18 décembre 2025

Temps de lecture : 6 min

Dépression, burn-out… Comment ça arrive ? Que ressent-on ? Comment s’en sort-on ? Vos trois témoignages précieux sont éclairants

Que se passe-t-il quand on sombre dans une dépression ? Quelles en sont les raisons ou les facteurs ? Et surtout comment s'en sort-on ? Trois d'entre vous avez répondu à ces questions indispensables, à l'heure où 40% des salariés -au moins- sont concernés.

Visuel réalisé par Cyrille Frank via Midjourney (outil d'IA générative)

Il y a quelque temps, je vous ai invité sur LinkedIn à témoigner sur votre maladie mentale. Quelques-uns m’ont répondu en message privé, grand merci à eux !

Cette réponse via message privé montre aussi que ces maux invisibles sont encore considérés comme une faiblesse, voire un handicap professionnel qu’il vaut mieux taire publiquement.

Même si cela change un peu depuis que certaines personnalités, à l’instar de Stromae ou Simone Biles ont révélé leurs problèmes.

Pourtant les chiffres sont éloquents, plus de 4 salariés sur 10 sont en détresse psychologique et les chiffres sont similaires du côté des étudiants.

Alors comment et pourquoi avez-vous basculé dans un état dépressif ?

1. Une situation inextricable accélérée par un traumatisme

J’ai pris le camion en pleine face

C’est à 28 ans que Martin (le prénom a été changé) fait face à sa première dépression. Aujourd’hui ce cadre supérieur du secteur de la com/marketing/tech me raconte comment ça s’est passé.

Comme la plupart des personnes interrogées, Martin n’a pas vu venir le truc.

« J’étais quelqu’un d’énergique, de séducteur, je faisais de la musique, je n’avais jamais pensé au sujet des maladies mentales« .

Le point de bascule ? Une rupture amoureuse un peu particulière. Martin était en couple depuis trois ans, lorsqu’il débute une relation adultérine. Sa maîtresse fait pression sur lui pour qu’il quitte sa compagne, ce qu’il fait à contre-cœur, n’ayant de sentiment profond ni pour l’une, ni pour l’autre.

Déjà, il commence à se sentir mal. Quel choix faire entre les deux ? Et ce sentiment de devoir opter pour deux mauvais choix. Impression d’être pris au piège et d’aller dans le mur.

Visuel réalisé par Cyrille Frank via Midjourney (outil d’IA générative)

Finalement, il quitte sa maîtresse aussi.

Mais un jour, son ex-première compagne lui avoue qu’après leur séparation, elle a couché avec un ami commun. Et là, c’est la chute. Un sentiment de trahison (« pas du tout justifié » me dit-il aussitôt). Et surtout un profond sentiment de « perte » (« fréquent » dans les dépressions analyse Martin, qui s’est beaucoup renseigné sur le sujet).

« La dépression a duré deux ans, il m’a fallu 6 à 7 mois avant de cesser de pleurer (…) J’ai vécu un autre épisode dépressif en 2019, mais rien d’une ampleur pareille. C’est la nouveauté et la surprise qui est terrible. On n’est pas préparé à ça. »

2. La conjonction de problèmes pro et perso`

Pour Julie, (prénom changé), cadre supérieure elle-aussi dans une grande entreprise, c’est l’accumulation qui a déclenché sa dépression.

D’une part sur le plan personnel, ça se passe mal avec son mari. Ce dernier, lui-même en burn-out, a quitté son emploi et est resté sans activité pendant quatre ans. Elle le porte « à bout de bras » durant cette longue période durant laquelle, il se montre irascible, agressif et dénigrant.

Parallèlement, dans son travail Julie est progressivement mise sur la touche. Son chef se fait licencier, son département est fusionné avec un autre, ses projets sont détricotés. Pire, on lui demande de détruire ce qu’elle a mis des années à bâtir.

Et l’élément déclencheur : sa mère se fait diagnostiquer un cancer, ravivant le traumatisme de son père décédé d’un cancer quand elle avait 20 ans, et parti en quelques mois.

3. La découverte d’un trouble bipolaire

Julie découvre alors qu’elle souffre de bipolarité. Elle apprend que cette maladie mentale peut apparaître suite à des traumatismes, même s’il faut des prédispositions.

Elle commet l’erreur d’en parler au travail, ce qui lui vaut d’être encore plus écartée par le service des ressources humaines qui se méfie de son « instabilité ». Double peine.

Le trouble bipolaire, Marie (prénom changé), pour sa part, elle connaît bien. Cette directrice de communication d’une cinquantaine d’années vit avec depuis ses 18 ans.

C’est au cours de sa deuxième année de droit, que Marie sombre dans une profonde dépression. Elle arrête ses études, fait un séjour en clinique, sur les conseils de ses parents qui sont tous deux médecins.

Au passage, elle me raconte qu’elle est internée avec des gens qui ont toutes sortes de maladies mentales, parfois très sérieuses (psychopathies), ce qui n’a rien de réconfortant.

Comment se manifestent ces troubles ?

Visuel réalisé par Cyrille Frank via Midjourney (outil d’IA générative)

« J’avais le sentiment de tourner dans un verre d’eau« , confie Martin.

« Je ne voulais pas vivre, voir le bonheur des gens me faisait pleurer, mais je ne voulais pas en finir. J’avais trop peur de la mort. »

Ce n’est pas le cas de Julie. Elle, a failli sauter d’un pont, tant elle souffrait d’une dépression douloureuse. Elle s’est levée en pleine nuit, s’est habillée, a pris sa voiture pour en finir. Au dernier moment, l’idée de faire souffrir ses enfants l’a arrêtée.

Elle est retournée chez elle, totalement défaite, et a tout avoué à son mari qui l’a surprise dans son état critique et lui a fait avouer sa tentative de suicide. Point de départ d’une prise en charge par des médecins.

Julie raconte le lent poison de la dépression : « je perdais progressivement mes capacités cognitives. Je devenais débile, je ne comprenais rien en réunion. Je n’arrivais plus à travailler. Incapable de rien faire, je passais des journées entières devant mon écran, sans avancer d’un iota« .

« Et puis, je n’avais plus envie de rien, de voir personne. Pour les courses, je ne savais pas quoi acheter…« 

Marie, elle, a des idées suicidaires. Après trois semaines, elle retourne chez ses parents, mais elle mange très peu et sans plaisir, ne peut plus sortir, prendre le métro… les crises d’angoisse s’enchaînent.

Aujourd’hui, Julie, qui a découvert sa bipolarité tardivement, comprend mieux ses phases « maniaques » où elle va beaucoup plus vite que tout le monde.


« Intellectuellement, c’est comme si j’étais sous coke. »

« Ça va très vite dans ma tête. J’ai besoin de faire 25 trucs à la fois. Je parle beaucoup, on ne peut pas en placer une. Les gens sont un peu tétanisés. Mais attention à la descente qui passe d’un extrême à l’autre : apathie, plus envie de rien faire, incapacité à me concentrer…« 

Comment remonte-t-on la pente ?

Visuel réalisé par Cyrille Frank via Midjourney (outil d’IA générative)

Pour les trois personnes interrogées, le salut est venu de quatre choses : la chimie, la thérapie, le soutien d’une amie et l’allumette du plaisir.

-La chimie. Martin : « je suis soigné à vie par des anti-dépresseurs. A chaque fois qu’on a baissé la dose, j’ai connu des épisodes dépressifs. Avec mon psychiatre, on a donc décidé de maintenir un certain seuil » .

Julie et Marie racontent la même chose. Les médicaments les ont sauvées, en calmant les angoisses, en les mettant dans un sas mental de sécurité.

Tous ont du tâtonner pour trouver le bon traitement et le bon dosage. Ni trop, avec des effets abrutissants et soporifiques, ni trop peu, avec rechutes (bouffées d’angoisse et états dépressifs).

– La thérapie. Martin : « J’ai consulté très rapidement, mais avec les deux premiers thérapeutes, ça n’a pas marché. Il y en une qui ne parlait pas et je payais 100 balles, c’était agaçant. La deuxième n’était pas à l’aise dans la discussion, un peu à côté de la plaque« .

Marie, passée elle aussi par une thérapie a la même expérience. « J’ai choisi une psychologue sur Doctotlib, au pif. Tu n’as pas trop le choix tant la liste d’attente est longue. Et j’ai eu un rendez-vous six mois plus tard. Avec la première, ça n’a pas fonctionné. Bonjour, je ne parle pas, c’est 200 balles, merci bien ! Mais la deuxième femme m’a redonné confiance« .

Le conseil des trois témoins est unanime : ne pas se forcer. Si le courant ne passe pas, changez !

Pour Julie, la première grosse étape de sa guérison a été de dépasser le déni. Elle a mis beaucoup de temps avant de demander et accepter de l’aide. Avoir conscience de son besoin et dépasser « la honte de cette faiblesse là » lui a enfin permis d’avancer.

– Le soutien : « J’ai trouvé quelqu’un qui m’a aidé « tu vas en baver, mais tu peux en sortir. Et ce conseil : « Tu as accumulé un tas de pierres qui te pèsent. Tu vas enlever une à une ces pierres. A ton rythme. » raconte Martin.

Technique qui se rapproche de celle des petits pas : avancer sur de petites choses, pour avoir l’impression même très légère d’aller vers du mieux. Se lever, se préparer à manger, ranger son bureau, sortir, parler avec autrui…

Martin résume : « Qu’est-ce que tu peux faire aujourd’hui ? C’est déjà bien, et ça suffira pour aujourd’hui« 

Il ajoute : « On n’a pas forcément besoin de quelqu’un qui soit passé par là. Mais évidemment quelqu’un de très empathique et bienveillant qui puisse dire :  » viens on va marcher, je m’occupe de tes enfants ce soir, quelqu’un que tu puisses appeler en larmes, pour ne pas pleurer tout seul »

L’erreur de l’entourage : vouloir à tout prix remonter le moral de l’autre, minimiser ou compatir avec excès. Et le pire : chercher à « secouer » la personne pour la sortir de son apathie supposée. « Il suffit juste d’être là, disponible, y compris en silence » me confie Martin.

– L’allumette du plaisir : il faut identifier ce qui nous fait du bien, « ce qui t’allume » : « pour moi, discuter avec des gens super intelligents me fait du bien, la méditation, faire de la musique : le piano électronique m’apaise, me nourrit« .

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En résumé

Les récits de ces trois témoins montrent combien les troubles mentaux sont violents et peuvent affecter absolument tout le monde. Et que rien ne prépare à un choc pareil. Les solutions pour ces trois personnes ont été plurielles : les médocs à court terme qui aident beaucoup à surmonter les symptômes dépressifs.

Puis un accompagnement au long cours pour traiter le fond du problème : psychanalyse, psychothérapie… Le soutien d’une personne de confiance s’avère crucial, tout comme la « stratégie des petits pas ».

Et surtout le déclic initial : arrêter le déni, accepter d’être aidé et cesser de culpabiliser. Mais le regard de la société, hélas, n’aide pas sur ce point.

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