2 juillet 2019

Temps de lecture : 4 min

Pourquoi nous avons la série dans la peau (Saison 2)

Les séries rythment désormais nos vies, et leur intensité, leur intelligence, leur esthétique nous bluffent. Elles ont les reflets de destins qui nous ressemblent. Des héros qui survivent à leurs psychées complexes.

Les séries rythment désormais nos vies, et leur intensité, leur intelligence, leur esthétique nous bluffent. Elles ont les reflets de destins qui nous ressemblent. Des héros qui survivent à leurs psychées complexes.

C’est un peu comme si le roman du XIXème s’invitait dans nos présents. Tout comme les oeuvres des journalistes convertis aux roman réaliste et naturaliste, Émile Zola, Honoré de Balzac, Guy de Maupassant, Victor Hugo, c’est la petite histoire sociologique de personnages, qui permet la traversée de la grande histoire tourmentée. La difficulté des petites gens, aux mains des puissants, avec ses complots et ses intérêts propres.

La psychanalyse fait désormais partie intégrante des séries

La série s’est emparée de la complexité humaine, et Sigmund Freud est volontiers convoqué pour affiner les profils de héros qui nous ressemblent tant. « L’échec des idéologies à comprendre le monde, a laissé sa place à la psychanalyse, dernière croyance devenue une composante indispensable à la compréhension de soi… face au monde. Cela change totalement l’angle et son point de vue », propose Vincent Meslet. En effet, la vérité romanesque est tout aussi forte que la politique. L’intelligence sensible est tout aussi intéressante que l’intelligence cohérente, c’est sans doute cela que les grands de la série ont compris ». Et de fait, la complexité et les symptômes de maladies mentales sont présentes dans quasiment chaque fiction. Pour sauver le personnage de Nicole Kidman dans Big Little Lies, de la violence de son mari ; dans Keplers personnage aux prises avec ses visions, qui tente de s’en sortir sans son médecin et ami ; Max Braverman, dans Parenthood souffre du syndrôme d’Asperger et le combat des parents pour que leur fils trouve sa place à l’école est bouleversant. Tara Gregson, mère de deux enfants dans la série United States of Tara, est atteinte d’un trouble dissociatif de l’identité sous le regard bienveillant de sa famille aux aguets. En Analyse, (In treatment) , est quant à elle une série américaine dont le héros interprété par Gabriel Byrne est… psychanalyste. Construite autour de cinq séances de divan avec des patients de tous âges… , les épisodes permettre de suivre les résistances et les avancées des patients, ainsi que les problèmes du psy, confronté à sa propre vie qui dévie.

Les divers maux sont traités soit avec humour, soit de manière dramatique. « Encore une manière de se projeter, pour le spectateur, poursuit Vincent Meslet, « qui reçoit ces fictions comme autant de compréhensions sur son propre quotidien  ». Ainsi, Luther lutte seul contre son passé, et sa vie est un enfer quotidien, tandis que Tara (United States of Tara) exprime sa multiplicité de personnalités dans l’humour et la bonne humeur.

La série plus romanesque que le roman…

Et de fait, Netflix, OCS, HBO, Hulu, ces groupes devenus puissants ont eu l’intelligence de saisir ce besoin de comprendre nos vies aux travers de ces programmes, et ainsi nous proposer un miroir artistique de nous-mêmes, dans des productions magnifiques, esthétiques, aux intrigues, et aux acteurs, qui nous disent : nous vous donnons à voir le meilleur, nous vous considérons, nous vous respectons, parce que nous vous connaissons (même les génériques sont des œuvres d’art à par entière, depuis Desperate Housewifes). Qu’il s’agisse de Sharps Objects, ou de Big Little Lies tous deux tirés des romans éponymes de Liane Moriarty, réalisé par Jean-Marc Vallée (réalisateur notamment de Dallas Byer’s Club), de la dystopie The Handsmaid’s tale adaptée du roman de Margaret Atwood, de Top of the Lake réalisé par Jane Campion (oscarisée pour La Leçon de piano), de True Detective écrite par Nick Pizzolato, auteur de Galveston (2009), ancien professeur de littérature à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, et réalisée par Cary Fukunaga, doté du prix du meilleur réalisateur pour Sin nombre au Sundance Film Festival de 2009, ou de The Night Of avec pour personnage principal John Turturo, les plateformes ne lésinent pas sur les talents, les moyens. Jadis considérés comme une voie de garage pour starlettes devenues trop vieilles, la série est désormais the place to work. Reese Witherspoon, Nicole Kidman, Merryl Streep, Matthew McConaughey… tous les meilleurs comédiens sont tatoués séries et qui plus est les produisent en partenariat avec les plateformes.

La série nous comprend mieux que nous-mêmes…

L’expression il y en pour tous les goûts prend ici tout son sens. À moins qu’il ne s’agisse en fait de « il y en a pour toutes les questions existentielles que se pose aujourd’hui chacun d’entre nous . Et comme on se saisissait d’un roman pour se comprendre, on se saisit d’une tablette pour se connaître. Finalement, conclut Vincent Meslet, la seule vraie révolution, c’est la cassette. Elle procède sensiblement de la même économie que le roman. À la seule différence qu’une série peut être un partage, quand un roman est intime.

Quoi de plus déceptif qu’un dernier épisode de série ?

Vincent Meslet va plus loin encore, lorsqu’il analyse la portée de ce phénomène fictionnel. A son sens, il correspond à la reproduction d’un rituel, celui à jamais perdu, et nostalgique de la lecture faite par des parents aux enfants avant de s’endormir (et surtout pour les endormir !), et où dans leur esprit, la réalité éveillée finit par se mêler doucement au sommeil et à induire des rêves… Enfin est-ce un hasard, si la série qui, par définition n’a pas de fin, correspond au désir d’immortalité, et à l’espérance de vie qui gagne chaque fois du terrain ? Car enfin, quoi de plus déceptif qu’un dernier épisode de série ? Quoi de plus frustrant que la fin d’un roman ? Personne ne veut connaître la fin. Et s’en souvient rarement.

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