23 mars 2012

Temps de lecture : 5 min

Quand les marques se piquent de culture et d’entertainment

Les théâtres et salles de spectacle attirent de plus en plus d’investisseurs issus d’univers très variés, en quête de maîtrise de la chaîne de valeur et de synergies, bien plus que de notoriété ou d’image.

Article paru dans la revue papier et digitale N°7 : La Culture : une invitée de(s) marque(s)

Les lieux de culture ne sont plus seulement l’affaire des saltimbanques ! Des groupes issus d’univers parfois assez éloignés de la culture ou du divertissement se positionnent sur des salles de spectacles, des théâtres et autres lieux de divertissement. Vente-privee.com a racheté le Théâtre de Paris. Le département des Hauts-de-Seine a confié à un groupement d’entreprises mené par Bouygues, incluant notamment le Groupe TF1 et Sodexo, son projet de Cité musicale qui doit ouvrir fin 2016 sur l’Ile Seguin à Boulogne-Billancourt. La chaîne Gulli vient d’inaugurer près du Mans un deuxième Gulli Parc. Red Bull a ouvert à Paris un studio d’enregistrement mis à disposition d’artistes, notamment de la scène électro…

Le rachat des Folies Bergère par Lagardère, en 2011, suivait une première acquisition de 20% dans le Zénith de Paris. Avec le théâtre Comédia, Fimalac, la holding de Marc Ladreit de Lacharrière, s’est offert une première implantation sur la scène parisienne. Ce groupe gère déjà pour le compte du propriétaire de l’agence de notation Fitch Ratings un vaste réseau de salles de spectacles comprenant, entre autres, plusieurs Zénith et des salles multifonctionnelles de grande capacité. Fimalac a aussi intégré, en amont, des sociétés de et des tourneurs.

Un modèle économique attractif

Les paillettes ou l’attrait du show-biz n’expliquent évidemment pas à eux seuls toutes ces vocations. Alors que la production de spectacles reste un métier très risqué, l’exploitation d’une salle de spectacle peut s’avérer assez rentable. Les sources de revenus sont variées et échelonnées dans le temps, de la location de la salle à l’exploitation de la billetterie, en passant par l’événementiel et le sponsoring, le bar et la restauration… La rareté des lieux à disposition des producteurs et des organisateurs de tournées offre généralement aux exploitants une bonne visibilité à moyen terme sur les réservations. Le regain d’intérêt pour certains genres de spectacles, notamment la comédie musicale, et la vente de tickets à prix réduit sur Internet ont drainé un nouveau public vers les salles de spectacle, ce qui soutient l’activité du secteur. Les risques se concentrent surtout autour de l’immobilier. D’importants travaux de rénovation ont dû être réalisés aux Folies Bergère et au Comédia, qui rouvre en décembre. Le théâtre Marigny, propriété d’Artémis de François Pinault, cesse de fonctionner pour les mêmes raisons durant toute la saison 2013-2014.

Intégration verticale

À travers ces investissements, la plupart des groupes cherchent à renforcer leur présence sur la chaîne de valeur du spectacle vivant. Vivendi Universal s’était montré précurseur dans ce domaine lorsque, à l’époque Messier, il avait racheté l’exploitation de l’Olympia à la famille Coquatrix. Bien que filiale à 100% d’Universal Music France depuis 2001, le music-hall a toujours gardé une véritable autonomie. Par le simple fait de programmer plus de 300 spectacles par an et d’exploiter un outil technologique très lourd, Arnaud Delbarre, qui dirige l’établissement depuis 2002, a dû introduire des méthodes de type industriel dans un lieu qui n’en avait jusqu’alors pas l’habitude : « Se plier aux méthodes d’exploitation et de reporting de Vivendi aurait pu passer pour une contrainte. Finalement, cela a été plutôt un avantage pour rendre la salle profitable, ce qui n’était pas le cas auparavant », indique-t-il.

Le rachat du Théâtre de Paris par vente-privee.com entre dans cette logique et témoigne de l’importance croissante de la culture et du divertissement pour cet acteur du e-commerce. Désormais propriétaire d’un théâtre où il peut produire des spectacles, le groupe renforce encore les synergies avec ses activités de distribution de disques, de promotion d’artistes et de billetterie.

Ces logiques d’intégration verticale engendrent parfois des écosystèmes extrêmement vertueux. Ainsi, toute la marge réalisée au lancement de la comédie musicale « Salut les Copains » est entrée dans des entités du groupe Lagardère : organisé autour d’une marque Europe 1, le spectacle a été produit par Lagardère Unlimited Live Entertainment et s’est joué aux Folies Bergère. À part quelques cas emblématiques, les synergies groupe trouvent toutefois rapidement leurs limites. Si Stage Entertainment ne programme que ses propres spectacles à Mogador, la plupart des propriétaires de salles misent plutôt sur la variété de l’offre et le renouvellement du vivier d’artistes. C’est dans cette optique que l’Olympia finance (à perte) depuis quatre ans Le Sentier des Halles, une pépinière de talents où ont été révélées Zaz ou Imany.

Un prolongement naturel pour les groupes médias

Pour les groupes médias, l’exploitation de lieux de spectacle est un prolongement assez « naturel » de leur rôle de partenaires ou co-producteurs d’événements culturels, qui ménage quelques avantages. « Quand on nous contacte pour louer une salle, on nous propose aussi des projets ou des artistes à produire », souligne Jérôme Langlet, président Lagardère Unlimited Live Entertainment. Le propriétaire du lieu est aussi le mieux placé pour maîtriser le calendrier des réservations, se réserver les périodes les plus porteuses de l’année, faire revenir un spectacle lors d’une période de creux… Le groupe Lagardère en a déjà fait l’expérience. « Nous avons pu monter « Salut les Copains » en 2012 car nous étions propriétaires des Folies Bergère. Sinon, il aurait fallu attendre deux ans de plus avant de trouver un lieu », précise-t-il.

En se positionnant sur la Cité musicale de l’Ile Seguin, TF1 cherchait à opérer des salles permettant d’accueillir des projets fédérateurs en adéquation avec sa cible familiale, et à générer des synergies avec ses antennes et ses supports digitaux. La grande salle (4 à 6000 places) a d’ailleurs été conçue avec les équipes de TF1 Production pour que les conditions de captation soient optimales. Cette création ex-nihilo représente un véritable défi pour TF1 qui est associé à son exploitation mais aussi à la direction artistique. « La Cité musicale va accueillir les plus grands artistes dans un lieu d’exception. C’est un projet global qui correspond bien à notre démarche sélective. Les producteurs nous ont déjà fait connaître des marques d’intérêt. D’ici un an, nous serons sollicités sur des projets », détaille Yann Geneste, directeur de TF1 Musique.

Nourrir le discours de la marque

Gulli, propriété de Lagardère Active et de France Télévisions, s’est positionnée sur le marché des parcs de loisirs indoor, en pleine expansion. La chaîne a labellisé depuis fin 2011 deux « Gulli Parc », lancés en association avec le spécialiste des loisirs La Boîte aux Enfants. Installés dans des zones de fort trafic familial, à Bry-sur-Marne en région parisienne et près du Mans, ces ludoparcs proposent des animations en lien avec la programmation de la chaîne et des moments de jeux ou de détente à partager en famille ou entre copains. « Cette diversification nourrit le discours de la marque et la proximité avec le public. La fréquentation du parc et la fidélité des visiteurs permet de mesurer la caution que représente la marque et de toucher du doigt la magie du lien créé en télévision », affirme Benoît Roque, directeur commercial licensing et new business de Lagardère Active. Selon son exploitant, le premier parc a vite atteint la rentabilité. Un troisième parc devrait donc voir le jour en 2014 et, à terme, une dizaine.

La plupart de ceux qui ont investi dans des lieux de spectacles nourrissent encore de grandes ambitions dans ce domaine, même si les créations de salles sont rares. Lagardère et Fimalac sont positionnés sur le projet d’Arena de 10 à 15 000 places qui doit voir le jour près de Bordeaux. Quelques opportunités se présentent aussi au gré des changements de génération. Pour les groupes présents à l’international, le terrain de jeu est européen, voire mondial.

Christine Monfort

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