Les Français lèvent moins le coude, et c’est l’alcool qui trinque : la révolution silencieuse du « NoLo »
La baisse continue de la consommation bouleverse l’économie du vin, tandis que French Bloom, les bières 0 % et les bars sans alcool séduisent une nouvelle génération.
C’est la conséquence d’un phénomène qui ne cesse de se développer en France. Certains s’en réjouiront, d’autres non. La baisse de la consommation d’alcool et tout particulièrement de vin plonge depuis plusieurs années le secteur viticole dans une crise profonde.
Le 24 novembre, les représentants de cette filière ont réclamé une aide supplémentaire de 200 millions d’euros pour financer une nouvelle campagne d’arrachage de vignes. Les 27.000 hectares d’arrachage subventionné en 2024 n’ont pas suffi à sortir de la crise les 60.000 exploitations viticoles françaises.
Le président des Vignerons indépendants de France, Jean-Marie Fabre, évalue à 40.000 hectares la surface de vignes à sortir de terre l’année prochaine. Les chiffres sont édifiants.
Les buveurs d’alcool quotidiens ont été divisés par trois
Ces trente dernières années, le pourcentage des adultes déclarant boire de l’alcool tous les jours a été divisé par trois et la proportion de buveurs hebdomadaire a chuté d’un tiers pour passer de 61% à 37%. Nous sommes de moins en moins nombreux à déguster régulièrement du vin, qui représente la moitié de notre consommation totale d’alcool.
En 1926, année de tous les records, les Français buvaient en moyenne 136 litres par an. Ce chiffre avait très légèrement reculé en 1950 (124 litres) avait de chuter brutalement lors des décennies suivantes. L’an dernier, nous avons ainsi consommé à peine 22,5 litres de vin et cette tendance ne semble pas prête de s’inverser.
Une étude de NielsenIQ révélait ainsi que plus de la moitié de nos compatriotes (52%) prévoyaient de boire moins d’alcool lors de l’année à venir.
La loi Evin de 1991 a eu un fort impact
Les raisons qui expliquent ce phénomène sont nombreuses. Les initiatives gouvernementales ont notamment joué un rôle important dans la transformation des habitudes de consommation.
Le vote de la première loi sur l’alcool au volant en 1970, la loi Evin de 1991 qui a fortement limité le droit de faire de la publicité pour les boissons alcoolisées et la campagne de 2019 visant à lutter contre la banalisation de la consommation d’alcool chez les jeunes ont eu un réel impact.
De plus en plus de Français ont également des soucis à boucler leurs fins de mois et l’achat d’une bonne bouteille est désormais considéré comme une dépense superflue.
Ne plus boire est, par ailleurs, devenu « cool » dans notre pays, particulièrement chez les plus jeunes. Près de 17 millions de Français ont ainsi participé l’an dernier à « Dry January ».
La stratégie du « Nolo » pour récupérer des consommateurs
Ce type « d’actions aident certains à se fixer un objectif dès le début de l’année et à engager une réflexion sur le long terme », nous expliquait récemment Valérie De Sutter, la fondatrice de JNPR, une des marques pionnières dans le secteur des spiritueux premium sans alcool en France. Beaucoup optent pour le « moins » plutôt qu’en faveur du « pas du tout ».
Ce phénomène porte même un nom: le « nolo » regroupe ainsi les boissons sans alcool (« no alcohol ») et les boissons à faible teneur en alcool (« low alcohol »).
« Cela correspond tout d’abord à une envie qu’ont de plus en plus de personnes de modérer leur consommation d’alcool, ajoute Valérie De Sutter. Il ne s’agit donc pas d’arrêter complètement de consommer de l’alcool (seulement 15% de nos clients ne boivent pas du tout d’alcool), mais plutôt d’avoir une consommation plus raisonnée. Un objectif qui va de pair avec l’envie de prendre soin de soi, de ce qu’on mange… » .
De plus en plus d’acteurs se disputent aujourd’hui ce marché en plein essor.
French Bloom : le vin effervescent sans alcool qui cartonne
Une des plus grandes réussites du moment est, sans aucun doute, French Bloom. Fondée en 2021 par Maggie Frerejean-Taittinger ainsi que l’ancienne mannequin Constance Jablonski et aujourd’hui dirigée par Rodolphe Frerejean-Taittinger, cette marque française de vin effervescent sans alcool est déjà le leader du marché, avec plus de 500.000 bouteilles écoulées dans 30 pays en 2024.
Le secret de ses cuvées élaborées à partir de vins biologiques de Chardonnay et Pinot Noir français débute dès la vigne. Vendangé tôt pour plus d’acidité, le raisin est vieilli et fermenté six mois, avant d’être désalcoolisé selon un procédé unique restituant les arômes originels du vin. La marque, qui a remporté le « World’s Best Alcohol-Free Sparkling » aux World’s Best Sparkling Wine Awards en 2022 et 2023, a rapidement attiré les convoitises.
En octobre 2024, LVMH a même décidé, pour la première fois, d’investir dans une boisson sans alcool en prenant une participation d’environ 30% dans cette startup pétillante. Ce rapprochement a récemment permis à la marque, qui était parvenue à boucler un tour de table de 3 millions d’euros cinq mois seulement après son lancement, de nouer un partenariat officiel avec la Formule 1 pour une durée de dix ans, un sport dans lequel le géant du luxe est très impliqué.
Les bières et vins sans alcool décollent
Les bières sans alcool connaissent également un succès grandissant, comme le prouve leurs ventes en hausse l’an dernier aussi bien en valeur(+5,4 %) qu’en volume (+ 3,9 %).
Les vins « 0% » commencent aussi à apparaître dans les rayons des magasins dont Pierre Zero qui est produit dans le Languedoc-Roussillon our Le Petit Béret, originaire de Béziers.
Cette offre toujours plus riche a encouragé des entrepreneurs à ouvrir des bars sans alcool. Le Paon Qui Boit a été un des premiers à montrer la voie en 2022 en ouvrant deux établissements à Paris. Déjà Bu?se trouve, lui, dans le très branché 11ème arrondissement.
Tchin-tcin. Boire ou conduire, plus besoin de choisir…