29 avril 2021

Temps de lecture : 6 min

Fondation FACE : Engager les entreprises dans la lutte contre l’exclusion et la discrimination

Au regard de la crise économique liée au Covid-19, il va sans dire que la fracture sociale ne cesse de gagner du terrain. Qu’elle soit sociale, professionnelle ou digitale, l’exclusion touche des milliers de français. Pour aider les plus vulnérables à voir l’égalité des chances pointer le bout de son nez, la Fondation Face développe depuis près de 30 ans une multitude d’actions. Rencontre avec Laurence Drake, Déléguée Générale de la Fondation Agir Contre l’Exclusion.

The Good : Pouvez-vous nous raconter la genèse de la Fondation FACE et la mise en pratique concrète de ses engagements en matière de lutte contre l’exclusion ?

Laurence Drake : La Fondation Agir Contre l’Exclusion est née en 1993, sous l’impulsion de 13 grands groupes français (Axa, Casino, Club Med, Danone, Darty, Fimalac, Havas Worldwide, La Lyonnaise des Eaux, LCL, Pechiney, RATP, Renault et Sodexo) persuadés que les entreprises avaient – et ont toujours – un rôle à jouer dans la lutte contre toutes les formes d’exclusion, de discrimination et de pauvreté. En effet, je reste convaincue qu’une meilleure articulation des entreprises, des pouvoirs publics et des structures de l’ESS aidera nos bénéficiaires à sortir de situations difficiles, voire dramatiques.

Chez Face, nous portons une attention particulière sur l’accompagnement dans et vers la formation et l’emploi, nous mobilisons contre les fractures sociales, les précarités liées à la vie quotidienne et pour l’accès aux droits, aux biens et aux services essentiels pour tous.

En renforçant la coopération École-Entreprise, la Fondation et son Réseau ont ainsi, entre 2016 et 2019, atténué les disparités pour plus de 160 000 élèves de collèges et lycées de quartiers prioritaires et d’élèves scolarisés hors de ces quartiers, en leur permettant d’enrichir leur compréhension des avenirs possibles, de développer leur autonomie et de bénéficier d’une orientation choisie. Nous démultiplions nos actions en faveur de l’inclusion par l’emploi, que ce soit au bénéfice des jeunes (Quartiers Prioritaires de la Politique de la Ville, zones rurales, etc.), des seniors, des habitants des territoires ruraux, des chômeurs de longue durée, des femmes confrontées à la précarité, des personnes en situation de handicap, des parents célibataires, des migrants primo-arrivants et des réfugiés, et bien d’autres publics encore.

Nous agissons également sur la question de la vulnérabilité de nos bénéficiaires, ceux en emploi mais également les plus éloignés, confrontés à de nombreuses fractures : isolement, délitement du lien social, manque d’accès aux biens et services essentiels, etc. Nous participons déjà avec nos partenaires privés et publics à l’inclusion numérique, ou encore à l’éducation budgétaire et à la réduction de la facture énergétique des foyers précaires par les éco-gestes au quotidien, à travers des actions variées (formations, serious game, entretiens individuels, ateliers collectifs, interventions de volontaires en Service Civique, etc.).

Enfin, nous contribuons aussi à soutenir, dans les entreprises, les femmes victimes de violences conjugales. Dans le cadre du projet CEASE, cofinancé par le programme « Droits, égalité et citoyenneté » (2014-2020) de l’Union Européenne, FACE a lancé OneInThreeWomen, premier réseau qui mobilise et outille les entreprises afin qu’elles soient en mesure de sensibiliser, orienter et accompagner les collaboratrices et les collaborateurs confrontés à ces violences.

The Good : Comment le contexte de crise Covid-19 a-t-il fait évoluer la Fondation dans ses actions et son influence ? Avez-vous des chiffres à communiquer sur 2020 ?

L.D. : Depuis mars 2020, l’ensemble des équipes de la Fondation, des clubs sur le territoire, des structures de médiation et des SIAE ainsi que les fondations sous l’égide de FACE s’est mobilisé.
En transformant nos interventions, en les digitalisant ou en créant des formats hybrides, la Fondation assure une continuité de ses actions Education dans l’accompagnement des plus fragiles. Nous avons d’abord participé massivement au don et prêt d’ordinateurs, en lien avec des initiatives nationales, notamment celles initiées par Emmaüs Connect et Article 1, pour répondre à l’urgence de la connexion dans cette période de confinement. L’ensemble du Réseau des clubs et des fondations abritées a distribué au moins 2 000 ordinateurs, tablettes et clés 4G durant la crise au bénéfice de 3 000 enfants (un équipement pouvant servir à une fratrie). Ces équipements et outils numériques sont indispensables pour permettre la poursuite des actions éducatives, mais aussi le lien entre les entreprises et les jeunes, par exemple dans le cadre du parrainage.

FACE a également prolongé son action habituelle et accompagné le maintien du lien social sur ses champs d’intervention, ses missions et son expérience de terrain. En lien constant avec l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) ou des associations d’élus comme l’Association des Maires Ruraux de France, avec laquelle nous avons lancé La Réserve des Cantonniers Citoyens.

Pendant cette période, le Réseau FACE a pris contact avec plus de 200 nouveaux acteurs pour développer des actions spécifiques (collectivités, établissements scolaires, associations) et a touché près de 8 000 bénéficiaires, notamment dans le cadre d’actions de médiation menées par les clubs mais également les points de services aux particuliers.

The Good : En 2021, à A +1 de la tornade Covid-19, qu’en est-il de l’exclusion des seniors ? Des jeunes ? Les nouvelles solidarités nées de l’urgence se sont- elles dissipées ? Quelles solutions ?

L.D. : Nous sommes toujours dans l’œil du cyclone ! Certes, le premier confinement a été ressenti comme une tornade mais les effets de la crise sanitaire sont toujours présents. Je crains, malheureusement, que d’autres effets se cumulent…

Les seniors et les jeunes sont particulièrement vulnérables pendant cette période, comme tous les publics fragiles (femmes victimes de violence, familles monoparentales, migrants…) mais ils l’étaient déjà avant mars 2020. Nous avons pu le constater, la crise sanitaire a lourdement accentué les fragilités de ces publics et certains se trouvent aujourd’hui dans des situations dramatiques.

Les solidarités nées dans l’urgence ne se sont pas dissipées mais elles se sont transformées. Je pense notamment aux jeunes qui souffrent à la fois d’un isolement sans précédent et qui se retrouvent également dans une grande précarité : de nombreuses collectes alimentaires ont été déployées et des cellules d’écoute se sont développées. Le premier confinement a aussi fait naître ou renaître le désir, l’envie et le plaisir d’être solidaire et une certaine attention à l’autre.

The Good : En quoi la politisation plus accrue des citoyens et l’engagement des marques et entreprises peuvent-ils servir votre cause ? Avez-vous un exemple à nous donner ?

L.D. : L’engagement des collaborateurs pendant le premier confinement a surtout permis de continuer à faire vivre nos actions et garder un lien si précieux avec nos bénéficiaires ! Près de 130 actions (insertion, accompagnement vers l’emploi, soutien éducatif, orientation, lien social…) à destination des publics les plus fragiles ont pu être déployées grâce à la mobilisation des acteurs engagés sur leurs territoires et aux structures FACE qui ont agi comme des catalyseurs entre les entreprises (grands groupes mais également ETI, PME et TPE) et les acteurs publics pour développer des dispositifs adaptés aux spécificités de chaque territoire, aussi bien en milieu rural que dans les quartiers. Une partie de ces actions n’aurait été possible sans l’engagement des entreprises grâce à des offres de mission sur des plateformes de bénévolat comme la réserve civique (site gouvernemental) et Vendredi (site associatif).

The Good : Votre concours annuel « S’Engager » fête ses 10 ans. Quelle(s) évolution(s) constatez-vous depuis sa mise en place et qu’attendez-vous de cette édition ?

L.D. : Cette crise que nous traversons depuis plus d’un an donne au Concours un écho tout particulier et encore plus de sens à ces mises en lumière. D’une part, les publics et territoires déjà fragiles ont été particulièrement touchés par cette crise, et d’autre part, dans le contexte actuel, il est plus que nécessaire de valoriser des actions solidaires. Pour preuve, nous avons reçu 69% de candidatures en plus par rapport à 2019 !

Cette année, le Concours se démarque notamment avec le Tour de France des nominés qui valorise l’intelligence collective. Nous avons également décidé de renforcer l’accompagnement des lauréats (réflexions sur la pérennisation du projet, mise en lien avec des acteurs du territoire, appui en expertise de collaborateurs d’entreprise…) afin « d’ancrer» leur projet. Nous avons aussi décidé d’ouvrir les candidatures aux porteurs de projets issus de la ruralité.

Depuis sa création en 2011, 96% des lauréats affirment que leur projet a eu un impact positif sur leur quartier soit en termes d’image soit auprès des habitants et 85% des lauréats ayant mené leur projet à terme déclarent que le Concours a permis de contribuer à faire émerger des projets et dynamiser leur quartier. Nous préparons déjà l’édition 2021 et nous avons déjà de nouvelles idées pour développer le Concours !

The Good : Parmi les initiatives entrepreneuriales visant à lutter contre l’exclusion (numérique, sociale etc), lesquelles vous inspirent et devraient selon vous se démocratiser pour changer la donne à plus grande échelle ?

L.D. : Le Concours regorge de pépites qui devraient se déployer ! Je pense aux initiatives en faveur de l’inclusion numérique ou en faveur des seniors ! Cette année, l’un des projets nominés Le Numérique dans l’escalier a pour but de rompre l’isolement d’une partie de la population senior et/ou allophone du quartier Médiathèque-Chambord de Montauban et de favoriser leur accès aux démarches numériques grâce à la présence de médiateurs qui viennent à la rencontre de ce public isolé. Le projet Bistrot mémoire de Saint Julien de Concelles (Loire-Atlantique) est lui un lieu d’accueil, de ressources et d’accompagnement destiné aux personnes de plus de 60 ans, vivant avec des troubles de la mémoire mais aussi aux aidants, proches et professionnels. Des temps d’échanges sont mis en place afin de permettre de maintenir le lien social ou encore de limiter l’isolement.

Ce papier a d’abord été publié sur The Good

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