20 octobre 2015

Temps de lecture : 5 min

Goodvertising : « la communication de « gavage » tue la valeur de marque »

L’heure est aux préparatifs de la Conférence sur le Climat (COP21) qui s'ouvrira à Paris dans quelques semaines. La société civile et les entreprises se mobilisent . C’est dans ce contexte que sort, enfin, grâce à l'agence Sidièse, la version française de l'ouvrage « Goodvertising » pensé par Thomas Kolster.

L’heure est aux préparatifs de la Conférence sur le Climat (COP21) qui s’ouvrira à Paris dans quelques semaines. La société civile et les entreprises se mobilisent . C’est dans ce contexte que sort, enfin, grâce à l’agence Sidièse,  la version française de l’ouvrage « Goodvertising » pensé par Thomas Kolster.

La pub a souvent été pointée du doigt (en France tout particulièrement) pour sa culture consumériste et déconnectée des préoccupations sociales et environnementales. On le sait, elle véhicule, aux yeux de beaucoup de nos concitoyens, les seules valeurs d’un capitalisme triomphant dénué de toute connexion au monde et aux intérêts « réels » des gens. Thomas Kolster, l’auteur et expert danois en communication responsable, propose une lecture très différente : si la publicité fait partie du problème, elle peut aussi faire partie de la solution. Organisé autour de 10 chapitres, son livre « Goodvertising », publié en France par l’agence Sidièse, met ainsi en valeur l’exceptionnel travail créatif de plus de 120 campagnes provenant du monde entier, sur les grandes thématiques du développement durable. À travers de nombreuses interviews de dirigeants d’ONG, d’entreprises et de gouvernements, ainsi que l’analyse de nombreux cas, l’ouvrage souligne la force positive de la publicité, son potentiel d’amélioration sociale et de prise de conscience écologique. La version française est soutenue par l’Ademe et ACT Responsible. Entretien avec Gildas Bonnel, fondateur de Sidièse et qui a adapté le livre pour la France.

INfluencia : pourquoi ce livre en français ?

Gildas Bonnel : j’ai rencontré Thomas Kolster grâce à DNS (Do Not Smile), le réseau d’agences européennes engagées dont Sidièse est co-fondateur. Nous avons beaucoup débattu sur la responsabilité des marques et la nécessité de les embarquer dans une nouvelle relation au monde. Le livre de Thomas nous a donné l’occasion de poursuivre ce débat. Sélectionner les campagnes, en intégrer de nouvelles, c’était l’opportunité de croiser nos points de vue. Mais je souhaitais aussi, quelques semaines avant la COP21, remettre un coup de projecteur sur le sujet de la communication responsable. A l’heure où la crise climatique interroge nos choix de société (et de consommation) notre secteur ne peut pas rester sur le bord du chemin à regarder passer le train. La communication peut vraiment être un acteur de l’innovation sociale !

INfluencia : quel en est son message ?

Gildas Bonnel : le message est simple : les mutations en cours dans nos sociétés ne se feront pas sans une communication engagée et créative. La pub est un vecteur puissant de transformation culturelle : bougeons-la !

INfluencia : comment les communicants peuvent-ils contribuer au changement vers une consommation soutenable ?

Gildas Bonnel : en faisant le job ! En défendant notre position d’interface entre les organisations, les marques et nos concitoyens. Nous ne sommes pas des passe-plats ! Nous avons un devoir de conseil, d’interpellation. Les inquiétudes des consommateurs nous les partageons, les indignations citoyennes nous les vivons aussi : nous sommes là pour répondre au monde, pour servir les gens, pas pour les gaver ou les enfler …

INfluencia : on peut être très créatif et responsable comme le montre notamment Act Responsible depuis 2011. Y a-t-il une campagne qui vous semble exemplaire de ce que la com doit faire, dans le livre ?

Gildas Bonnel : j’adore la publicité Epuron. Elle a tout ce que j’aime dans une pub : une vraie histoire, de la poésie, de l’inattendu. Je suis fan !

INfluencia : il y a un vrai antagonisme entre le but de la com : promouvoir l’hyperconsommation et la nécessité de défendre l’environnement ? Comment le dépasser ?

Gildas Bonnel : le couplage entre hyper consommation et communication n’est pas une fatalité ! Nous l’écrivions en 2011 dans le manifeste Adwiser, « la communication n’est pas condamnée à vie au rôle de coupable ». La communication de « gavage » tue la valeur de marque et anéantit les efforts de filières entières. C’est vrai que c’est compliqué mais quand le déstockage devient le seul brief, il faut fuir. Les marques qui ont le courage d’investir dans une communication responsable préparent l’avenir. Elles cherchent à se re-connecter avec les attentes réelles des gens, les plus puissantes.

INfluencia : voyez-vous des marques exemplaires dans le domaine de l’environnement ?

Gildas Bonnel : l’Ademe bien sûr 😉 (l’Ademe est partenaire de Goodvertising) Cela dit, je ne souris qu’à moitié. L’Ademe a conservé dans un climat de défiance énorme sur les sujets environnementaux tout son crédit auprès des Français (particuliers et professionnels). C’est LE tiers de confiance sur le sujet en France. Sans doute parce que c’est une boite d’ingénieurs ! Outre ses campagnes de sensibilisation, elle accompagne les citoyens dans la transition écologique : espaces physiques, fiches pratiques etc. C’est une marque qui dit et qui fait.

INfluencia : comment sensibiliser les publics aux grands enjeux environnementaux ?

Gildas Bonnel : si je le savais, je serais riche ! (quoi que…). Je pense que nous nous sommes beaucoup trompés dans la tonalité de nos messages. Faire peur ne sert à rien, les messages anxiogènes et culpabilisants ne bougent pas les lignes. Aujourd’hui, s’il existe pour moi une règle sacrosainte c’est de raconter ce qui est en train de nous arriver. Les gens sont intelligents, proposons leur d’être acteurs de notre histoire collective.

INfluencia : avez-vous le sentiment que l’attitude des Français vis à vis de l’environnement s’est améliorée ?

Gildas Bonnel : oui, indéniablement. Les comportements évoluent. Quand je regarde en arrière, le chemin parcouru depuis le Grenelle est important. C’est court, 8 ans pour transformer les modes de vie. Bon, maintenant il va falloir que ça accélère vraiment. Dans les différentes étapes du changement individuel, le stade de « pré-contemplation » peut durer 2 ans… (C’est le temps d’observation inconscient des changements possibles avant le passage à l’action : « et si je mangeais moins de viande ?, et si j’essayais de me mettre au vélo ? »). Cela peut vouloir dire que nos concitoyens sont mûrs et qu’il faut leur faire des propositions concrètes, leur offrir des solutions.

INfluencia : vous êtes optimiste alors ?

Gildas Bonnel : franchement, vous imaginez un pessimiste qui s’obstinerait à parler développement durable à des publicitaires ?

INfluencia : quel message avez-vous pour les communicants?

Gildas Bonnel : c’est bon, vous avez le droit de faire votre coming out ! Plus sérieusement, je les invite à être plus attentifs à ce nouveau territoire exceptionnel de créativité (je ne parle pas de la pub Atmos – tiens, tiens c’était pour Volkswagen, marrant …), et à ce que la transformation des modèles peut induire comme sujets d’accompagnement, de valorisation, de promotion.

*Thomas Kolster est expert international en communication responsable. Il a fondé l’agence Goodvertising à Copenhague. Il est également le fondateur de WhereGoodGrows, la première plate-forme de partage de bonnes pratiques en matière de communication.

**Goodvertising est édité en France aux Editions Leduc. Il est disponible dans les rayons spécialisés et en ligne sur editionsleduc.com.

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