Arte en pince pour « Les Influentes » de la youtubeuse Louise Duhamel !
Dès le 4 février, Arte diffusera sur son application et ses réseaux, Les Influentes, une série de 10 épisodes réalisée par Louise Duhamel, qui transforme les héroïnes de nos romans cultes en "filles d'aujourd'hui". Une approche fraiche et décalée des héroïnes de la littérature.
INfluencia: vous avez une licence de cinéma, êtes comédienne, et c’est pendant le covid que vous créez votre chaîne Youtube, Selfie’storique…
Louise Duhamel : effectivement je suis comédienne et passionnée d’histoire, et je travaille avec une troupe, mais pendant la Covid, j’ai dû apprendre à m’occuper autrement puisque je ne pouvais plus travailler… C’est alors qu’est née ma chaîne Youtube, Selfie’storique qui a aujourd’hui quatre ans. Il s’agit de vulgariser l’histoire au travers d’héroïnes, de femmes qui ont compté dans l’histoire. Je les incarne, les mets en scène, crée les décors, Marie-Antoinette, ou Marie Curie deviennent donc des youtubeuses. Le fond est toujours sérieux et résulte d’un gros travail de recherches en amont, l’approche, elle, est décalée, et son objectif est de retenir évidemment l’attention via la forme.
IN. : diriez-vous que ces stories font office de documentaires ?
L.D. : je ne suis pas sûre en fait, même si aujourd’hui le documentaire prend toutes sortes de formes et d’écritures, cependant, l’idée est de transmettre des réalités sur ces héroïnes de leur temps à de nouveaux publics, qui se connectent et n’ont pas forcément l’envie ou le temps de s’intéresser à l’histoire et ce, à travers un prisme féministe.
IN. : aujourd’hui vous lancez Les Influentes pour Arte. Vous vous penchez cette fois sur des héroïnes d’œuvres romanesques « célèbres », telle Jane Eyre.
L.D. : le choix de ces héroïnes est le résultat d’un très important brainstorming avec les équipes d’Arte. J’ai fait des suggestions, Arte aussi, puis j’ai écrit quinze épisodes, dont dix ont été retenus. Ces quinze œuvres me parlaient, avaient une résonance particulière pour moi, ou en tout cas il m’apparaissait pertinent de les défendre dans ce format.
IN. : le concept ?
L.D. : il s’agissait de choisir le roman, l’œuvre, l’héroïne, puis de la plonger dans les codes de communication d’aujourd’hui. Pour un roman tel que Jane Eyre de Charlotte Brontë justement, puisque vous en parlez, je vais en extraire l’essence, puis la raconter avec décalage. J’y suis vêtue au plus près de l’imagerie de l’époque, je raconte l’histoire d’amour entre Rochester, l’employeur et Jane Eyre, qui la nourrisse avec modernité, grâce à un vocabulaire actuel. Dans cet épisode, j’ai sur les genoux un ordinateur sur lequel je fais défiler un power point, avec des graphiques, des pourcentages, des camemberts… Le décalage entre les époques, le vocabulaire, le raccourci de l’histoire d’amour qui se déroule sur 500 pages, devient accessible à tous les publics, et l’humour en est évidemment la clé de voûte.
IN. : vous êtes une femme orchestre, en somme…
L.D. : à l’écriture, à la réalisation et au montage, je surfe sur les différentes tendances actuelles, en trois minutes comme le font de jeunes influenceuses sur TikTok. La résonance est inédite et rafraîchissante, car ces figures littéraires ont un destin souvent tourmenté…
La princesse de Clèves (de Madame de La Fayette) se prête au jeu d’un micro-trottoir, Cécile de Volanges (Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos) “vlogue” sa journée, Doña Elvira (Don Gionvanni de Mozart) se filme dans sa voiture en chantant son désespoir d’avoir épousé un coureur de jupons, Mathilde Loisel (La Parure de Guy de Maupassant) partage un get ready with me dans sa salle de bains, quelques heures avant que sa vie ne bascule… à la manière des vidéos « voici ce que l’on sait », une journaliste nous informe de la condamnation à mort d’Antigone(pièce de Jean Anouilh), fille d’Œdipe.
IN. : c’est vous qui contactez Arte pour proposer votre concept ?
L.D. : Arte m’a contactée suite au visionnage de ma série Selfie’storique et d’un autre projet qui avait obtenu une bourse à la commission « Savoir et culture »… Du coup ils se sont intéressés à mon travail, m’ont proposé de venir avec des idées… Je suis venue avec 56 concepts différents et ils ont choisi Les Influentes.
IN. : comment Arte compte les diffuser ?
L.D. : Arte est en quête de formats TikTok, réseaux sociaux, Youtube shorts… Les Influentes seront diffusées à partir du 4 février sur l’application Arte, et sur ses réseaux.
IN. : qui produit ces petites merveilles ?
L.D. : en fait, c’est une coproduction Pandora Création, Arte, avec une aide du CNC.
IN. : vous vous moquez de Jane Eyre, en faites une femme qui a de l’humour sur elle-même… Alors que dans le roman, elle est désespérément amoureuse au premier degré…
L.D. : à mon sens, c’est ce qui donne l’envie de s’intéresser à elle. Dans ce type de travail, évoquer le personnage d’hier exige une certaine liberté, et l’utilisation de notre époque. C’est aussi une manière d’introduire des thématiques féministes dans une histoire terriblement romantique. Je n’aurais pas imaginé une autre tonalité. J’aime l’idée que Jane Eyre aurait eu ce recul aujourd’hui.
IN. : quels critères ont guidé votre choix des œuvres ?
L.D. : à mon sens, il y a des œuvres incontournables, plus ou moins connues de tous, et qui vont tout de suite déclencher l’empathie, c’est le cas de Jane Eyre, d’Antigone ou de Cécile de Volanges plutôt célèbres. Dans le cas d’Une maison de poupée, d’Henrik Ibsen, roman écrit en 1879 qui met en scène la révolte d’une femme prenant soudain conscience d’avoir été toute sa vie soumise aux hommes de son entourage, c’est un sujet encore et toujours d’actualité, et en cela il m’a semblé évident de m’y intéresser.
IN. : quelle est l’audience de votre chaîne Youtube ?
L.D. : le nombre de vues peut varier de 6000, comme par exemple celle que j’ai faite sur Émily Wilding Davison, suffragette morte écrasée par un cheval et inconnue du grand public, à 550 000 vues, pour l’épisode sur Les Tudor et Marie-Antoinette. Cela dépend vraiment de la popularité des personnalités choisies.
IN. : vivez-vous de ces activités ?
L.D. : en fait, j’ai dû beaucoup ralentir sur ma chaîne Youtube, qui me prend énormément de temps, pour fabriquer ces dix épisodes pour Arte, si bien que là je vais pouvoir me dédier de nouveau à ma chaîne ! Plus précisément, je n’ai pas énormément d’argent provenant de ma chaîne. J’ai quelques partenariats mais c’est vraiment du goutte à goutte. Il faut être courageux pour vivre de ses idées et de ses passions mais cela vaut le coup, et je n’ai que 32 ans ! En 2025, j’espère pouvoir produire plus de vidéos pour ma chaîne parce qu’il n’y en a quasiment pas eues en 2024.
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