3 septembre 2019

Temps de lecture : 3 min

Les habitants de Providencia luttent pour sauver leur paradis

Influencia profite de ce mois de septembre pour vous faire partager ses découvertes estivales. Aujourd'hui, Frédéric Thérin raconte les résidents de Providencia, petite île colombienne située dans les Caraïbes qui résistent contre les promoteurs pour sauvegarder leur identité et préserver la beauté de la nature qui les entoure.

Influencia profite de ce mois de septembre pour vous faire partager ses découvertes estivales. Aujourd’hui, Frédéric Thérin raconte les résidents de Providencia,  petite île colombienne située dans les Caraïbes qui résistent contre les promoteurs pour sauvegarder leur identité et préserver la beauté de la nature qui les entoure.

Les plages de sable blanc sont presque désertes. De rares touristes sirotent des cocktails allongés dans des hamacs. Les enfants se balancent sur des cordes pendues à des cocotiers. Au large, le récif est intact. Les requins nagent tranquillement au milieu des coraux. Sous la passerelle bringuebalante de 200 mètres qui relie Providencia et Santa Catalina, une raie manta semble saluer les visiteurs qui n’en croient pas leurs yeux. Ce petit bout de paradis ne se trouve pas dans le Pacifique mais dans les Caraïbes. Situées à 220 kms à l’est du Nicaragua mais rattachées à la Colombie distante de 775 kms, ces deux petites îles ont une superficie de 17 km2.

L’unique route bitumée d’une longueur de 15 kms qui fait le tour de Providencia est fréquemment interdite à la circulation entre le 1er avril et le 31 juillet pour permettre aux dizaines de milliers de crabes noirs, qui vivent dans l’épaisse jungle qui couvre l’ensemble de ce territoire, de venir pondre leurs oeufs dans les eaux chaudes de l’océan. Les larves se développent dans la mer et les petits crabes font ensuite le chemin inverse pour s’abriter sous la végétation impénétrable de l’île.

A San Andrés, la criminalité explose

Providencia n’abrite aucun hôtel important ni de club de vacances. Et pour cause : les habitants se battent depuis des décennies contre les investisseurs qui rêvent de transformer ces terres inviolées en destination de masse pour les touristes aux poches pleines. Cette résistance n’est pas due au hasard. Située à 90 kms au sud de Providencia, San Andrés était un autre paradis perdu jusqu’au jour où Bogota a décidé en 1959 de lui accorder le statut de port franc. L’ouverture de boutiques détaxées et d’hôtels plus laids les uns que les autres a provoqué un afflux rapide de migrants venant de Colombie.

La population, qui atteignait tout juste 5675 personnes en 1950, dépasse aujourd’hui les 77.000 habitants. Avec près de 1350 résidents par km2, San Andrés est le département dans lequel la densité de population est la plus importante dans tout le pays. Cette explosion démographique a provoqué de graves problèmes environnementaux et sociaux. Les locaux d’origine ont vu leur culture locale disparaître au fil des ans. La criminalité est en hausse constante et la police conseille aujourd’hui aux touristes de ne plus se promener seul la nuit . Les locaux s’inquiètent de la situation actuelle . A Providencia, les 5000 résidents veulent s’assurer que leur île, qui a abrité le célèbre flibustier Henry Morgan, ne réplique pas le triste modèle de San Andrés.

 La Constitution pour seule alliée

Les locaux ont commencé à unir leurs forces en 1994 lorsqu’ils ont découvert qu’un énorme projet touristique, baptisé Mount Sinai, avait été lancé dans le plus grand secret. Le maire de l’époque, Alexander Henry Livingston, avait en effet signé dix-sept documents pour permettre la construction de ce complexe sans en avertir la population de l’île. Les habitants, aidés par un avocat, décident alors de s’appuyer sur la constitution colombienne pour défendre leurs droits. Un conseil de neuf sages découvre que dix articles leur permettent de faire capoter ce projet. Reconnus « peuples indigènes », les locaux ont aujourd’hui le pouvoir de refuser tout programme de développement lancé par Bogota. Récemment, ils ont annulé la décision de permettre l’atterrissage de vols internationaux sur leur petit aérodrome sur lequel se posent chaque jour deux petits avions à hélice en provenance de San Andrés. L’autre lien direct avec le reste du monde est un catamaran de 65 places qui relient quotidiennement Providencia à sa « voisine » surpeuplée .

Chaque jour, seulement une petite centaine de personnes peut ainsi débarquer sur l’île. « Nous avons aussi mis en place plein d’autres restrictions pour nous assurer de ne pas perdre notre identité, raconte un des rares chauffeurs de taxi de cette terre qui a été une colonie espagnole et anglaise. Ainsi pour avoir le droit de vivre sur l’île, une personne qui n’est pas née ici doit obligatoirement se marier avec un ou une locale. Pour construire une maison, il faut habiter ici depuis au moins trente ans, et tous les projets touristiques doivent être détenus au moins à 60% par un local même si son partenaire a investi tous les fonds. Sur les dix-sept projets de grande envergure qui ont été imaginés par des promoteurs extérieurs à Providencia, aucun n’a vu le jour. Si on ne fait pas cela, nous allons devenir un autre San Andrés ».

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