31 octobre 2025

Temps de lecture : 5 min

Annonce du décès de DDB sur LinkedIn : « l’histoire de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours » m’a fait bondir. Et vous aussi.

Certains, fascinés par la tragique course aux likes, devancent désormais les faits sans plus se préoccuper de la réalité. Ainsi Jean-Pierre Séguret titrait ce mercredi, « Le réseau DDB est dissous. DDB est mort ». Enterrer les vivants sur le réseau semble easy, de chez easy. L'annonce m'a fait bondir et vous a fait réagir...

Ce jeudi, il y a eu un raout à l’agence, Rue Lacondamine, Paris 17.

Alexander Kalchev auquel INfluencia consacrait une grande interview en 2021, et Paul Ducré, tous deux CEO( S) de DDB Paris, nommés après le départ de Jean-Luc Bravi l’an dernier, réunissaient leurs salariés dans le grand hall, pour leur parler.

Leur dire qu’ils ne savent rien, qu’ils sont sidérés eux aussi, et pas au courant de leur mort à tous… La dircom de l’agence, Anne-Marie Gibert, fait de son mieux sur Linkedin pour éteindre les angoisses de ses camarades, et évoque dans un post, « l’émotion de ceux qui travaillent chez DDB aujourd’hui face à une info qui n’en est pas encore une mais qui pourrait le devenir».

Il faut dire que l’omniscient Jean-Pierre Séguret, ancien patron de DDB au siècle dernier n’y est pas allé de main morte. « Le réseau DDB est dissous. DDB est mort » est le titre mensonger de son post rédigé mercredi dernier sur Linkedin. Une accroche aussitôt contredite par la première phrase de son « article », « Je n’arrive pas à croire ce que j’écris »…

Jouer avec des cobayes et leur injecter une bonne dose de peur ?

Ben oui, c’est ballot, relis-toi, réfléchis, utilise le conditionnel… Tu sais, le conditionnel, ce temps qui permet au lecteur de comprendre qu’il y a de fortes chances pour que quelque chose arrive mais que l’affaire n’est pas encore entérinée. Ce temps qui dit, « j’ai une info, mais comme ce n’est pas effectif aujourd’hui, alors, je suis subtile, je ne joue pas avec l’intelligence, la sensibilité des gens.

C’est un temps qu’utilisent les journalistes lorsqu’ils en tiennent une (d’info), qu’il faut encore et encore vérifier parce que rien n’est joué. C’est un sacré machin qui cause de déontologie. Tu es au courant, non ?  Mais c’est vrai que le conditionnel c’est pas assez fort, violent, alors, dans le labo LinkedIn tu joues avec tes cobayes et leur injectes une bonne dose de peur, tu les choques, tu les désespères.

Elles sont au moins 350, les souris qui réagissent dans les couloirs de l’agence, sans parler du microcosme publicitaire qui s’empresse de cliquer…  774 likes bientôt MILLE. Je ne sais pas, j’ai dû rêver, je me suis dit, il va modifier ce titre mensonger. Son texte. Et bien non. Le brûlot est toujours là. « Le réseau DDB est dissous. DDB est mort » est toujours affiché sur ta page. C’est toujours faux à ce jour, Monsieur Séguret. Quelle génance.

Ça turbine chez les amis d’amis qui sont tous DDB, comme on était Charlie

Sans se poser la question de la véracité, de la source, de l’émetteur, des « DDB bye« , des « DDB is Dead », prennent vite place sur le réseau, c’est la cohue, ça se bouscule au portillon Séguret, puis à celui de Bertrand Janny, planner, marketer, storyteller qui envoie une lettre salée aux fossoyeurs de la marque… Will Rust freelance à Copenaghe, lui, y va de son DDB is gone glaçant…

Et puis voilà que ça philosophe, ça turbine chez les amis d’amis d’amis, qui sont tous DDB comme on était Charlie.

Marc Boulangé, très café philo exprime la vision d’un boss, « On pleure souvent la fin des marques comme on pleure la fin d’un bel été : avec nostalgie et un peu d’égoïsme. DDB a marqué son temps, formidablement. On a eu la chance d’en profiter et de pouvoir grandir en son sein. Mais chaque époque a besoin de ses propres symboles. Le monde de la pub vit, change, mute une Xème fois…et c’est tant mieux.

Bernard nous dirait « On ne fait pas de grandes campagnes avec des larmes, mais avec du culot. Allez, on se ressaisit, les enfants : au boulot, inventons la suivante ». Des partants !?

Et au passage, bises à toutes celle et ceux que j’ai eu la chance de croiser à cette période de ma vie 😉 ».

Drôle d’époque qui confond information, affirmation, confirmation

Pascal Lévy, compositeur, réalisateur, résume bien la situation en tout cas : « en lisant tous ces posts, j’étais convaincu que la nouvelle était officielle. Drôle d’époque… ». Oui drôle d’époque qui confond information, affirmation, confirmation.

Anne-Marie Gibert dircom de DDB continue de calmer, de protéger ses ouailles au fil des heures : « nous sommes encore là 🙏😉. Pas de communication officielle sur le sujet ».

Gaétan du Peloux (Marcel) pense, -c’est certain-, lire une information officielle quand il écrit : « Quelle tristesse. Après CLM/BBDO, c’est au tour de DDB de quitter le paysage publicitaire. Ces deux agences m’ont toujours fait rêver. Pensées émues à tous les gens de DDB, d’hier et d’aujourd’hui ».

Marie Castel (fondatrice de Fairy Stories), s’engouffre, elle aussi, sans se questionner, (normal, Linkedin n’est pas une plateforme de fake news) dans la brèche du post de J-P. Séguret, « Une semaine après le départ de Hervé (Brossard) ! C’est dur! Il emporte avec lui la légende de DDB en France. Une immense page se tourne ! Big up à tous les amis de l’agence ! »… Double effet d’annonce de mauvais goût en effet.

Ils peuvent tuer DDB, mais ils ne tueront pas Bill (Bernbach)

Olivier Altmann s’emballe à juste titre : « Ils peuvent tuer DDB mais ils ne tueront pas William (Bill) Bernbach. D’abord parce qu’il est déjà mort. Et surtout parce qu’il vit à travers toutes ces campagnes mythiques qui ont inspirées des générations de publicitaires. Et dire qu’il est un des fondateurs d’Omnicom en plus… »

« Difficile d’expliquer que l’émetteur d’une telle information ne se remette pas en question, et surtout que les membres de Linkedin ne s’interrogent pas plus sur la nature de cette information, de sa véracité, et la prennent pour argent comptant. Cela prouve à quel point, la dérive entre « information », et « affirmation » est floue dans les esprits les plus avertis. Car au final, ces échanges en tous sens sont ceux de pros de la com auxquels on ne la fait pas », explique un publicitaire qui n’a pas envie de faire partie de la polémique sur ce fléau des temps modernes, la post-vérité, la parole décomplexée, la fake news.

L’émotion est-elle contrôlable ? Vous avez un mois…

Dans un second post, Bertrand Janny revient sur l’affaire et s’interroge « L’émotion est-elle contrôlable ? Vous avez non pas 4h, mais 1 mois environ. Soit le temps qui s’écoulera entre la « rumeur » du moment sur la mort programmée de DDB et sa confirmation officielle de la part des fossoyeurs de NYC, non pas à Madison Avenue mais à Wall Street. Les mots sont durs, implacables.

L’omnipotence financière aura peut-être raison de cet acronyme tellement célèbre de notre secteur mais certainement pas des forces créatives qui l’entourent … 💪 

D’autres regrettent : « L’omnipotence financière aura peut-être raison de cet acronyme tellement célèbre de notre secteur mais certainement pas des forces créatives qui l’entourent … 💪 » lance Jean-Charles Gricourt, fondateur de Beezness Communication Agency

Tandis qu’Armand Caiazzo CEO de tell me attaque, « Omnicom pratique le meurtre en série.
Après CLM BBDO en France et Philippe Michel, c’est au tour de DDB et Bernard Brochand ou Hervé Brossard de se dissoudre.

C’est surtout le signe de la fin des entrepreneurs de la communication, créatifs et visionnaires de génie »…

Laurent Lilti, Pdg de Peugeot Motocycles va plus loin et interroge l’époque : « In advertising, not to be different is virtually suicidal. » l’histoire donne malheureusement tort à BB. Quelle triste époque… »

Faire la part entre nostalgie et réalisme d’un secteur percuté par l’IA ?

Le plus rationnel des Linkediens, Frédéric Messian, CEO de Lonsdale constate simplement : « il faut faire la part des choses entre nostalgie légitime de nos jeunes années et transformation tellement profonde de notre industrie, accélérée par l’IA. Deux options étaient envisageables. Régénérer totalement la marque DDB plus assez singulière ou la remplacer. À suivre. ».

Dans ce cercueil virtuel, vaillante, Anne-Marie Gibert dircom de DDB tente de calmer le jeu sur la toile : « Votre histoire passée, notre histoire actuelle. En attendant une annonce officielle, lançons plutôt une mobilisation hashtag#SoutenonsDDB plutôt que des hashtag#DDBbye ou hashtag#DDBisDead ». Elle a tellement raison.

Une vraie info cette fois. On va tous mourir. Un jour.

Et pour le plaisir de revoir des campagnes qui en jettent… c’est par ici !

« Va chier », la campagne choc de l’agence pour La Ligue contre le cancer

La campagne DIM, budget culte remporté contre l’agence historique, Publicis.



Lancée en 1959 par l’agence Doyle Dane Bernbach’s (DDB), la campagne “Think small”, pour  Volkswagen, est pour Advertising Age la N°1 du XXe siècle

 

À retenir

Est-il possible de laisser du temps au temps ?

DDB attend les résultats de la fusion des deux groupes Omnicom et Interpublic Group (IPG) qui devraient tomber d’ici la fin de l’année…
Au sein du réseau DDB Worldwide, les rumeurs circulent depuis trois semaines, c’est usant, et rien n’est Officiellement acté.
Omnicom n’a pas Officiellement émis le moindre communiqué au sujet du futur.
Aucun CP Officiel n’évoque la disparition de DDB WorldWide…

On imagine bien, les salariés de DDB Paris, assister sidérés, à l’enterrement de leur agence sur LinkedIn.
On est bien pressés d’acter la mort « des siens » en ces temps obscurs de post-vérité. Alors juste quelques rappels : DDB worldwide a été primé réseau de l’année au @Cannes Lions International Festival 2025. Alexander Kalchev a été sacré directeur de création de l’année au club des DA. DDB Paris continue de remporter des budgets. Les derniers en date sont notamment Aperol Spritz CZ, Picard Surgelés. Enfin, l’agence est actuellement sur un pitch important. La valeur créative de DDB Paris ? La base. L’agence a été multiprimée en France et à l’international ces dernières années également…

 

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