmes qui nous donnent l’illusion qu’il existe toujours « mieux ailleurs ».
« Chaque like ou vue de story devient un signe d’amour ou de rejet, constate Christian Richomme, psychanalyste, auteur et thérapeute à Paris.
Résultat : l’attente devient insupportable, l’incertitude intolérable, et la relation réelle n’a parfois pas le temps de se construire. L’amour s’emballe avant même d’exister.
Un simple match sur une appli, quelques messages, un rendez-vous… et certains basculent déjà dans l’obsession : nuits écourtées, pensées envahissantes, scénarios imaginaires, discussions interminables pour analyser le moindre “vu” ou la moindre virgule dans un SMS. »
Le coup de foudre : même circuit de récompense que le sucre ou la drogue
D’un point de vue physiologique et neurologique, il a été démontré que cette sensation active des circuits cérébraux comparables à ceux de la dépendance : libération de dopamine, ocytocine, noradrénaline, activation du système de récompense… Le coup de foudre fait appel aux mêmes circuits du cerveau que la dépendance au sucre ou à la drogue.
« Quand on pense à l’être aimé, il y a une intense activation dans la zone de récompense du cerveau, la même zone qui s’allume quand on prend de la cocaïne, la même que lorsque l’on gagne beaucoup d’argent », expliquait Arthur Aron, professeur de psychologie et chercheur à l’université Stony Brook de New York, àFutura-Sciences. Mais comme souvent avec les substances interdites, cette « servitude » se termine souvent mal.
« Les couples qui vivent dès le début une passion intense ont aussi tendance à se séparer plus tôt, expliquait le Dr Ted Huston de l’Université du Texas à Austinsur le siteLa Nutrition. En somme, comme toutes les drogues, la passion pourrait, à terme, voir ses effets s’estomper. »
Une étude de l’Université de Chicago sur plus de 500 couples a, par ailleurs, révélé que ceux qui avaient connu un coup de foudre initial ne sont pas plus nombreux à rester ensemble sur le long terme que les couples dont l’amour s’est construit au fil du temps. Le coup de foudre ne serait donc qu’une belle étincelle qui ne garantirait pas un foyer durable.
Peur de l’abandon, besoin de validation, dépendance émotionnelle…
« Ce phénomène, souvent pris pour du romantisme, cache en réalité une mécanique psychique plus profonde : peur de l’abandon, besoin urgent de validation, dépendance émotionnelle silencieuse, analyse Christian Richomme qui est un spécialiste des troubles de l’anxiété, des dépressions, des addictions et des troubles affectifs. Résultat : des histoires consumées avant même d’avoir commencé. »
Les experts estiment que les individus présentant un style d’attachement anxieux-ambivalent, et donc déjà plus vulnérables à la dépendance affective, sont davantage susceptibles de vivre des coups de foudre et d’être attirés par l’obsession de la fusion amoureuse.
« Le coup de foudre survient plus fréquemment après une période sombre ou de vide, explique une enquête de la RTBF en Belgique. Nous sommes plus enclins à être ouverts au coup de foudre lorsque nous ressentons un manque ou un besoin. »
Etes-vous dépendant affectivement ? Posez-vous les bonnes questions :
Pour s’assurer que votre coup de foudre ne vire pas à la dépendance, vérifiez que vous ne ressentez pas à un de ces « besoins » :
Vous avez « besoin » de cette personne pour vous sentir vivant·e, complet·e, apprécié·e ;
Vous avez très vite l’envie de vous fusionner, de tout partager, de ne faire qu’un.
Vous acceptez des comportements inadéquats ou toxiques de la part de l’autre par peur de le/la perdre.
Votre humeur dépend entièrement des signes d’attention, de réassurance, du contact avec l’autre.
Vous avez peu ou pas de vie autonome, d’identités ou d’intérêts séparés.
Vous passez très rapidement d’un vide à l’extase relationnelle, sans période de « connaissance mutuelle ».
Vous avez déjà un historique (enfance, adolescence) de sentiment d’abandon, d’instabilité affective, d’attachement problématique.
Comment calmer l’emballement amoureux ? Christian Richomme nous donne quelques pistes à suivre :
Prenez conscience du mécanisme : réaliser que l’on projette un idéal plus qu’une réalité.
Ralentissez volontairement : se donner du temps avant d’analyser ou de parler d’avenir.
Reconnectez-vous à vous : garder des activités personnelles, voir ses amis, ne pas attendre que l’autre remplisse tout l’espace émotionnel.
Identifiez votre style d’attachement : un travail sur sa peur d’être abandonné peut apaiser ces débuts brûlants.
Consultez si l’obsession devient envahissante : un accompagnement psychologique ou une thérapie cognitivo-comportementale (TCC) peut aider à réguler les pensées intrusives.
Avant d’aller vers l’autre, un travail sur soi s’impose. Hugh Grant a du attendre 57 ans pour trouver la femme avec laquelle il s’est marié…