19 juin 2025

Temps de lecture : 4 min

TF1 débarque sur Netflix : un partenariat inédit pour révolutionner la TV en streaming

Dès l’été 2026, les chaînes et contenus de TF1 seront accessibles sur Netflix. Une première mondiale qui soulève autant d'opportunités que de questions pour le géant français de l’audiovisuel.

Coup de génie… ou jeu dangereux ? L’année prochaine, vous pourrez regarder tous les programmes de TF1 sur… Netflix. La plateforme américaine diffusera les chaînes du groupe TF1 et les contenus de TF1+ à partir de l’été de l’année prochaine. Ce partenariat est une première mondiale car le géant du streaming n’avait, à ce jour, jamais ouvert sa plateforme à un autre opérateur.

De longues fiançailles

Cette alliance est la conclusion d’un long jeu de séduction qui a commencé il y a plusieurs années déjà. Les deux groupes ont multiplié les collaborations en coproduisant des séries comme « Le bazar de la charité » en 2019 et plus récemment le feuilleton quotidien « Tout pour la lumière ». Leur succès a « montré qu’il y avait une demande évidente », a expliqué à l’AFP le co-directeur général de Netflix, Greg Peters, qui se dit ravi de renforcer son partenariat avec le « plus grand diffuseur de France ». « On a senti qu’il y avait une opportunité (avec) un public qui, en France, considère Netflix comme leur moyen d’accéder à la télévision », a-t-il ajouté. Si l’avantage de cette alliance semble évident pour le géant américain, le contraire n’est pas forcément vrai pour TF1.

Risque de cannibalisation?

Lors du lancement de TF1+ au début de l’année 2024, les dirigeants du groupe audiovisuel basé à Boulogne-Billancourt affichaient leur ambition de devenir la première plateforme de streaming gratuite dans l’Hexagone et la francophonie. Avec plus de 460 millions d’heures visionnées de janvier à fin mai 2025, TF1+ avait réussi son pari avec une avance de 33% sur la concurrence. Hier, le PDG du groupe a tenu à réaffirmer que « TF1+ est et restera au centre de notre stratégie ». « Nous nous sommes bien sûr posé la question de la cannibalisation de TF1+ et nous avons fait beaucoup d’analyses », a reconnu Rodolphe Belmer mais ses équipes lui ont assuré que la collaboration avec Netflix « sera nettement positive pour nous en termes d’audience ». L’accès aux 300 millions d’abonnés de la plateforme américaine dans le monde, — qui ne publie pas de chiffres par pays mais compterait 12,7 millions d’abonnés en France, dont 28 % (environ 3,5 millions) déclarent ne jamais se rendre sur TF1+ selon le Baromètre des Usages Audiovisuels NPA Conseil / Harris Interactive — devrait permettre d’augmenter l’audience des programmes de TF1, selon son patron, qui précise qu’ils sont « monétisés uniquement ou principalement par la publicité ». La régie de TF1 gardera la main sur la commercialisation des espaces publicitaires lorsque ses contenus seront présents sur Netflix, selon Les Echos. Ces recettes supplémentaires seront notamment utilisées pour « financer la meilleure offre de programmes possible pour le public francophone ». Netflix est déjà spécialiste en la matière.

Rodolphe Belmer

Cette année, le leader mondial du streaming va dépenser la bagatelle de 18 milliards de dollars dans ses contenus. Au second trimestre, le nombre total de titres uniques proposés sur sa plateforme a bondi de 18,2%, selon le spécialiste des métadonnées Gracenote (groupe Nielsen). Ce chiffre est largement supérieur à celui de ses principaux rivaux comme Apple TV+ (+3,7 %), Prime Video (+3,2 %), Disney+ (+1,6 %) et Paramount+ (+1 %). Pourquoi alors ajouter à ce catalogue déjà pléthorique les programmes de TF1 ?

Greg Peters affirme que l’offre du groupe français est « complémentaire » à la sienne. « TF1 est très bon dans le domaine du sport et des émissions en direct, où nous ne sommes pas très présents pour l’instant, même si nous sommes en train de les développer », a-t-il résumé. Le succès de certains de ses programmes sportifs comme « Pilotes de leur destin » (« Drive to survive ») montre l’appétence de ses clients pour ce type de production. TF1 n’est d’ailleurs pas le premier groupe audiovisuel à se rapprocher de Netflix.

Il y a quelques jours à peine, Canal+ a signé un accord avec le groupe californien pour étendre sa distribution sur toute l’Afrique francophone. Ce partenariat vient renforcer celui établi en 2019 entre les deux acteurs pour la France et la Pologne. « Nos millions d’abonnés africains bénéficieront ainsi d’une offre unique, réunissant le meilleur des contenus de CANAL+ et de Netflix dans une seule offre, s’est réjouit Pascale Chabert, la directrice des acquisitions de contenus chez CANAL+. Ce nouvel accord démontre la capacité du groupe CANAL+ à étendre son modèle unique de super agrégation au-delà du continent européen. »

L’alliance avec TF1 va toutefois bien plus loin. Les détails de cette union ne sont toutefois toujours pas définis. « Nous avons, très franchement, beaucoup de travail à faire, a reconnu Greg Peters. C’est un nouveau modèle (…) nous voulons que tout le monde soit satisfait. » « Nous sommes totalement concentrés (sur cet accord qu’il faudra concrétiser auprès des consommateurs) mais aussi auprès du marché publicitaire », a surenchéri Rodolphe Belmer qui a récemment expliqué à Influencia que YouTube était et restera son « principal concurrent » .

Manel Belarbi, Leader Stratégie innovante, Médias et Divertissement chez Onepoint, salue cet accord. «  C’est un partenariat stratégique très intéressant pour l’écosystème français : on voit qu’il devient possible de bâtir des ponts entre les chaînes historiques et les plateformes globales, nous explique cette experte. Ça marque aussi une vraie dynamique de convergence entre les chaînes et les plateformes, avec une logique d’hybridation des contenus. Pour Netflix, l’enjeu est d’accélérer cette stratégie tout en continuant à proposer du contenu local, notamment dans un contexte où les audiences commencent à stagner. Pour TF1, c’est une source de monétisation supplémentaire, mais surtout un moyen d’aller chercher des audiences qui ne vont plus – ou pas encore – sur la télévision classique, et qui ne sont pas non plus forcément sur TF1+. L’enjeu du reach est vraiment central. Ils sont déjà dans cette logique avec YouTube. On est clairement sortis de la stratégie qui consistait à arrêter la distribution pour éviter la désintermédiation. Aujourd’hui, on est plutôt dans une approche hybride, plus ouverte, qui cherche à maximiser le reach. Potentiellement, pour TF1, c’est aussi un levier d’accélération pour sa stratégie de développement dans la francophonie. L’idée étant de s’appuyer sur Netflix, qui est déjà bien implantée sur ces territoires – à condition, évidemment, que les droits sur les contenus soient bien cleared. » Les prochaines semaines nous le diront…

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