Pourquoi toutes ces marques deviennent des “Maisons” : la grande illusion du chic marketing
De Nicolas à Perrier, en passant par l’hôtellerie et la gastronomie : comment l’appellation “Maison” est utilisée pour redorer l’image de marques souvent en perte de vitesse et pourquoi les consommateurs n’y croient plus.
La ficelle est un peu grosse, non ? Pour relancer un business vacillant, se donner une image plus chic ou copier des recettes qui semblent avoir fait merveilles dans les secteurs aux plus hautes marges, une « solution miracle » existe : coller à sa marque l’appellation « Maison ».
Le dernier groupe a être tombé dans ce panneau est… Nicolas. Mais si, vous savez : Nicolas, ses petites boutiques de quartier où on allait acheter une bouteille de rouge, de blanc ou de rosé avant d’aller diner chez des amis ou se faire un petit plat à la maison.
Et bien depuis peu, vous ne passez plus la plus la porte d’un simple magasin mais entrez dans l’univers de la Maison Nicolas. Pour faire encore un peu plus prestigieux, l’enseigne précise également au-dessous de sa nouvelle marque « Depuis 1822 ».
Cette date est celle durant laquelle Louis Nicolas a ouvert sa première boutique qui avait initié une innovation majeure dans le secteur des spiritueux : la vente de vin en bouteille.
Des surgelés aux Beaujolais Nouveau
La nouvelle identité du distributeur est une initiative de Cathy Collart Geiger. L’ancienne PDG de Picard et directrice du marketing d’Auchan Retail a repris les commandes de Nicolas au mois d’avril 2025 avec pour mission de redresser une enseigne qui a beaucoup souffert du Covid.
Depuis 2020, le groupe a fermé plus de magasins (34) qu’il en a ouvert (5).
Le marché du vin a, il est vrai, encore chuté de 5% l’année passée. Sur les soixante dernières années, ce repli atteint même… 74%.
« Incarner le concept de maison, c’est là toute l’expérience que nous souhaitons faire vivre aux consommateurs lorsqu’ils se rendent dans nos 500 magasins en France et à l’international, où nos 700 cavistes les accueillent et conseillent chaque jour », souligne la directrice générale dans un communiqué. A voir…
Le concept de « Maison » ne date pas d’hier. « Depuis le 18ème siècle, le mot Maison s’emploie pour qualifier les maisons de champagne, expliquait le sémiologue Anthony Mahé dans le blog Tous en Scène. Cet usage désigne l’ensemble des établissements de cette profession : les producteurs comme les vendeurs. Il s’agit là d’une tradition très ancienne. Au 19ème siècle, on utilise ce terme pour désigner les maisons de couture. C’étaient les deux seuls usages que l’on faisait à l’époque. On ne disait pas maison de joaillerie ou maison d’horlogerie par exemple. Si l’on employait maison uniquement pour parler de maison de couture et de maison de champagne, il y avait néanmoins une seule exception : la maison Hermès. »
Aujourd’hui, de nombreuses entreprises collent le mot « maison » à leur marque. Cette appellation est sensée être synonyme d’authenticité, de savoir-faire, de savoir-être et de qualité. Elle redonnerait du sens et prouverait l’héritage des labels qui la portent.
La mode n’est pas le seul secteur à jouer cette carte. La gastronomie utilise aussi beaucoup cet atout. Ladurée – Maison fondée en 1862, La Maison Pierre Hermé Paris, Maison Eric Kayser, Maison Pradier– Le goût du Bon depuis 1859 –…
Le fabricant de cycle de luxe, qui assemble notamment les modèles de Louis Vuitton et dont le prix de vente minimum de ses vélos atteint la bagatelle de 22.000 euros, s’appelle lui Maison Tamboite.
Si presque toutes ses marques ont un lieu plus ou moins proche avec le luxe, des entreprises nettement moins glamour tentent de « pimper » leur image en s’appelant « Maison ». Nicolas en est un exemple parfait mais un autre cas récent risque de d’endommager sérieusement cette « appellation ».
En avril dernier, les ventes de bouteilles de la filiale de Nestlé avaient chuté de 23% en un an, suite à ce scandale. Pour redorer son image et accroître ses revenus, la marque du géant suisse a lancé – oui vous l’aurez deviné – Maison Perrier.
Sa gamme de boissons aromatisées propose des références « ultra-marketées » telles que « Forever Citron Vert », « Chic Lemonjito » « Magnetic Juice » et « Energize ». Elle encourage, par ailleurs, les internautes à rejoindre son mouvement #SoberChic.
L’égérie de son film publicitaire n’est autre que Lily Collins, la vedette de la série Emily in Paris.
Pas sûr que ces grosses ficelles parviennent à séduire les consommateurs…