1 février 2018

Temps de lecture : 4 min

La nostalgie des marques, une émotion au cœur des réseaux sociaux

Interdits aux plus de trente ans ? Les réseaux sociaux, un temps fréquentés surtout par les jeunes, attirent désormais dans leurs rets l’ensemble des générations. À tout âge, on surfe, on poste, on tweete. Et de plus en plus souvent, curieusement, de ces échanges électroniques ultra-rapides, émane un entêtant parfum de nostalgie.

Interdits aux plus de trente ans ? Les réseaux sociaux, un temps fréquentés surtout par les jeunes, attirent désormais dans leurs rets l’ensemble des générations. À tout âge, on surfe, on poste, on tweete. Et de plus en plus souvent, curieusement, de ces échanges électroniques ultra-rapides, émane un entêtant parfum de nostalgie.

Avec les « Copains d’avant », on se rappelle, selon nos âges, des téléphones orange vif ou des premiers portables, des Tamagochis, des Pins, des Pogs ou autres Spirographes… Le Solex ? Quinqua ou sexagénaire, vous vous en souvenez sûrement. Sept millions vendus entre 1946 et 1988. Bruyant. Basique. Pas facile à démarrer. Le scooter, plus glamour et auréolé d’Italie, l’a détrôné. Mais le Solex est encore dans les cœurs. Plusieurs milliers de fans échangent en ligne à son propos. L’imaginerait-on ? La 4L fait aussi rêver. On s’y serrait souvent à six, secoués comme des pruniers. Les ceintures, les airbags, les alarmes, à cette époque, on ne connaissait pas. Sur Facebook, ils sont plus de 7 000 à discuter des mérites de ce qui fut la voiture très carrée des policiers à képi.

Un travail de recherche « nethnographique »

Nostalgie, nostalgie… Une recherche « nethnographique » permet de comprendre précisément ce qui se joue dans les communautés en ligne de plus en plus nombreuses à célébrer les objets iconiques de nos jeunesses. Nous l’avons menée au Brésil auprès des fans du Caloi 10, un vélo dont tous les jeunes Brésiliens des années 70 ont rêvé. Pendant six mois toutes leurs interactions en ligne ont été étudiées et certains participants longuement interviewés. Que recherchent précisément ces internautes en se connectant ainsi sur le réseau pour discuter d’une vieille bicyclette ? Ils veulent mille choses à la fois en réalité : revivre les moments heureux, les émotions de leur adolescence en partageant leurs souvenirs, nouer des liens avec des gens de leur génération et s’extraire ainsi de la solitude, s’affirmer au sein de ces communautés en ligne, exprimer une facette de leur identité, obtenir de la reconnaissance…

Retour aux sources d’abord. Parler de ces objets d’autrefois aide à se reconnecter à des instants légers, insouciants, à la personne que nous étions alors. Ces groupes virtuels permettent non seulement de se rappeler des émotions mais de les revivre, ici et maintenant. Plusieurs recherches ont montré que ce retour sur les jours heureux pouvait augmenter l’estime de soi et l’optimisme. Non, la nostalgie n’est pas synonyme de repli !

Un passé commun, une identité commune

Échanger autour de ce passé, c’est aussi une façon d’affirmer son identité. Décontractée, naturelle, pour les fans de la Caloi 10. À mille lieues de la vie urbaine sous contrainte, du costume cravate et des craintes du lendemain. En discutant vélo, les internautes partagent avec plaisir des valeurs fortes : la liberté, le goût du grand air, la passion pour le cyclisme. Chacun peut s’exprimer à sa façon, en postant qui une photo, qui une vidéo, qui un commentaire. Les collectionneurs dénichent des pièces. Les passionnés affichent leur expertise. Ils savent tout de l’histoire du vélo, de sa fabrication, des manières de le réparer. Quels que soient leurs milieux sociaux et leurs niveaux d’éducation, ils possèdent un savoir en plus, un savoir qui les distingue. Contrairement à ce que l’on peut imaginer, ces communautés nostalgiques sont en fait subtilement hiérarchisées, avec des leaders qui défendent leur produit fétiche, des followers moins investis et des novices qui viennent et souvent reviennent.

Pour beaucoup de marques, pénétrer ces communautés soudées autour de produits cultes, est devenu un enjeu. Les consommateurs sont particulièrement attachés à ces objets au goût d’autrefois avec lesquels ils entretiennent de liens émotionnels. Comment capter un peu de leur attachement nostalgique ? Comment les toucher au moment où leurs souvenirs les replongent dans leur vulnérabilité adolescente ? En se regroupant autour des produits cultes de leurs jeunes années, les seniors renouent en effet d’une certaine manière, avec les comportements qui furent les leurs alors, lorsqu’ils étaient désireux, plus que tout, de faire partie du club, qu’ils tannaient leurs parents pour avoir le même jean, le même pull, le même vélo que les copains. En un mot, avec la période de leur vie où l’appartenance au groupe constituait leur horizon et où pouvoir brandir l’objet du moment était le droit de douane pour se faire accepter.

La nostalgie qui fait acheter

Trente, quarante ans plus tard, ces sensations retrouvées peuvent les inciter à nouveau à investir. Acheter une Coccinelle ou une Mini remise au goût du jour ? Un vélo au look vintage ? C’est se sentir à nouveau faire partie du club ! Les marques commencent à saisir leur chance et interviennent de plus en plus pour faire valoir leurs offres en jouant sur les émotions positives qui nourrissent ces communautés. Certaines agissent très en amont, suscitant les échanges de manière volontariste autour de leurs produits nostalgiques.

D’autres profitent de réseaux préexistant et organisent des évènements, des concours, cherchant à séduire les plus personnes les plus influentes pour qu’ils promeuvent leurs nouveautés, toujours au nom des jours heureux… Les seniors sont de plus en plus nombreux et leur pouvoir d’achat supérieur à celui des nouvelles générations. La nostalgie en ligne, bientôt une cash machine ? Il s’agit pour les marques de savoir se faire discrètes, de développer leur activité sans casser l’émotion.

Cet article a d’abord été publié sur le site The Conversation

Le Caloi 10, le vélo dont les jeunes Brésiliens ont rêvé dans les années 1970

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