7 mars 2021

Temps de lecture : 3 min

María Fernanda Espinosa Garcés: « La pandémie représente un énorme pas en arrière pour les femmes »

María Fernanda Espinosa Garcés a été en 2018 présidente de l’Assemblée Générale des Nations Unies. Cette poétesse et ancienne ministre des affaires étrangères de l’Equateur est seulement la quatrième femme à avoir été élue à ce poste au combien prestigieux depuis la création de l’ONU il y a 75 ans. Interrogée en exclusivité par INfluencia, elle nous explique l’importance de la Journée internationale des droits des Femmes et nous démontre en quoi la pandémie a été une pilule à la fois douce et amère pour les femmes du monde entier.

INfluencia : en quoi la Journée internationale des droits des femmes est une date particulièrement importante cette année ?

María Fernanda Espinosa Garcés : cette année, cette journée sera l’occasion de célébrer les femmes mais aussi d’être conscient des défis qui se présentent à elles. La crise sanitaire a prouvé à quel point nous étions en première ligne pour lutter contre la pandémie. Des cheffes de gouvernement en Nouvelle-Zélande, à la Barbade ou en Finlande et des centaines de maires et de gouverneures ont montré la voie à suivre pour de nombreux autres dirigeants. 73% des salariées dans le secteur de la santé sont des femmes et ce sont elles qui ont été les plus exposées dans la lutte contre le Covid-19. Mais cette crise a aussi confirmé que les inégalités de genre étaient partout présentes. 75% des parlementaires dans le monde sont toujours des hommes. 85% des comités de pilotage nationaux contre la pandémie sont pilotés par des hommes alors que ce sont les femmes qui, sur le terrain, luttent contre la maladie et prennent le plus de risques. Les différences salariales entre les employées et les salariés atteint 14% en Europe et près de 22% en Amérique Latine. Durant les confinements, les violences domestiques ont quadruplé voire même quintuplé dans certains pays. Avant l’arrivée de la pandémie, 25% des femmes dans le monde vivaient dans l’extrême pauvreté soit environ 400 millions de personnes et les premiers indicateurs que nous commençons à recevoir montrent que ces chiffres devraient nettement augmenter en 2020. Un tiers des femmes qui ont perdu leur emploi en raison de la crise sanitaire n’ont toujours pas retrouvé de travail aujourd’hui et elles risquent de se retrouver confinées toute leur vie à leur domicile pour faire des tâches ménagères.

IN. : la crise sanitaire a donc encore aggravé la condition des femmes à travers le monde…

M.F. E.G. : sans aucun doute. Le fossé entre les femmes et les hommes était déjà énorme mais l’arrivée du Covid-19 l’a encore creusé. Cette crise sanitaire a eu l’effet d’une loupe sur des inégalités qui existaient depuis de très nombreuses années. La pandémie représente un énorme pas en arrière pour les femmes. Les temps étaient déjà difficiles pour elles avant l’arrivée du coronavirus mais leur situation s’est empirée depuis. Il ne faut toutefois pas nous considérer uniquement comme des victimes car nous sommes fortes et résilientes.

IN. : le Forum Génération Egalité, qui est organisé par ONU-Femmes, va se tenir à la fin du mois au Mexique et sa seconde session sera organisée au mois de juin à Paris. Pensez-vous que cette initiative, dans laquelle vous vous êtes beaucoup impliquée, peut vraiment améliorer la condition des femmes dans le monde ?

M.F. E.G. : Ce Forum est une opportunité en or pour attirer l’attention du monde sur la condition de la femme. Nous vivons aujourd’hui en plein paradoxe. On voit en effet de plus en plus de femmes accéder à des postes de leadership mais dans le même temps, le fossé entre les sexes continue de se creuser et de plus en plus de femmes souffrent au quotidien. L’année 2020 marquait le 25ème anniversaire de la Quatrième conférence mondiale sur les femmes durant laquelle a été adoptée la Déclaration et le Programme d’action de Pékin. Ce texte visionnaire définissait la manière de supprimer les obstacles systémiques qui empêchent les femmes à participer de manière égale à tous les domaines de la vie, que ce soit dans le secteur public ou privé. Le Forum vise à aller encore plus loin et à lancer des actions concrètes, ambitieuses et transformatrices afin de réaliser immédiatement et durablement des objectifs en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. L’année 2020 a été cette de la réflexion et du dialogue. Des personnes venant de tous les horizons, des gouvernements, de la société civile, du secteur privé, des entrepreneurs, des syndicats, des artistes et des universitaires, ont discuté. Toutes les questions soulevées ont été séparées en sept thèmes différents et six coalitions d’actions ont été mises en place. Ce Forum est une expérience de multilatéralisme inclusif passionnante. Des mesures concrètes vont être lancées durant la session du mois de juin à Paris. En tant que femme, je suis très impatiente de voir ce qui va se passer pendant ces rencontres.

IN : ne pensez-vous pas que la pandémie et la crise économique qui nous menace risquent de servir d’excuse pour ralentir la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes ?

M.F. E.G. : Mais nous n’avons pas d’autres options que de combler le fossé qui sépare les femmes et les hommes ! Une personne ne peut pas arrêter de prendre les médicaments qui le soignent sous le prétexte qu’il vient de contracter une seconde maladie. Les femmes jouent un rôle décisif dans la lutte contre la pandémie et dans le rétablissement de nos économies. Faisons tout notre possible pour leur donner des emplois décents et convenablement payés.

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