5 novembre 2018

Temps de lecture : 3 min

Les Français trop politiquement corrects

Le politiquement correct nous écrase de son rouleau compresseur. Chacun se demande s'il est bien vu d'évoquer tel ou tel sujet brûlant. Donner sa vraie opinion est un choix grave... et forcément politiquement chargé.

Le politiquement correct  nous écrase de son rouleau compresseur. Chacun se demande s’il est bien vu d’évoquer tel ou tel sujet brûlant. Donner sa vraie opinion est un choix grave… et forcément chargé de sous-entendus.

66%* des Français estiment « ne pas pouvoir dire tout ce qu’ils pensent » sur des sujets sensibles, comme si avec certains thèmes, on marchait sur des œufs. Pas très politiquement correct d’évoquer ces derniers temps les dérapages du #metoo par exemple ou d’afficher sans pudeur son goût pour un steak bien saignant. Pas simple non plus d’avoir une expression libre à propos du conflit israélo palestinien, ou encore de vouloir aborder trop frontalement la question de l’immigration…Sur ces sujets et une avalanche d’autres, une forme d’auto-censure ou de rouleau compresseur est à l’œuvre. On est figé dans les glaces du politiquement correct, un processus auto bloquant qui consiste à éviter tout excès de parole, à prendre des pincettes ou produire des dénégations à tout bout de champ. Le politiquement correct semble être ce mécanisme impersonnel qui nous fait toujours dire quelque chose d’autre que ce que nous pensons vraiment.

S’exprimer avec des pincettes !

A un moment où l’on se passionne pour la robotique et les algorithmes, nous assisterions ainsi à l’émergence d’un sujet automatique contemporain, un automate moral, un individu qui se cantonnerait au monde des essentialités simples, refuserait à tout prix les antagonismes et les excès, ayant une peur bleue d’une petite dégradation de son image parce qu’il aurait maladroitement dit ce qu’il pensait. 54% des Français disent faire beaucoup plus attention à ce qu’ils disent par peur d’être critiqué, repris, déformé sur les réseaux sociaux. Devoir s’exprimer avec des pincettes en permanence, se réfugier dans des platitudes ou dans l’idéologie dominante parce qu’on veut se tenir à une certaine distance de sécurité de tout conflit d’idée et ne plus s’abandonner à sa joyeuse pulsion expressive par crainte de dire une connerie, contribue incontestablement à une forme de désenchantement moderne. Le philosophe et essayiste Slavoj Zizek toujours très perspicace et qui y va rarement lui même avec le dos de la cuillère parle d’un « sujet constipé, gardant en lui un contenu ingéré et ayant grand besoin de laxatif… ».

Se contenir en permanence…

Pour s’en tenir à l’objectif fondamental d’harmonie dans les relations humaines, il faudrait en permanence se contenir, s’astreindre à une contention stricte de ses opinions et éviter tout sujet qui fâche dans une sorte de gymkhana conversationnel. Se refreiner en propos potentiellement idiots, en blague stupide à caractère sexiste, ou en bon mot qui tombe en fait complètement à plat, c’est plutôt salvateur. En revanche, limiter à la source toute parole, tout conflit d’idée et toutes contradictions, peut produire du point de vue de la pensée critique, un véritable carnage. Une atmosphère d’asphyxie, de tarissement, de diminution progressive se répand alors. Autrement dit, le contrecoup non voulu de la chose voulue. Et l’activité auto corrective à chaque instant comme si nous avions tous développé un surmoi de chargé de relation publique, peut sembler bien pesante. Désormais, un Français sur trois évite d’exprimer son opinion en public lorsqu’elle s’avère gênante. On peut alors se demander si l’on va encore longtemps supporter l’altérité et la différence infime ou finir par tous adhérer à un parti unique ?

Des stoppeurs de conversation

C’est en réalité une forme de nouveau moralisme qui impose de s’excuser toutes les cinq minutes de dire ce que l’on pense. Et comme il n’y a pas de sujet réellement intéressant, de vérité profonde sans au fonds une certaine ambigüité, c’est effectivement difficile de ne pas choquer les esprits ou de s’exposer à un « signalement vertueux », dès lors que l’on réfléchit à haute voix. C’est probablement le plus pénible, cette espèce de dénonciation vertueuse à tout bout de champ par un parangon de vertu. Des puristes professionnels ou de soi disant grandes consciences incorruptibles qui opèrent comme des stoppeurs de conversation pour à tout prix faire consensus.

En revanche, dans les médias, faire du buzz à tout prix

Le paradoxe, c’est que s’il y a une volonté générale d’autolimitation, de peur de choquer, de ne pas être politiquement correct et en même temps 73% des Français observent que les personnes qui prennent régulièrement la parole dans les médias « provoquent systématiquement pour faire du buzz ».

* sondage OpinionWay pour OmnicomPublicRelationsGroup Octobre 2018

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