Une étude d’Ipsos bva pour l’ESCDA montre la relation compliquée que les consommateurs entretiennent avec l’IA quand il s’agit d’entrer en contact avec les marques. Attention danger…
L’IA doit être un soutien et non pas un substitut. Elle est et restera une aide précieuse, ni plus ni moins, car la machine ne remplacera jamais l’humain. Certaines études nous permettent de ne pas oublier l’essentiel.
À l’occasion de la 19ème édition de la cérémonie de remise des prix de l’Élection du Service Client de l’Année (ESCDA) organisée au Trianon à Paris, les experts d’Ipsos bva ont dévoilé les résultats de leur Observatoire des Services Clients 2025.
Cette étude menée auprès de 5000 personnes en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie et en Espagne, dresse le portrait d’une relation client en pleine mutation tiraillée entre innovation technologique et besoin d’humanité.
La lecture de cette enquête permet de dégager un enseignement principal : l’humain résiste face à l’IA. Mieux encore : il reste la clé du succès d’une relation heureuse entre l’entreprise et les consommateurs. Les chiffres sont sans appel.
90% des Français affirment préférer attendre de parler un conseiller humain plutôt que d’échanger avec un agent conversationnel. Plus surprenant encore, 64% des sondés refusent un conseiller assisté par IA, même s’il est plus rapide. Ces critiques parlent en connaissance de cause.
89% de nos compatriotes connaissent en effet l’IA générative et 10% l’ont même déjà utilisée en lien avec un service client. Plus d’un quart des Français (27%) se sont servis de cette nouvelle technologie pour formuler ou préparer leurs demandes avant de contacter un service client et 10% effectuent leurs recherches en utilisant une IA plutôt qu’un moteur de recherche en ligne.
Je t’aime, moi non plus
L’enquête d’Ipsos bva révèle toutefois une réelle dichotomie dans notre société. « Les résultats de notre Observatoire 2025 révèlent un paradoxe fascinant : alors que la technologie progresse à grands pas, les consommateurs réaffirment avec force leur besoin d’humanité dans la relation client, souligne Marie-Laure Soubils, directrice de l’Observatoire chez Ipsos bva. L’IA est perçue comme un outil utile pour aider les conseillers mais en aucun cas comme un substitut à l’humain. » Et pour cause…
Les émotions continuent en effet de jouer un rôle essentiel dans l’expérience client. 60% des Français ont vécu une émotion positive lors de leur dernier contact avec un service client, marquée principalement par la confiance (27%), la gratification (24%) et la réassurance (24%).
À l’inverse, 35% ont connu un moment négatif, dominé par la frustration (34%), la déception (34%) et la colère (20%).
Une satisfaction stable mais une confiance qui s’érode
Si 80% des consommateurs se déclarent satisfait de la qualité des services clients (un niveau stable depuis 10 ans), la confiance recule pour la première fois à 81% (-3 points vs 2024). Ce repli est particulièrement marqué sur les réseaux sociaux (-15 points).
Selon une autre étude de l’entreprise Kiamo spécialisée dans le support au centre de contact, à peine plus d’un Français sur deux se sent bien considéré lorsqu’il contacte un service client (56%).
Leur ressentiment est encore plus profond à l’égard des outils automatisés de service client, avec 7 utilisateurs sur 10 considérant leurs échanges avec les chatbots comme insatisfaisants. Cette perception généralisée s’inscrit dans une tendance sociétale de défiance généralisée.
« Ce décalage entre usage et satisfaction du chatbot est révélateur des défis que pose l’IA conversationnelle, note Marie-Laure Soubils. Les consommateurs l’utilisent par pragmatisme – c’est rapide, disponible 24/7 – mais l’expérience ne répond pas encore à leurs attentes. C’est là que réside l’enjeu pour les marques : améliorer la qualité de ces interactions automatisées sans perdre la dimension humaine. »
Un signal d’alerte pour les marques
Ne rien faire n’est pas une option envisageable. « Cette érosion de la confiance est un signal d’alerte pour les marques, prévient Ludovic Nodier, fondateur de l’élection du Service Client de l’Année. À l’heure où 94% des Français affirment que la qualité de la relation client influence leur image globale d’une marque, et que 81% en font même leur critère n°1 de choix, les entreprises doivent redoubler d’efforts pour restaurer ce lien de confiance, notamment en garantissant la transparence sur l’utilisation de l’IA. La transparence n’est plus une option, c’est une exigence. »
Ne rien dire n’est pas une option. 72% des sondés se sentiraient trompés ou considéraient inacceptable qu’une entreprise ne les informe pas dès le départ qu’ils échangent avec une IA.
Nos voisins ne partagent pas nos opinions
L’étude d’Ipsos bva révèle de notables différences entre les pays européens.
Les Français et les Espagnols se montrent notamment plus émotionnels dans leur relation avec les services clients, tandis que les Allemands et les Italiens valorisent davantage l’expertise technique. Les Espagnols accordent une importance particulière à l’avis de leurs proches dans le choix d’une marque.
De nombreuses entreprises ne semblent pas prendre en compte la défiance des consommateurs face à l’intelligence artificielle. 67% de spécialistes du service client continuent en effet de penser que l’IA générative peut améliorer leur service client grâce à un support automatisé et personnalisé, si l’on en croît les conclusions d’une enquête de Cap Gemini.
De nombreux secteurs, des banques aux compagnies aériennes, se servent de plus en plus des agents conversationnels numériques («chatbots») en contact direct avec les clients pour effectuer des tâches de dépannage.
Le marché mondial de ces outils est passé de 370 millions à 2,2 milliards de dollars entre 2017 et 2024, selon une récente étude réalisée par Vivek Astvansh, professeur de marketing et d’analyse quantitative à l’Université McGill. Avant d’engloutir des fortunes dans l’IA, les marques devraient s’assurer de répondre aux attendes de leurs clients.