10 septembre 2018

Temps de lecture : 4 min

On a tous en nous quelque chose de publiphobe et de publiphile

Haine ou amour ? Fascination ou désintérêt ? Les Français ont avec la publicité une relation compliquée et paradoxale. En 1979, Jacques Séguéla résumait la situation à sa façon : « Ne dites pas à ma mère que je suis dans la publicité, elle me croit pianiste dans un bordel... » Il y aurait bien une petite part honteuse dans cette affaire, mais si c’est lui qui le dit, alors on adore ça !

Haine ou amour ? Fascination ou désintérêt ? Les Français ont avec la publicité une relation compliquée et paradoxale. En 1979, Jacques Séguéla résumait la situation à sa façon : « Ne dites pas à ma mère que je suis dans la publicité, elle me croit pianiste dans un bordel… » Il y aurait bien une petite part honteuse dans cette affaire, mais si c’est lui qui le dit, alors on adore ça !

Depuis des années, on nous dit et on nous répète que deux tribus cannibales s’affronteraient ouvertement : celle des publiphobes, individus totalement réfractaires à la pub quelle qu’elle soit, et celle des publivores, ou publiphiles, qui sont capables de rester scotchés devant leur écran ou de visionner une nuit entière de la publicité dans une salle de cinéma lors de la nuit qu’ils lui dédient, la Nuit des publivores.

Et si opposer publiphobes et publiphiles n’avait pas de sens ? Après avoir quitté la présidence de l’AACC en 2011, Nicolas Bordas, dans son blog « L’idée qui tue », se réjouissait de pouvoir « enfin sortir de son devoir de réserve et aborder un sujet polémique à souhait : la publiphobie ». Il expliquait : « Nous sommes tous publiphiles quand la pub est bonne, et publiphobes quand elle est mauvaise; on a tous en nous quelque chose qui tient de la publiphobie. Moi comme vous. Il m’arrive régulièrement de zapper une pub à la télévision, de changer de station de radio à l’arrivée de certaines pubs, ou de hurler à la vulgarité de certaines affiches. Mais ma publiphobie s’arrête là. Et je ne remets pas en cause pour autant l’existence même de la publicité, ni son utilité économique, culturelle et sociétale ». Et il poursuivait en questionnant : « Êtes-vous pour ou contre l’Internet ? Comme le dit Séguéla, « Internet est la meilleure des choses, et la pire des saloperies » ? Tout le monde s’avoue « Internet-phile » quand il s’agit de téléphoner gratuitement au bout du monde via Skype, et « Internet-phobe » quand il est victime de spam. L’un ET l’autre. En même temps. Mais qui remettra en cause le progrès amené par l’Internet pour autant ? Et qui demande sa suppression ? »

Même questionnement pour le petit écran : « Êtes- vous pour ou contre la télévision ? Vous adorez la télé quand les émissions sont bonnes et vous la détestez quand vous les trouvez nulles. Très peu de gens ont décidé de ne pas avoir de télévision au foyer (même si certains la regardent plus que d’autres). Nous sommes tous téléphiles et téléphobes ».

Alors, oui, nous sommes tous en même temps publiphiles et publiphobes. Publiphiles en effet quand la pub nous fait saliver, et publiphobes quand elle nous écœure. Et c’est bien ce que montre le sondage que l’institut Iligo a réalisé pour INfluencia à la fin du mois de mai 2018 et qui révèle les attentes claires des Français en matière de qualité : pour la quasi-totalité des personnes interviewées (92 %), la publicité pour leur plaire doit être « divertissante », et « créative et originale ». Presque une lapalissade ! L’un des plus grands publicitaires de tous les temps, Leo Burnett, ne recommandait-il pas déjà : « Faites quelque chose de simple, de mémorisable, d’agréable à regarder, et d’amusant à lire ».

Qui aime bien châtie bien

Mais les Français ne se contentent pas d’un jugement qualitatif. Pragmatiques, ils estiment qu’elle est également utile : 84% ont conscience qu’elle permet de financer du contenu (site Inter- net, émission TV…), 72% pensent que c’est une source d’information et 58% qu’elle influence notre consommation de manière positive. Cette reconnaissance de la publicité n’empêche pas nos compatriotes d’être déçus : 66% sont persuadés que « c’est un mal nécessaire ». Et justement parce qu’ils ne rejettent pas la pub, ils sont exigeants à son égard. « Le vrai débat n’est pas : faut-il de la pub ou non ? Mais la question est : la pub est- elle à la hauteur de ce que les gens attendent ? Ils réclament tout simplement de la meilleure pub, et d’ailleurs ils savent que la publicité est indispensable, quel que soit le média. 53% acceptent ainsi un modèle de télévision 100% gratuit et donc financé par la publicité », commente Olivier Goulet, le président fondateur d’Iligo.

La TV : ten points

Revers de la médaille : 73% de nos compatriotes affirment pourtant que la pub (quel que soit le support), « c’est une gêne ». Cette réaction, souligne l’expert, s’explique « par la perte du caractère divertissant et novateur de la publicité. Démultipliée sur un grand nombre de supports, elle est désormais perçue comme beaucoup trop banale et envahissante, et surtout moins créative. Les Français ne veulent plus d’un message unique exprimé sous une forme banale. Le problème vient beaucoup du digital : on le voit dans les réponses ». Et de poursuivre : « Quand on oppose les deux médias, la TV domine sur un grand nombre de critères. C’est comme au patinage artistique, Internet performe en figures imposées, et la télé en figures libres. Alors que 80 % reconnaissent que la pub TV est divertissante, le pourcentage tombe à 20% pour la pub sur Internet. Elle n’est pas non plus considérée comme humoristique, ni créative, ni émotionnelle, ni citoyenne, ni respectueuse ! » De la même façon, les gens réclament des formats plus courts : en télé, le format idéal, selon les interviewés, ne devrait pas dépasser les 28 secondes (et 20 secondes sur Internet).

Alors, oui, les Français sont exigeants, car ils attendent de la publicité qu’elle soit pertinente, qu’elle se renouvelle et les fasse rêver à nouveau. C’est un vrai défi pour les agences et les annonceurs. Surtout en période de crise économique et de morosité ambiante.

Un fait ne trompe pas. Quand on leur demande de citer un ou plusieurs spots qui les ont marqués, les trois premiers sont des campagnes datant d’il y a longtemps, voire de produits disparus, puisque leur top 5 est Vedette, Nestlé Chocosui’s, Orangina, Coca-Cola et Dior j’adore. Quant aux slogans, 62% sont incapables de s’en souvenir, et « Maurice », le premier cité, ne récolte que 3% des réponses. Il y a là une belle leçon de modestie à tirer pour les publicitaires…

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