4 octobre 2017

Temps de lecture : 5 min

L’infotainment, le meilleur ennemi de l’information

L’information est en pleine mutation. Plus qu’une modernisation technologique, c’est une révolution de l’expérience qui s’opère. Plus ludique, plus interactive... L’information devient « infotainment » car elle donne une place nouvelle au plaisir et au divertissement.

L’information est en pleine mutation. Plus qu’une modernisation technologique, c’est une révolution de l’expérience qui s’opère. Plus ludique, plus interactive… L’information devient « infotainment » car elle donne une place nouvelle au plaisir et au divertissement.

Mais à l’heure des fake news et des agressions en direct sur Facebook, cette nouvelle manière de s’informer est questionnée. Manquant de rigueur, survolant les sujets… Elle inquiète. Tout le monde lui reconnaît pourtant un pouvoir magique. Un potentiel fou, envié de beaucoup. Face à des individus distraits et toujours plus difficiles à intéresser, l’infotainment rend l’actualité vivante, vibrante, captivante. L’information bouge et nous engage.

Quand l’information et l’entertainment se télescopent…

Qu’on le veuille ou non, nous sommes tous des consommateurs d’infotainment. Elle est partout et prend des formes diverses. On la trouve dans les talk-shows télévisés où l’information est discutée de manière informelle, avec un croisement des points de vue et un décryptage collectif et animé d’un sujet. C’est à travers un ton satirique que l’Américain John Oliver aborde la politique ou la société sur HBO, avec une dérision qui fait son immense succès. En France, la popularité de « On n’est pas couché » animé par Laurent Ruquier illustre cette information plus spontanée.

L’infotainment naît aussi des nouvelles technologies. La réalité virtuelle est un bon exemple. L’an dernier, les abonnés du New York Times ont pu ainsi vivre le quotidien de 3 enfants réfugiés filmé à 360° dans un documentaire de 11 minutes. Les chatbots créent aussi des usages plus ludiques. Quartz est un site anglais centré sur l’actualité business. Via l’appli, il propose à l’usager de converser avec un chatbot. Je ne lis pas l’info, je discute avec un « journaliste ». Enfin le phénomène de consommation de vidéos sur les réseaux sociaux rend l’info visuelle, mobile, virale, spectaculaire…et addictive.

L’infotainment s’observe aussi dans la tendance forte de co-création des contenus. Grâce au digital, les lecteurs ont désormaisles cartes en mains pour choisir les sujets d’information, intervenir dans les débats ou encore devenir journalistes eux-mêmes. Hearken, un acteur hollandais dédié aux newsrooms des sites de presse en ligne permet à l’audience de proposer des sujets et de les écrire en binôme avec un rédacteur. Sur De Correspondent, un site d’actualité hollandais également, les lecteurs choisissent le thème d’une enquête et sponsorisent le journaliste.

L’infotainment affleure aussi dans les nouveaux usages pratiques et pragmatiques de l’information. Désormais, elle s’adapte à chacun et à nos vies actives. Time to Sign Off est une newsletter envoyée tous les soirs qui synthétise l’essentiel de l’actualité. Instapaper est une application qui permet d’aspirer et de stocker des articles pour les lire plus tard, avec ou sans connexion. Infinity de Prisma Presse paramètre des contenus d’actualité en fonction des goûts et intérêts du lecteur… Des outils qui changent le visage de l’information et modernisent les usages.

Attention produit dangereux, lire la notice avant de consommer

Si l’infotainment fait de plus en plus parler d’elle, ce n’est pas qu’en bien. Plusieurs polémiques ont créé le débat et trois grandes inquiétudes émergent. Les fake news et la désinformation sont le sujet majeur. Ils sont la face noire de l’infotainment car elles se nourrissent des réseaux sociaux, de la circulation de vidéos virales, de la recherche de spectacle et de sensations…. L’infotainment est accusée de nuire à la crédibilité du journalisme, de baisser les standards de rigueur et de diminuer le sens critique de l’audience. Le deuxième grand reproche fait à l’infotainment est le manque de respect voire l’indécence.

Facebook Live est ici en ligne de mire. Cette nouvelle fonctionnalité permet de diffuser en direct du contenu vidéo. Un moyen de devenir journaliste à son échelle et de se tenir au courant, sans censure. Mais qui a oublié les images de Philando Castile, assassiné en 2016 par quatre balles tirées à bout portant, filmé par sa petite amie, à St Anthony dans le Minessota ? L’information devient l’apanage de tous, pour le meilleur et pour le pire.

Enfin, l’infotainment est décriée car elle rétrécit notre horizon. Les nouveaux outils de personnalisation de l’actualité nous fournissent des contenus qui nous plaisent…et nous privent de tout le reste. L’information devient sur-cloisonnée par affinité. Nous avons des œillères. Dès lors, comment continuer à s’ouvrir au monde ? Comment se cultiver ? S’étonner ? Le paradoxe est frappant : nous n’avons jamais eu autant d’outils pour nous informer… Pourtant nous ne regardons pas plus loin pour autant. Qui sait ce qui se passe actuellement au Venezuela de Maduro ?

L’infotainment va vous faire aimer l’information

Potentiellement dangereuse, l’infotainment doit être consommée de manière éclairée et avertie. Certes, elle change les règles de l’information, mais elle est capable de l’enrichir de multiples manières. Tout d’abord, elle simplifie les sujets. Qu’elle soit abordée sur un ton humoristique à travers les talk-shows, vécue comme une expérience grâce aux nouvelles technologies ou synthétisée dans des newsletters, l’actualité devient accessible. Plus compréhensible pour le grand public. Des acteurs prestigieux comme The Independant optent pour de nouveaux outils, de même que les infographies ou les écrans 3D sur les plateaux des JT, sont au service de la pédagogie. Ils décryptent les sujets complexes.

Par ailleurs, l’infotainment mobilise. L’audience n’est plus passive face aux flux d’informations. Elle est pleinement engagée. Par les émotions d’abord, démultipliée au moyen des technologies immersives. Quand on me montre des images d’un séisme en Chine en réalité augmentée, je ne regarde pas l’actualité, je la vis. Les sensations sont décuplées, la portée du sujet est démultipliée. Par l’openjournalism ensuite, qui contribue aussi à impliquer chacun. Aujourd’hui, on fabrique ou l’on commande l’actualité qui nous intéresse. C’est ce qui la rend plus interactive, inclusive et captivante. Si je peux décider du sujet d’ouverture du JT, comment pourrais-je ne pas me sentir concerné ? Enfin, l’infotainment donne du pouvoir sur l’information. Par le choix des contenus mais surtout par la gestion de sa consommation, tous les jours. The Daily, le podcast quotidien du New York Times ou ceux de France Info permettent de composer son programme et de l’écouter où et quand on le souhaite.

Il en va de même pour les JT en replay, surtout quand ils sont sécables. Comme la banque ou la téléphonie, l’information nous donne désormais les manettes. Nous avons des outils modernes et connectés pour piloter nos datas et notre usage. L’information devient plus intelligente, plus personnelle, plus ludique. Et avouons-le, beaucoup plus attirante… On a envie de jouer à l’info !

L’infotainment s’inscrit dans une mouvance globale de refus des autorités verticales (politiques, spirituelles, policières…). Mais elle dérange car elle pose la question de la régression des standards de qualité. Elle rend nécessaire une éducation à l’information, comme il existe depuis peu une éducation à l’alimentation. Danger…mais aussi opportunité. Bourreau et sauveur. L’infotainment est probablement la meilleure chose qui pouvait arriver à l’univers des news, à l’heure où le monde se complexifie à vitesse grand V. Car elle rend l’information plus claire, plus empathique, plus participative. Elle nous donne envie d’apprendre, de comprendre, d’interroger…et pourquoi pas d’écrire. L’information devient le projet de chacun. Quand deviendrez-vous votre propre média ?

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