26 juin 2025

Temps de lecture : 15 min

Océane et Le Motif : plongée dans la machine créative d’un duo à part

Créateurs touche-à-tout, entrepreneurs opiniâtres et couple soudé à la ville comme à l’écran, Océane et Le Motif reviennent sur leurs projets du moment — lancement de marque, formation de jeunes talents, ClipFarm, nouveau format vidéo — et les défis mentaux du métier. Une conversation sans filtre, entre intuition créative, burn-out, fidélité à sa communauté et liberté d’expérimentation.

INfluencia : Océane, votre parcours croise stylisme, direction artistique, YouTube, création de séries-documentaires… Comment arrivez-vous à articuler ces différentes activités sans vous diluer ?

Océane Amsler : en fait, ce n’est même pas un challenge, c’est surtout un besoin. Le fait de multiplier les casquettes me permet de me nourrir humainement avant de me redonner envie d’entreprendre de nouvelles choses derrière. En tant que créatif, on aime toucher à tout ce qui nous passionne. Donc, nous avons la chance de pouvoir le faire… à condition que tous nos formats, tous nos projets s’imbriquent parfaitement les uns dans les autres. Et puis j’ai toujours pris des risques dans ma carrière, par exemple, nous avons sorti l’année dernière une marque de vin en canette appelée Maison Bagarre. On savait pertinemment que le projet n’allait pas parler à tous les membres de ma communauté mais on a décidé de se lancer parce que c’était important pour nous. Il faut garder en tête qu’un créateur n’existe pas qu’à travers sa communauté et qu’il doit rester sincère, quel que soit le projet qui l’anime.

J’ai réalisé que ma force c’était justement de pouvoir puiser dans tous ces ponts communicants pour créer quelque chose d’unique

IN. : Olivier, votre parcours croise musique, production, entrepreneuriat, formats longs et réseaux sociaux. Vous êtes-vous toujours vu comme un créatif “multicouche”, ou cette diversification s’est-elle imposée au fil des opportunités ?

Le Motif (Olivier Lesnicki) : j’ai toujours été comme ça. C’est même un reproche que j’ai l’habitude d’entendre de mes parents ou de mes professeurs depuis la naissance « Olivier, tu fais trop de choses, tu ne pourras jamais réussir dans la vie si tu ne te concentres pas sur un seul domaine ». Je touchais à la musique, à la 3D, au graphisme, en même temps, je faisais mes études en génie civil tout en apprenant la photo et la vidéo sur le côté… Sauf que cette habitude à se « disperser » pendant ma jeunesse, mon adolescence et même le début de ma vie d’adulte, je l’ai vécue comme un complexe. Mon rêve, c’était presque de me réveiller un jour avec une seule passion en tête et de pouvoir m’y dédier à 100%. Mais mon atout c’est que quand je m’intéresse à quelque chose, j’y vais toujours à fond. Je fais toujours mes 10 000 heures [la « théorie des 10 000 heures », popularisée par Malcolm Gladwell, affirme qu’il faut 10 000 heures de pratique pour devenir expert dans un domaine, NDLR]. J’ai réalisé que ma force c’était justement de pouvoir puiser dans tous ces ponts communicants pour créer quelque chose d’unique. Dès que j’ai commencé à allier mes compétences en musique, en vidéo et en communication, j’ai accouché d’un projet qui a fonctionné…

IN. : Vous parlez spécifiquement du format « Un son par jour » sur youtube ? [Le Motif a gagné en notoriété en 2020 avec son défi « 1 son en 1 jour », où il composait, enregistrait et partageait un morceau chaque jour, NDLR]

L.M. : oui, ce format m’a permis d’appliquer ce que je savais musicalement… tout en ayant en main la vidéo, l’enregistrement, le mixage son, la communication sur les réseaux sociaux… et ça tous les jours pendant un mois. Je suis persuadé que si le concept a trouvé son public c’est justement parce que j’ai réalisé toutes ces étapes moi-même. Tous ces domaines composent mon individualité.

C’est en faisant les choses à ma manière que le projet pourra plaire à ma communauté.

IN : Océane, vous lancez cet été votre première marque de prêt à porter appelée Menace et Jupon, dans un contexte très concurrentiel. Quelle est la promesse de cette marque ? Comment l’idée a-t-elle germée ?

O.A. : après l’aventure Maison Bagarre, qui s’est plutôt bien déroulée même si on s’apprête à plier bagage pour un tas de raisons que j’exposerai plus tard, mes besoins de création et d’entreprendre étaient loin d’être assouvis. Surtout, j’étais prête à toucher un domaine qui m’est beaucoup plus familier et à m’investir dans un projet de passion pure. J’ai toujours dessiné des vêtements, j’ai fait des études autour de la mode mais je n’ai jamais osé m’exprimer dans ce domaine… Maison Bagarre, ça m’a permis dans un premier temps de débloquer cette peur et de réaliser que l’important c’est de se lancer sans trop se mettre la pression. Bien sûr, il faut faire les choses sérieusement, d’autant plus dans l’industrie du textile qui, par nature, est très compétitive. Mais à la manière d’Olivier, c’est en faisant les choses à ma manière que le projet pourra plaire à ma communauté.

IN. : Vous avez une communauté fidèle. Cette marque s’adresse-t-elle uniquement ou cherchez-vous à élargir dès le départ à un public plus large, moins “core” ?

O.A. : le goal, c’est toujours de toucher plus de gens, même quand je fais des vidéos, c’est le moteur. Mais pour une nouvelle marque, la construction passe forcément par ta communauté. C’était la même chose avec Maison Bagarre, sauf qu’au bout d’un moment, ton modèle économique t’impose de séduire des clients qui ne te connaissent pas forcément à la base. Ne serait-ce que quand tu distribues tes produits dans des petites et grandes surfaces, comme pour Maison Bagarre, dont la portée est immense.

IN. : Olivier, vous avez récemment lancé Clip.farm, une plateforme autour du clipping sur TikTok et Instagram. Concrètement comment fonctionne la plateforme et les raisons qui vous ont poussé à vous positionner sur ce sujet ?

L.M. : Clip Farm est une plateforme qui permet aux créateurs de contenu de rémunérer les clippers de leur communauté. Un clipper, c’est quelqu’un qui va regarder ta vidéo long format sur YouTube ou ton stream sur Twitch pour en extraire des parties qu’il va ensuite reposter sur ses propres réseaux sociaux. Alors, quand on le dit comme ça, cela peut ressembler à du vol de contenu. Mais les clippers font d’abord ça par altruisme et par la volonté de soutenir leur créateur de contenu préféré.

IN. : il y a presque l’idée pour eux de faire partie de la pop culture… et même de la créer en rendant viral tel ou tel extrait qui a raisonné d’abord avec eux.

L.M. : c’est exactement ça. Aujourd’hui, la culture internet, elle est basée sur l’idée de trouver quelque chose qui va faire rire ou qui va interroger du monde pour t’en saisir sur tes réseaux. Les mèmes, à la base, c’est aussi ça. Après, les clippers ne font pas uniquement ça par générosité, ça leur permet de toucher une monétisation si les contenus qu’ils ont monté deviennent réellement viraux… et c’est là que clipfarm intervient. Moi ce que j’ai identifié, c’est qu’il il y a une corrélation directe entre le succès d’un créateur de contenu et le nombre de clips qui pouvaient apparaître de lui sur les réseaux sociaux. Si tu fais un live stream et qu’il y a beaucoup de gens qui clippent ton contenu, il est fort à parier que ton prochain live stream sera un succès.

IN. : Anyme est certainement un parfait exemple de ce que vous décrivez… [Le streamer français Anyme s’est imposé en un éclair comme un phénomène sans précédent sur Twitch, cumulant en quelques mois des centaines de milliers d’abonnés grâce à un style percutant, une régularité impressionnante et une proximité rare avec sa communauté, NDLR]

L.M. : complètement, Anyme incarne ce phénomène. Il est clair que c’est un gars super talentueux. Il a eu un génie comique évident, s’il s’était lancé dans le stand-up, il aurait rencontré un succès similaire. Mais au moment de faire grandir sa chaine Twitch, il a fait le choix de reposter sur ses réseaux TOUS les clips qui sortaient sur lui. Une stratégie qu’aucuns autres créateurs français n’avaient osé faire avant lui, notamment parce que beaucoup d’entre eux ont une position assez conservative vis-à-vis du clipping en le considérant comme du vol de contenu. Lui, au contraire, a complètement embrassé le concept. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, tu es un clipper et tu publies un extrait d’un de ses streams, Anyme va te reposter immédiatement. Ça créé un effet boule de neige étant donné qu’il a une très grosse audience et toi, en tant que clipper, tu te sens valorisé dans ton travail et ça va te motiver à en réaliser davantage. La preuve : presque tous les comptes-clips français postent du contenu sur lui en ce moment. Avec tout ça, il a pris quelque chose comme un million d’abonnés sur Twitch en l’espace de quelques semaines. D’ailleurs, je suis persuadé qu’il n’est qu’au début de sa croissance. Je pense qu’il peut devenir le premier streamer Twitch en France en passant la barre des 10 millions d’abonnés tellement il « fait croquer » tout le monde. Alors, on ne peut pas tous avoir le génie humoristique d’Anyme et puis aussi, tu sais, il y a un facteur chance, le timing, etc. Mais je pense qu’en rémunérant directement les clippers, n’importe quel créateur peut les embarquer avec lui.

IN. : comment fonctionne la monétisation sur Clipfarm ?

L.M. : il y a des critères d’éligibilité que n’importe quel créateur de contenu peut définir à sa manière. Par exemple, si INfluencia nous contacte pour des clips autour de ses contenus, le média pourra définir lui-même à partir de combien de vues par vidéo réalisées vous commencez à rémunérer les clippers. Tu peux même commencer à rémunérer à partir de zéro vue si tu le souhaites, ou même au nombre de clips que la personne fait. Si un créateur te réalise dix vidéos, tu rémunères chaque vidéo à tel prix. Nous, de notre côté, on s’occupe de la partie facturation, redistribution des fonds, etc.

IN. : pouvez-vous nous parler de vos premiers clients ?

L.M. : j’ai lancé la plateforme en janvier et très rapidement j’ai été contacté par MrBeast qui cherchait et c’est toujours le cas, à percer en France [Véritable titan de YouTube, MrBeast est aujourd’hui considéré comme le plus grand créateur de la plateforme, avec des vidéos à plusieurs centaines de millions de vues, des projets démesurés et une influence qui dépasse largement le cadre du divertissement en ligne, NDLR]. Il avait donc besoin de clippers francophones qui sont capables d’identifier les parties dans ses vidéos qui résonneraient avec la culture française.

Je parle de « risque » mais tout est calculé, on ne laisse rien au hasard. Tout ce que je veux, à la fin, c’est que les clippeurs puissent vivre de leur activité.

IN. : plutôt encourageant d’avoir comme premier client le créateur de contenu le plus important au monde…

L.M. : oui, on ne se plaint pas (rire)… Beaucoup de créateurs français lui ont ensuite emboité le pas. Toutes ces campagnes m’ont permis d’identifier ce qui fonctionnait ou pas sur ce segment et la vérité c’est que plus tu mets d’argent… surprise, mieux ça fonctionne (rire). Sur la deuxième partie de l’année, j’ai donc décidé de privilégier les créateurs qui sont vraiment prêts à franchir le pas et à prendre ce risque financier. Les learnings nous l’ont montré : si tu viens sur Clipfarm mais que tu n’as pas l’intention de t’impliquer à 100%, tu risques presque d’effrayer les clippers en leur mettant l’idée dans la tête que tu ne les respectes pas financièrement. À la fin, c’est toujours l’économie de marché qui règne : si tu payes de manière juste, les gens te suivront. Après… je parle de « risque » mais tout est calculé, on ne laisse rien au hasard. Tout ce que je veux, à la fin, c’est que les clippeurs puissent vivre de leur activité.

IN. : Sur un plan personnel, avez-vous tendance à vous challenger mutuellement sur vos projets respectifs, ou au contraire à vous ménager consciemment de l’espace ? Et quels sont vos repères pour préserver l’équilibre entre vie perso et collaborations pro ?

L.M. : il n’y a aucun repère ! (rire). Je n’aime pas cette idée de segmenter vie pro et vie perso. Ma manière de voir les choses est simple, si tu es dans ce cas-là, ça veut dire que la femme ou l’homme qui t’accompagne n’est pas la bonne personne pour toi. Parce que si c’est ton âme sœur – et je dis ça alors que je ne croyais même pas au concept avant de rencontrer Océane –, tu as envie de passer le plus de moments possibles avec elle. La vie est courte et cette conception industrielle de séparer les familles pendant 8 heures de la journée pour envoyer les uns ici, les autres là-bas et les enfants à l’école pour tous se retrouver quelques heures avant d’aller dormir me parait super archaïque. J’aime passer le maximum de temps avec les êtres que j’aime, à savoir Océane et mes enfants pour qu’on puisse réussir tous ensembles. Oui, parfois c’est difficile et je suis sûr qu’Océane aurait des choses à dire là-dessus, mais pour te répondre, oui on se challenge mutuellement, autant sur le plan professionnel que personnel. Tous les couples devraient en faire autant.

O.A. : je suis tout à fait d’accord avec Olivier. Après, on a forcément des centres d’intérêts qui divergent… par exemple le concert de Beyoncé approche (à quelques jours de l’interview) et j’ai déjà l’impression que je vais devoir y aller sans lui (rire), mais plus sérieusement, on se retrouve sur tous les points essentiels et cela nous permet de collaborer à merveille sur le plan professionnel. Là, par exemple, on sort d’une grosse semaine de tournage pendant laquelle on a pris plusieurs jeunes créatrices de contenu sous nos ailes. À un moment, Olivier leur a livré une masterclass sur les statistiques à mobiliser sur les réseaux sociaux et en le regardant je ne pouvais être que fier de lui…

Aujourd’hui, le marketing d’influence pèse plus que le marketing traditionnel et plus d’un enfant sur trois en France veut devenir créateur de contenu.

IN. : pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce tournage ?

O.A. : bien sûr, c’est le prochain gros projet de ma chaine youtube. On l’a nommé la Ocean Week et l’idée était de réunir cinq jeunes micro-influenceuses qui cherchent à développer stratégiquement leur activité et leur visibilité. J’ai loué une grande maison pendant cinq jours et on leur a organisé plusieurs activités et masterclass pour leur enseigner tout un tas de domaines, de la production à la réalisation, en passant par le graphisme pour les miniatures et j’en passe… C’était très intense. Elles, comme nous, n’avons quasiment pas dormi (rire) mais c’était très stimulant.

L.M. : surtout qu’on est tous les deux très attachés à transmettre ce qu’on a appris ces cinq, dix dernières années en pratiquant nos métiers. Le contexte ne peut que nous donner raison : aujourd’hui, le marketing d’influence pèse plus que le marketing traditionnel et plus d’un enfant sur trois en France veut devenir créateur de contenu. Sauf que c’est une économie encore naissante et pour laquelle tu n’as toujours pas de cours à l’université capable de t’en apprendre les « règles ». Nous voulions montrer que c’est possible de t’éduquer sur la question et d’affuter tes compétences pour faire carrière. Des compétences qui peuvent d’ailleurs servir à une flopée d’autres professions qui auraient tout intérêt à se servir des réseaux sociaux pour faire grossir leur notoriété et toucher de nouveaux clients.

Croiser ces destins devant la caméra pour montrer qu’on peut autant réussir à sortir de difficultés mentales importantes qu’à monter un projet professionnel qui marche en partant de zéro

IN. : Océane vous avez sorti en janvier un documentaire Tu seras heureuse dans lequel Olivier joue un rôle central. Le doc en trois parties vous a permis d’aborder des sujets comme la santé mentale ou la pression d’être influenceu.se.r. Qu’est-ce qui vous a poussé tous les deux à vous livrer sur des sujets aussi sensibles ?

O.A. : en réalité tout est partie du burn-out qu’a vécu Olivier en 2023 et qu’il mentionne lui-même dans un des épisodes…

L.M. : la réalité c’est que je suis tombé très, très bas fin cette année-là… Je n’arrivais plus à me lever le matin, j’avais l’impression d’avoir perdu la tête, bref, je traversais une crise existentielle mais grâce au soutien de mes proches et à la thérapie, j’ai réussi à effacer mes symptômes au bout d’à peu près sept mois. En parallèle, Océane s’est retrouvée à devoir gérer seule tout le business de la création de contenu et c’est juste à ce moment critique pour notre binôme… qu’elle a vu sa notoriété exploser sur Twitch. On s’est dits que ça serait très intéressant de croiser ces destins devant la caméra pour montrer qu’on peut autant réussir à sortir de difficultés mentales importantes qu’à monter un projet professionnel qui marche en partant de zéro. D’autant plus qu’Océane a aussi traversé un épisode dépressif intense au même moment. Tout s’est enchaîné très rapidement.

Il y avait la pudeur de dévoiler ses échecs dans un monde aussi compétitif que celui des réseaux sociaux où on a plutôt l’obligation de se montrer solide et de faire rêver sa communauté.

IN. : comment avez-vous géré cette tension entre sincérité et pudeur ?

O.A. : même si je voyais très bien l’intérêt que pouvait avoir ce documentaire pour le public… j’avais très peur avant sa sortie. À la base, si on avait pris la décision d’être suivis par une équipe de tournage car on était convaincu qu’on allait tout casser en 2024. Personnellement, j’étais dans un gros momentum, on était sûr de nous, de nos forces et derrière… il s’est passé ce qu’il s’est passé. En parallèle d’Olivier, j’ai commencé à fatiguer, on a pris certaines mauvaises décisions et d’un coup j’ai eu le sentiment que ma vie s’effondrait. C’est difficile d’avoir une caméra posée sur toi toute l’année quand tu te sens aussi vulnérable. Il y avait la pudeur de dévoiler ses échecs dans un monde aussi compétitif que celui des réseaux sociaux où on a plutôt l’obligation de se montrer solide et de faire rêver sa communauté. Qu’est-ce que les gens allaient penser de nous ? Est-ce qu’ils allaient nous prendre pour des « loosers » … ? Finalement, le fait de montrer toutes nos difficultés, ça nous a permis de raconter une histoire à laquelle beaucoup de personnes ont pu, malheureusement, s’identifier. On est hyper fier du résultat et du retour des gens. Plusieurs créateurs nous ont même contacté en privé pour nous dire à quel point ce qu’on faisait était important pour la profession.

On a grandi avec l’idée qu’il fallait tout encaisser, sourire, avancer. Mais c’est absurde. Nous, avec Tu seras heureuse, on a pu briser ce tabou.

IN. : depuis la sortie du documentaire, vous sentez-vous mieux armés pour faire face aux fragilités du métier ?

O.A. : oui, clairement. Et puis, au moment où le documentaire sort, on allait déjà mieux. On avait commencé un vrai travail de thérapie, que ce soit Olivier ou moi. On a aussi su s’entourer d’une équipe très solide, qui nous accompagne au quotidien et nous aide à gérer tous les aspects de notre activité. Parce qu’on ne fait pas juste de la création : on est une entreprise à part entière, avec des employés, des responsabilités, des projets à piloter… Aujourd’hui, on est beaucoup plus solides et mieux entourés qu’à l’époque où on a commencé à décrocher donc oui, objectivement, ça va beaucoup mieux. Je suis rassurée. Non, franchement, la forme est là.

L.M. : et puis il faut dire aussi que le monde part un peu en vrille. En fait, il l’a toujours été, mais aujourd’hui, avec l’information en temps réel, on a une conscience immédiate de tout ce qui se passe. On sort à peine du Covid, et depuis, ça ne s’est jamais vraiment calmé. C’est logique que les gens aillent mal. C’est même important de le rappeler. Parce qu’au fond, si tu te portes super bien avec tout ce qui se passe dans le monde… c’est peut-être toi le souci (rire). Le problème, c’est que notre société ne nous a jamais appris à dire qu’on allait mal. Ni l’école, ni nos parents, ni les médias ne nous ont donné les outils ou l’espace pour ça. On a grandi avec l’idée qu’il fallait tout encaisser, sourire, avancer. Mais c’est absurde. Nous, avec Tu seras heureuse, on a pu briser ce tabou. Et juste le fait de pouvoir dire publiquement qu’on n’allait pas bien, sans choquer personne, c’est déjà un luxe. Tout le monde devrait pouvoir avoir cet espace-là.

La création de contenu, c’est un univers en perpétuelle mutation (…) Et ça, justement, ça nous oblige à expérimenter. On n’a pas trop le choix. Si tu ne proposes pas de nouvelles choses, tu te fais vite dépasser.

IN. : à votre niveau de notoriété, trouvez-vous encore un espace pour expérimenter, ou la peur de ne pas performer bride-t-elle votre créativité ?

O.A. : la création de contenu, c’est un univers en perpétuelle mutation. En deux ans, tout a changé : les tendances, la manière de produire, la façon dont le public consomme. On est dans un renouvellement permanent. Et ça, justement, ça nous oblige à expérimenter. On n’a pas trop le choix. Si tu ne proposes pas de nouvelles choses, tu te fais vite dépasser. Mais au-delà de l’obligation, c’est aussi une opportunité. Il y a une vraie demande pour des formats différents, des récits plus singuliers. Par exemple, il y a trois ans, YouTube était saturé de divertissement, de gaming, de plateaux très formats télé. Aujourd’hui, les gens cherchent autre chose. Tu seras heureux, c’est typiquement un format un peu hybride, entre documentaire et vlog, qui n’existait pas vraiment ailleurs. On a tenté un truc, et ça a pris. Du coup, on continue d’explorer cette voie : on vient de tourner une nouvelle vidéo dans cet esprit-là. On a aussi envie de tester d’autres choses : des croisements entre fiction et réalité, des formats plus narratifs… Parfois, ça ne fonctionne pas. Ce n’est pas forcément des gros flops, mais ça marche moins. Et parfois, ça explose. C’est le jeu. Ce qui compte, c’est d’oser.

L.M. : en fait, on ne se sent jamais bridés tant qu’on respecte nos principes. Notre ligne, c’est de toujours faire le meilleur contenu possible. Le reste — les formats, les tendances, les plateformes — ce ne sont que des tactiques. Ce qui compte, c’est l’intention. Si un jour on sent qu’on n’est plus sincères, qu’on ne cherche plus à faire du bon contenu, là oui, on sera bridés. Mais tant qu’on peut se dire, à chaque projet : « OK, on a vraiment essayé de faire le meilleur », alors on garde notre liberté.

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