INfluencia : Votre coup de cœur ?
Raphaël de Andréis : J’ai deux coups de cœur à partager. Le premier est pour « Les Rois maudits » de Maurice Druon, dans lequel je suis en train de plonger. J’ai découvert cette saga tardivement, un véritable chef-d’œuvre pourtant un peu snobé par certains milieux intellectuels.
Issu d’une famille d’éditeurs et de libraires, j’avais toujours associé Maurice Druon à des éditions façon France Loisirs, avec leurs couvertures en sky, et je n’avais jamais osé ouvrir ces volumes. C’est une amie, Béatrice Speisser — autrefois chez Havas et aujourd’hui chez Capgemini — qui m’a dit : « Tu devrais lire cet ouvrage ».
Je le recommande à quiconque souhaite réussir ses vacances : « Partez avec Les Rois maudits ».
On comprend vite d’où vient l’inspiration de certains auteurs contemporains comme Ken Follett. « Les Rois maudits » regorgent de réflexions philosophiques sur le pouvoir, les relations hommes-femmes, et bien d’autres thèmes, le tout porté par une érudition historique sidérante. Mais ce qui m’a le plus surpris, c’est la qualité d’écriture : brillante, moderne, intemporelle. « Les Rois maudits » pourrait tout à fait paraître aujourd’hui. C’est donc mon premier coup de cœur, et je le recommande à quiconque souhaite réussir ses vacances : « Partez avec Les Rois maudits ».
Mon second coup de cœur est un coup de cœur de désir : je suis très impatient de découvrir l’exposition conjointe d’Eva Jospin et de Claire Tabouret, qui ouvre le 10 décembre. Le Grand Palais a invité ces deux artistes françaises, aujourd’hui de renommée internationale, à investir deux galeries reliées par une même entrée (ndlr: d’un côté « Grottesco », un parcours foisonnant de forêts, de grottes et d’architectures imaginaires ; de l’autre « D’un seul souffle », qui dévoile les coulisses d’un projet monumental, les futurs vitraux contemporains de Notre-Dame de Paris).
Malheureusement, leurs œuvres sont devenues inabordables pour une bourse normale. Mais j’admire profondément leur travail, qui me touche énormément, et je trouve l’idée de les mettre face à face absolument géniale.
L’écologie est comme une pelote de laine avec laquelle jouent des matous extrémistes, de gauche comme de droite.
IN. : Et votre coup de colère ?
R.d.A. : J’ai un vrai coup de colère à propos de ce qui devrait être le plus beau sujet du monde : l’écologie. Aujourd’hui, ce thème essentiel est devenu l’otage de débats qui n’ont plus aucun rapport avec le fond. C’est comme une pelote de laine avec laquelle jouent des matous extrémistes, de gauche comme de droite.
On assiste à une forme de privatisation de quelque chose qui appartient pourtant à tout le monde. Résultat : plus personne n’ose vraiment le toucher — ou alors en catimini.
Par crainte des réactions négatives, un grand nombre d’entreprises choisissent désormais le silence, préférant cacher leurs initiatives environnementales. Après l’ère du greenwashing, voici venue celle du green hushing. Le simple fait qu’on ne puisse plus réfléchir sereinement sur l’écologie me met hors de moi. Je trouve criminel que certains en aient fait un fonds de commerce, dans un sens comme dans l’autre.
« Je ne vais pas vous parler d’histoire. Je vais vous raconter des histoires. »
IN. : L’évènement qui vous a le plus marqué dans votre vie ?
R.d.A. : C’est un moment de sérendipité qui a profondément marqué ma vie. J’avais 18 ans, et c’est ma professeure d’histoire en Hypokhâgne, au lycée Claude-Monet, qui a changé mon rapport au travail avec une simple phrase. Le premier jour de septembre, elle s’est avancée vers nous et a déclaré : « Je ne vais pas vous parler d’histoire. Je vais vous raconter des histoires. »
À partir de cet instant, je suis entré dans son cours avec un appétit presque vorace, une gourmandise intellectuelle que je n’avais jamais connue. Elle m’a ouvert de véritables autoroutes de passion.
C’est à elle que je dois le point de jonction entre mon métier de communicant, mon travail d’écrivain et ma fascination pour le storytelling — que ce soit pour bâtir une plateforme de marque ou pour achever mon troisième roman, comme je le fais en ce moment. Raconter des histoires est, à mes yeux, la force la plus puissante qui soit : avec une bonne histoire, on peut tout faire bouger dans la vie.
IN. : Votre plus grande réussite ? (pas professionnelle)
R.d.A. : Puisque l’exercice m’interdit d’évoquer ma famille et mon travail, et que je n’ai jamais accompli quoi que ce soit d’héroïque qui mériterait la Légion d’honneur, je dirais que ma principale réussite est d’avoir inventé des personnages, écrit et publié des histoires, et trouvé un lectorat pour mes deux premiers romans, Air et Mer, que j’ai coécrits avec mon ami d’enfance Bertil Scali.
C’est une réussite inattendue, encore modeste, mais réelle : les droits des deux premiers livres ont été optionnés par de grandes sociétés de production. Peut-être un jour un film, ou plus probablement des séries… On verra bien. Le fait que des professionnels s’engagent est en tout cas très sérieux : ce ne sont pas des promesses en l’air.
Raconter des histoires est pour moi la meilleure manière de sensibiliser les lecteurs, notamment au dérèglement climatique
Je m’apprête à publier mon troisième roman en 2026, toujours aux côtés de Bertil. Nous formons un tandem formidable, un peu — toutes proportions gardées — les Lapierre et Collins d’aujourd’hui (rires). C’est un thriller, une enquête située dans un futur relativement proche où le climat est complètement parti en vrille et où, face à un monde déréglé, les pires travers humains ressurgissent.
Le récit est assez sombre, mais nous tenons à y glisser de nombreux petits moments de lumière. Celui que je peux presque désormais appeler mon maître étant Maurice Druon, nos livres restent avant tout divertissants : ce sont de véritables page turners.
Je n’ai pas la prétention d’être ce que je ne suis pas, mais nos romans sont toujours nourris de faits scientifiques. Et, une fois encore, raconter des histoires est pour moi la meilleure manière de sensibiliser les lecteurs, notamment au dérèglement climatique. J’aime l’idée de divertir tout en faisant progresser, ou du moins en accompagnant chacun vers une prise de conscience — et, qui sait, une envie d’agir.
IN. : Votre plus grand échec ? (idem)
R.d.A. : Je joue mal au tennis. Je m’applique, mais je n’ai tout simplement pas le sens de la balle. J’ai toujours aimé l’atmosphère chic des clubs de tennis. J’aurais adoré être un personnage de Match Point, déambuler des pieds à la tête en Lacoste, tout de blanc vêtu, avec un pull jeté sur les épaules et un peu de terre battue sur les chaussures. Bien sûr, je peux fréquenter des clubs de tennis, mais je m’y sens toujours un peu imposteur.
J’aurais adoré être un très grand scénariste
IN. : Votre rêve d’enfant ou si c’était à refaire
R.d.A.: Ce que je vais dire n’est pas une boutade : c’est une conviction profonde, résumée par la célèbre phrase de Saint Augustin : « Le bonheur, c’est de continuer à désirer ce que l’on possède. » Je crois réellement que je ne changerais rien à ma vie. J’aurais pu être quelqu’un de plus intéressant, de plus important, ou de plus… je ne sais quoi : un aventurier, un homme politique. Et pourtant, je suis profondément heureux de ce que j’ai.
S’il y avait cependant un autre métier que j’aurais aimé exercer, j’aurais adoré être un très grand scénariste. Mais la messe n’est pas dite : je suis encore jeune, alors qui sait ? (rires)
Les hypermnésiques me fascinent.
IN. : Le don de la nature que vous aimeriez avoir ?
R.d.A. : Le coup droit (rires)… Mais sinon, j’aurais aimé avoir une meilleure mémoire. Les hypermnésiques me fascinent. Je ne sais pas si cette capacité est vraiment compatible avec la créativité, qui relève davantage de l’instinct. Mais je reste admiratif devant celles et ceux qui possèdent une mémoire exceptionnelle — et, souvent, une immense culture.
J’ai beaucoup de mal avec les vérités assénées par les prophètes de salon
IN. : La faute qui vous inspire le plus d’indulgence et celle qui vous inspire le plus de colère
R.d.A. : J’ai de l’indulgence, même une certaine tendresse, pour les maladresses des personnes authentiques — ce qui n’empêche pas de les aider à gagner un peu en finesse.
En revanche, j’ai beaucoup de mal avec les vérités assénées par les prophètes de salon, ceux qui ont un avis définitif et sentencieux sur tout. Ce sont souvent des esprits superficiels, qui ne creusent rien. Et cela me tend complètement.
IN. : Quel musicien emmèneriez-vous sur une île déserte ?
R.d.A. : Keith Jarrett. C’est le seul que je puisse écouter à l’infini et qui ne m’ennuie jamais. Il pourrait être un musicien d’aujourd’hui, jouer à quatre mains avec Sofiane Pamart et aussi avec Maurice Ravel.
* l’Hôtel Littéraire Le Swann, situé au cœur du quartier historiquement proustien de la plaine Monceau et de Saint- Augustin, présente une collection d’œuvres originales sur l’écrivain ainsi que des pièces de haute couture, des photographies, des tableaux, des sculptures. Notre interviewé(e) pose à côté d’une sculpture de Pascale Loisel représentant bien sûr l’auteur d’ « À la recherche du temps perdu »
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Havas, présent dans plus de cent pays, a enregistré une croissance organique de +3,8 % au 3e trimestre et poursuit sa transformation avec Converged.AI, son système d’exploitation augmenté par l’IA, tout en plaçant la créativité au cœur de son modèle. La nomination récente de Bertille Toledano, CEO de BETC, à la tête d’une Creative powerhouse au Moyen-Orient illustre cette ambition d’excellence créative.
Le groupe continue de renforcer ses expertises grâce à des acquisitions ciblées, parmi lesquelles Tidart en Espagne (performance digitale), Gauly en Allemagne (communication stratégique) et Unnest en France (ingénierie data).
En France, Havas cultive une forte culture du collectif et a récemment créé un point d’entrée unique pour répondre aux défis de transformation de ses clients, autour de Raphaël de Andreis, CEO France & Italie et Chairman Europe de l’Ouest, et de Delphine Drutel, nommée VP Business Transformation