23 mai 2025

Temps de lecture : 3 min

N’est-il pas temps d’arrêter de surfer ?

Chaque jour, les marques scrutent les plateformes à la recherche du bon son, du bon format, de la bonne trend. L’objectif ? Gagner en portée organique, générer de l’engagement, incarner la bonne vibe du moment. Rien d’anormal : c’est le jeu. Côté agences, les briefs Social Media s’enchaînent avec une question récurrente : comment profiter de ce qui amuse les gens — sans trop se mouiller. En somme, comment surfer.

Mais les vagues ne sont pas toutes les mêmes. Certaines laissent des traces. Car les tendances virales peuvent aussi véhiculer des comportements à risque. Défendre un contenu qui buzz peut vite devenir un piège, surtout lorsque celui-ci valorise des pratiques dangereuses, des normes toxiques, ou des idéologies douteuses. C’est là que le rôle des marques change : de suiveuses de tendances, elles peuvent devenir éclaireuses. Non pas en se posant en moralisatrices, mais en proposant un contre-récit engageant et désirable. Une marque peut — et doit — être fun ET responsable


Des risques bien réels, à tous les niveaux

Les dérives sont multiples. Certaines touchent à la santé. On pense au Paracétamol Challenge, qui pousse des adolescents à ingérer des quantités dangereuses de médicaments. Au Mukbang, qui valorise une surconsommation alimentaire filmée. Ou encore au « Rawdogging Long Flights », où l’on documente son vol sans boire ni manger. Le secteur de la skincare n’est pas en reste : derrière la quête de la “glass skin” se cachent souvent des routines extrêmes, mal comprises, qui abîment plus qu’elles ne soignent.

Les normes esthétiques véhiculées renforcent des troubles de l’image, notamment chez les plus jeunes. Les marques de cosmétiques y participent parfois malgré elles, en distribuant leurs produits à des créateurs qui valorisent un idéal inaccessible. Sans accompagnement ni pédagogie, ces activations peuvent faire plus de mal que de bien.

Les marques face aux dangers des tendances virales : un rôle de sensibilisation et de responsabilité

Autre type de dérive : la surconsommation. Les formats “Haul”, où l’on déballe frénétiquement des dizaines d’articles de fast fashion, glorifient l’accumulation. Heureusement, certaines alternatives émergent : les “hauls Vinted”, Emmaüs ou recyclerie gagnent du terrain. La viralité peut aussi servir des causes durables.

Enfin, certaines tendances virales ont un impact collectif. Poser sur des rails de train (#SurLesRails) pour une photo stylée est un acte à haut risque. Dans un autre registre, des idéologies comme le masculinisme gagnent du terrain sur TikTok, diffusant des propos sexistes ou violents auprès d’audiences jeunes, souvent influençables. Le danger n’est plus seulement individuel, il devient sociétal.

Et maintenant, on fait quoi ?

Il ne s’agit pas d’être contre les tendances. Il s’agit d’apprendre à les lire, à les comprendre, et à les détourner intelligemment. Les marques n’ont pas à jouer les objecteurs de conscience chiants. Elles doivent garder ce qui fait leur force sur les réseaux : l’humour, la proximité, la créativité. Mais en les mettant au service d’un engagement assumé.

Voici quelques leviers pour y parvenir :

Repenser le social listening comme outil de vigie culturelle : surveiller les signaux faibles, détecter les shifts de perception, intégrer des critères éthiques dans les choix de trends.

Créer des formats “antitrend” engageants : détourner intelligemment les codes. Sponsoriser un “Swap Challenge” seconde main plutôt qu’un haul classique, lancer une série “Real Skin Stories” plutôt que glorifier la perfection filtrée.

Travailler avec des créateurs conscients : soutenir ceux qui prennent déjà la parole pour déconstruire les tendances problématiques. Monter des programmes ambassadeurs avec des pros de la santé, du bien-être, du décryptage social.

Refuser certaines tendances : parfois, dire non est une prise de position forte. Encore mieux si c’est fait avec finesse, comme détourner une trend avec humour tout en informant sur les vrais enjeux.

Rendre la pédagogie virale et désirable : pour être entendues, les prises de parole doivent rester cool, fun, et dans les bons formats. Il ne suffit pas d’avoir raison, il faut aussi donner envie d’écouter.

Peser pour des plateformes plus responsables : certaines marques ont le poids pour exiger plus de transparence ou co- financer des actions collectives de modération et de sensibilisation.

Conclusion : un nouveau rôle pour les marques et leurs agences

Les marques ne sont pas responsables de tout, mais elles sont trop visibles pour n’être que spectatrices. Dans un monde où la confiance envers les institutions s’effrite, elles peuvent devenir des repères. Cela ne veut pas dire adopter une posture militante ou ennuyeuse. Cela veut dire proposer des récits alternatifs, s’entourer des bonnes voix, et continuer de faire ce qu’elles savent faire de mieux : créer du lien avec leurs communautés.

Et si on troquait la planche de surf contre une paire de palmes ? Moins spectaculaire, peut-être, mais plus utile pour aller là où les idées se forment vraiment : en profondeur.

Mylène Cabrera, directrice générale de moonlike

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