9 novembre 2021

Temps de lecture : 2 min

Yuval Noah Harari : “les réseaux sociaux deviendront un contre-pouvoir à la dictature »

Lors du dernier Athens Democracy Forum, Yuval Noah Harari était interrogé sur les liens entre la technologie et la démocratie. L’occasion pour lui de dresser un tableau pessimiste pour l’avenir de nos sociétés technologiques et d’alerter sur les risques posés par l’intelligence artificielle, outil propice à un contrôle centralisé et à de nouvelles formes d’impérialisme.

Lorsqu’on regarde l’histoire des 200 dernières années, on voit qu’en réaction aux changements technologiques, il y a eu un mouvement de balancier entre démocratie et dictature,” explique l’historien. Mais si depuis la seconde moitié du XXe siècle, “la technologie dominante a favorisé la démocratie”, il n’y a pas pour autant de “loi naturelle” qui implique que les nouvelles technologies bénéficient nécessairement à la démocratie… Autrement dit, le mouvement de balancier pourrait repartir dans l’autre sens !

L’IA facilite la concentration des informations

L’auteur de « Sapiens » alerte notamment sur les risques de l’intelligence artificielle, une technologie qui “semble être de façon inhérente propice aux dictatures”, car elle facilite le contrôle centralisé au détriment de l’aspect distribué du contrôle, propre aux démocraties. “Par sa nature même, l’IA tend à l’autoritarisme, parce qu’elle rend beaucoup plus facile la concentration des données et des informations au même endroit.

Pour illustrer son propos, Yuval Noah Harari fait une fois de plus appel à l’histoire : “l’URSS a essayé de collecter et centraliser toutes les informations au même endroit, avant de les analyser et de prendre les décisions. C’était un système beaucoup moins efficace que le modèle démocratique, qui distribue les informations et, in fine, le pouvoir de décision. Avec l’IA, ça devient au contraire beaucoup plus facile : cela pourrait devenir un avantage pour les modèles autoritaires”. 

Une nouvelle guerre froide, un nouveau rideau de fer

A ce titre, l’issue de la lutte technologique et idéologique entre les Etats-Unis et la Chine – la “nouvelle guerre froide”- sera déterminante. “Nous assistons à l’émergence  d’un nouveau type d’impérialisme, dont le contrôle des flux de données est l’aspect le plus crucial. Si vous contrôlez les données du pays, et si vous contrôlez son infrastructure numérique, alors vous contrôlez ses actifs les plus vitaux” explique Yuval Noah Harari

Pour lui, c’est simple : nous sommes entrés dans « les premières étapes d’une guerre froide numérique. De la même manière que le rideau de fer tombait après la seconde guerre mondiale, il y a maintenant un rideau de silicium qui divise le monde. Le code qui s’exécute sur votre smartphone et sur votre ordinateur détermine de quel côté du rideau vous êtes. » Il va même plus loin, en évoquant un « nouveau colonialisme » : « un colonialisme des données, qui se traduit par des flux de données des colonies vers le centre de l’empire, où elles alimentent la création de technologies plus sophistiquées, qui sont ensuite exportées dans un cycle continu« .

A l’écouter, le vieux continent serait totalement dépassé : “l’Europe n’est pas prête à jouer à ce jeu.  Si vous regardez les dix grandes entreprises qui dominent ce domaine technologique, elles sont toutes soit chinoises, soit américaines.” Or, l’enjeu n’est pas seulement économique. Il est aussi géopolitique : “vous n’avez plus besoin d’envoyer les chars dès lors que vous pouvez couper l’accès aux données. Imaginez la situation dans 20 ans, quand quelqu’un à Pékin, à San Francisco, ou à Washington connaîtra l’intégralité des antécédents médicaux personnels de chaque membre de votre parlement, de chacun de vos juges, de chacun de vos officiers… c’est vers ce type d’avenir vers lequel nous allons”.

Les réseaux sociaux, une force positive

Et qu’en est-il des réseaux sociaux, si décriés ? Yuval Noah Harari se montre à l’inverse plutôt optimiste. “Intrinsèquement, ce sont des forces positives, parce qu’ils permettent d’inclure beaucoup plus de citoyens dans le débat public. […] Mais ils détruisent aussi toutes les institutions et les certitudes, ils créent du chaos. Cela peut sembler dangereux, mais à long terme, si on s’en sert bien, ils resteront une force positive, car davantage de gens pourront participer aux conversations.”

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