Zohran Mamdani vs “Superman” Trump : le nouveau duel survitaminé des réseaux sociaux
Zohran Mamdani a raflé New York, Donald Trump verrouille Washington. Entre eux, un autre champ de bataille s’impose : les réseaux sociaux. L’un joue la réalité brute, l’autre fabrique le mythe. L’étude We Are Social x Visibrain révèle comment ces deux stratégies redéfinissent, en ligne, le rapport de force politique.
Le 5 novembre 2025, Zohran Kwame Mamdani devient maire de New York avec 50,4 % des voix.
Une victoire serrée, mais portée par une stratégie numérique rare à l’échelle municipale. C’est ce que confirme l’étude We Are Social x Visibrain, qui a suivi la campagne au jour le jour en analysant les volumes d’engagement, les formats utilisés et les dynamiques de mentions sur TikTok, Instagram et X.
Et ses conclusions sont nettes : dès le 1er octobre, Mamdani génère sept fois plus d’engagements que ses adversaires, l’ancien gouverneur démocrate Andrew Cuomo et le conservateur Curtis Sliwa, tous réseaux confondus.
Mamdani et la politique des sentiments
Sur TikTok, il s’impose avec son humour, détournements et trends à l’appui : chaque format colle au langage de la plateforme. Ses meilleures vidéos frôlent les deux millions d’engagements.
La stratégie reste la même depuis l’élection. Face caméra, micro-chemise bien en vue attaché à un costume pourvu d’une cravate désormais devenue iconique, ZKM s’adresse directement aux communautés qu’il souhaite cibler, renforçant son authenticité et son attachement au multiculturalisme, point central de sa campagne.
Sur Instagram, le ton reste léger (20% de l’engagement total sur le mois d’octobre est ainsi réalisé par un Reel où on le voit répliquer à un passant l’invectivant) mais la politique s’y fait plus visible. Extraits de meetings, propositions pour les minorités…
Sur X, le ton devient frontal. L’étude relève que 25 % de ses posts les plus engageants répondaient directement aux attaques de ses adversaire en privilégiant les réponses courtes, les corrections factuelles… et toujours un brin d’humour.
Une riposte qui désamorce sans entrer dans le registre de l’adversaire et dont Trump pourrait commencer à faire les frais, comme avec cette pique « déguisée » publiée cette semaine.
The affordability crisis is a political choice. On Jan 1, we’ll finally make a different one — to make our city affordable for every New Yorker. https://t.co/gwgUaQQut5
Dans The Conversation, le 27 novembre 2025, la chercheuse Merlyna Lim analyse le cas Zohran Mamdani à travers ce qu’elle appelle la « politique des sentiments ». Elle rappelle que les électeurs ne votent pas seulement sur des programmes, mais sur l’« identité, le sentiment d’appartenance, les attachements émotionnels et les signaux symboliques ».
MerlynaLim souligne que les posts mettant en avant la dimension musulman ou immigrée de Mamdani, qu’ils soient hostiles ou bienveillants, suscitent « espoir, fierté, peur ou indignation (…) L’identité et l’émotion ont toujours structuré la vie politique. Les réseaux sociaux n’ont pas inventé cette politique des affects ; ils en ont simplement accéléré et amplifié la portée », poursuit-elle
Le show Trump
En face, Trump reste un géant numérique. Nous avions d’ailleurs consacré un article à son usage frénétique de l’IA pour inonder les réseaux d’IA slop.
Selon l’étude de Visibrain, sur le seul mois d’octobre, ses contenus ont généré en moyenne 230 000 engagements et plus de 4 millions de vues sur Instagram, la seule plateforme où il a alors publié. Il cumule 164 millions d’abonnés sur X, Instagram et TikTok, loin devant Emmanuel Macron (22 millions) ou Giorgia Meloni (11 millions).
Une puissance qui repose sur une mise en scène permanente. Les chercheurs Andrew Rojecki et Tanja Aitamurtoexpliquent que les publications de la Maison Blanche « brouillent les lignes entre politique et divertissement, et entre réalité et illusion ».
Happy May the 4th to all, including the Radical Left Lunatics who are fighting so hard to to bring Sith Lords, Murderers, Drug Lords, Dangerous Prisoners, & well known MS-13 Gang Members, back into our Galaxy. You’re not the Rebellion—you’re the Empire.
Ils décrivent un style « partisan, théâtral et exagéré » qui transforme la gouvernance du pays en « émission de téléréalité » et parle directement à une base « blanche, ouvrière, rurale ou de petites villes, évangélique et culturellement conservatrice ».
Trump ne cherche plus à convaincre : il construit un univers parallèle où il se met en scène en figure héroïque. Les images en pape, en Jedi ou en Superman ne défendent aucune proposition, elles installent un récit alternatif.
L’objectif est souvent le même : afficher la verticalité du pouvoir et désigner clairement ses ennemis, comme il y a quelques jours avec Joe Biden (encore et toujours).
Merlyna Lim trace une frontière nette : « la visibilité n’est pas la même chose que le pouvoir électoral ». Dans le cas Mamdani, sa victoire ne repose pas uniquement sur son aura en ligne mais sur une campagne de terrain, bâtie sur le porte-à-porte, les conversations de quartier et l’organisation bénévole.
Mais la chercheuse explique que « ces pics de visibilité » alimentés par l’émotion ne révèlent finalement pas grand-chose de la solidité politique d’un candidat.
L’étude We Are Social x Visibrain en fournit une preuve directe. Au plus fort de l’élection, Mamdani concentrait 75 % des conversations françaises autour du scrutin, et près de 10 % des échanges l’opposait déjà à Trump. Dans les 48 heures suivant sa victoire, cette visibilité est divisée par six.
L’algorithme amplifie… puis il oublie.
Mais si duel électoral il y a dans les prochaines années, est-ce le mythe ou la réalité qui l’emportera dans l’isoloir ?