13 avril 2011

Temps de lecture : 2 min

Anthropomorphisme et puissance sociale influencent la prise de risque

Une personne qui pense pouvoir amener les gens à faire ce qu’elle souhaite, sera plus réceptive face à un objet ou une situation présentés sous des traits humains. Une combinaison démontrée par deux chercheuses de l’Université de Chicago Booth et qui apportent de sérieuses nuances à la réflexion marketing.

Qui n’a pas dit un jour : «on dirait que ce nuage ressemble à une tête de clown», «cette table a des jambes fines» ou «cette cafetière me regarde avec ses yeux», ou bien encore «cette voiture nous prend dans ses bras»? Qui n’a pas joué à ce jeu des formes ou attribué une caractéristique, des intentions ou un comportement humains à son objet préféré? Développant ainsi un attachement particulier avec celui-ci ou le préférant à un autre.

L’anthropomorphisme est un sport couramment pratiqué, confinant parfois au sentimentalisme. Beaucoup de secteurs comme ceux des jouets, des automobiles ou des ordinateurs exploitent le filon qui pousse le consommateur à l’acte d’achat. C’est aussi le prétexte à communiquer sur le registre du second degré comme l’a fait Ikea avec son film «La lampe rouge». Cette dernière détrônée par un nouvel achat se retrouve sur un trottoir par une nuit pluvieuse. Sa position et son ombre l’assimilent à un être abandonné et inspirent de la pitié. Un sentiment vigoureusement remis en cause par une voix off moqueuse traitant le spectateur de fou et l’invitant à apprécier la nouvelle lampe.

Mais selon Sara Kim, étudiante en doctorat et  Ann L. McGill, professeur de marketing et de sciences comportementales à la Booth School of Business de l’Université de Chicago, l’utilisation de l’anthropomorphisme peut avoir des effets inattendus, notamment s’il est conjugué au sentiment de puissance sociale (*).

Les chercheuses ont en effet mené une étude pour analyser les conséquences de cette technique d’identification sur la capacité de l’individu, en fonction de sa posture sociale, à prendre des risques ou à mieux faire face à l’adversité. Une hypothèse sérieusement démontrée et vérifiée à travers une kyrielle d’équations, de graphes et de 3 expériences très concrètes portant sur deux situations induisant le danger : le jeu et la maladie.

Avec leur première expérience mettant en compétition deux machines à sous (cf visuel), les chercheuses ont révélé que les parieurs sûrs de leur statut, minimisaient les risques à jouer sur une machine si celle-ci offrait des attributs humains. A contrario, les personnes se sentant plus faible socialement restaient très sensibles au risque et étaient moins disposées à jouer, même sur une machine «humanisée».

La machine de gauche offre plus de signes anthropomorphiques comme une taille moins haute, une barre en son centre esquissant un front ou une manette conçue comme un bras.

Même constat avec la deuxième expérience qui consistait à comparer le cancer de la peau à une personne malveillante cherchant à nuire. Les personnes conscientes de leur pouvoir social, étaient davantage persuadées de leur aptitude à affronter la maladie, alors que les individus ayant une opinion plus vulnérable sur eux pensaient n’avoir que peu de contrôle sur la maladie et peu de chances face à elle, même présentée avec des intentions humaines.

Pour la dernière expérience, les deux universitaires ont inversé la situation pour déterminer si la perception des risques pousserait une catégorie plutôt qu’une autre à vouloir humaniser. Ici le sentiment de puissance sociale a également joué, avec pour les participants peu confiants en eux, une plus forte tendance à humaniser la machine à sous après avoir perdu, alors que chez les autres, cette attitude survenait après avoir gagné.

Des conclusions qui amènent de précieuses nuances vis-à-vis de l’exploitation de l’anthropomorphisme dans les stratégies marketing et qui devraient permettre aux départements de R&D d’affiner leur approche en fonction de leur cible. Mais elles pourraient aussi servir des causes comme les associations en aide aux malades ou militant contre les discriminations ou bien encore celles spécialisées dans les addictions.

Florence Berthier

(*)L’enquête sera publiée en juin prochain dans le Journal of Consumer Research sous le titre : «Gaming with Mr Slot or gaming the slot machine? Power, anthropomorphism, and risk perception».

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