6 juin 2016

Temps de lecture : 3 min

L’innovation peut-elle mener à une nouvelle révolution française ?

Ça va vite, ça va trop vite ! C’est le sentiment angoissé de millions de personnes face à la révolution numérique pourtant prometteuse. À cause d’une absence de pédagogie, peut-être…

Ça va vite, ça va trop vite ! C’est le sentiment angoissé de millions de personnes face à la révolution numérique pourtant prometteuse. À cause d’une absence de pédagogie, peut-être…

La guerre de 1870 a pris fin. Après le désastre de Sedan et de Metz, après le long siège de Paris, après les défaites des armées du Nord et de l’Est, les préliminaires de paix ont été signés à Versailles avec l’accord de quatre cents des six cents députés de l’Assemblée nationale qui siégeait à Bordeaux. Le suffrage universel représenté par le Parlement capitule et ne veut pas de guerre. Pourtant Paris, qui n’est pas l’image de la France, ne se reconnaît pas et décide de résister à l’envahisseur et surtout de tenir tête au gouvernement composé d’orléanistes et de républicains conservateurs. Hors de France, les capitulards !

Ainsi naît la Commune. Du moins dans les livres d’histoire, car cette étincelle, qui engendra l’une des guerres civiles les plus étranges et violentes que la France ait jamais connues, cache un malaise national larvé depuis plus de trente ans dans la société de l’époque. Pour comprendre la Commune, il faut aussi évoquer l’artisanat secoué par les innovations de la grande industrie, et le prolétariat travaillé depuis 1848 par toute sorte de changements comme l’apparition du travail à la chaîne. Ces mouvements, très différents les uns des autres, mènent tous à un idéal révolutionnaire de transformation politique et sociale…

L’innovation, ayant pour nom la révolution industrielle, est en train de bouleverser la France du milieu du XIXème siècle -marquée par le retour de la Monarchie, la seconde République, le second Empire et la troisième République- qui passe d’une nation rurale à une nation industrielle où l’humain décline face à une nouvelle vision fondée sur le travail et la productivité. C’est un monde entier qui est en train de disparaître, brutalement, au détriment d’un modernisme exacerbé. Le grand chantier du baron Haussmann qui a rasé trente pour cent de la superficie de Paris est un exemple parmi tant d’autres. La Commune est une révolte sociétale et non politique. Elle résulte d’un épuisement et d’une assimilation forcée à un nouveau modèle de société voulu par les milieux économiques et qui mit, à cette époque, la France sens dessus-dessous.

Sans refaire l’histoire, on ne peut que trouver certaines similitudes avec l’évolution de notre société actuelle qui, depuis quinze ans et l’arrivée fanfaronnante du numérique et de ses arcanes, a profondément changé, et à marche forcée, notre société. Une marche en avant frénétique vers la technologie menée par les grandes entreprises industrielles et les fameux « barbares », ces nouveaux entrepreneurs tournés vers l’économie numérique. Évidemment, et comme en 1870, une période d’innovation, amenant à un grand bond sociétal, n’est en rien négative. Car le problème n’est pas l’innovation mais ce que l’homme en fait et surtout comment il l’explique…

L’uberisation à marche forcée

Ne pas être en phase avec le phénomène de l’uberisation, c’est être dépassé, ringardisé voire déclassé socialement. C’est du moins le profond ressenti de millions de Français face à la révolution numérique. La guerre de taxis contre les VTC (voitures de tourisme avec chauffeur) ne peut se résumer à la vilaine corporation grincheuse et archaïque qui ne veut pas évoluer contre les gentils « disrupteurs » qui tous les soirs prient en se tournant vers la Silicon Valley. Résumer ce conflit à une vulgaire série B manichéenne entre les gentils et les méchants, c’est faire fi du devenir de notre société et c’est surtout adouber « l’uberisation de l’économie » sans réfléchir à son idéologie et à ses effets délétères, ou pas, à long terme.

L’équilibre de notre économie est fragile et repose en majeure partie sur un duo liant fiscalité et droits sociaux. Lorsqu’on défavorise un des deux pôles, on met à mal tout un système. Et le problème rencontré par les taxis se pose ou va se poser dans beaucoup d’autres secteurs. « Gare aux erreurs de perspective : ce monde-là n’est pas une fatalité. Le numérique nous donne en effet l’occasion de reconsidérer le travail non plus tel un emploi condamné à devenir toujours plus précaire, anxiogène et de l’ordre de l’auto-exploitation, mais dans le cadre d’un projet de société contributive dont ce même emploi serait un moyen parmi d’autres plutôt qu’une fin en soi », explique dans une tribune rageuse un pôle d’universitaires et de philosophes.

Oui, un projet de société c’est bien, mais l’immense espoir qu’a fait naître sa numérisation se heurte à des représentants pleins de bonne volonté mais qui reproduisent en plus grave les mêmes erreurs passées. Que ce soit un « start-uper » qui veut changer le monde mais qui au final n’a qu’une idée en tête : réussir pour vendre au plus offrant et faire fortune, ou bien des grands groupes qui font leur transition entre l’ancien et le nouveau monde en laissant sur le carreau des milliers de personnes, ils posent un vrai défi à l’innovation. Celui de préparer un avenir gommé des imperfections actuelles. Mais entre la société et l’innovation, il y a les marques, les entreprises, les secteurs financiers et les politiques…

Illustration : Mathilde Rives

Retrouvez la suite de cet article dans la revue digitale Anthologie de l’Innovation

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