14 décembre 2015

Temps de lecture : 4 min

Vivre connectés nous rend-il plus vivants ? 2/2

La vie connectée, fantasme des gourous du transhumanisme ou promesse d’un futur meilleur par un usage pertinent d’une data respectueuse de notre vie privée ? Tout un débat n’est-ce pas ! Pendant le Cristal Festival, INfluencia et Dentsu Aegis ont alimenté la discussion. Et nous vous livrons le deuxième résumé des débats.

La vie connectée, fantasme des gourous du transhumanisme ou promesse d’un futur meilleur par un usage pertinent d’une data respectueuse de notre vie privée ? Tout un débat n’est-ce pas ! Pendant le Cristal Festival, INfluencia et Dentsu Aegis ont alimenté la discussion. Et nous vous livrons le deuxième résumé des débats.

Entre l’Homme et la technologie, le rapport a toujours été paradoxal, masochiste, anxiogène, fantasmatique et utopique. Dans la Silicon Valley, berceau de la révolution libertarienne du tout technologique data-dépendant, les géants du web sont persuadés qu’en faisant du monde un village interconnecté, ils le rendent meilleur. Le paradigme louant le 2.0 sauveur de l’humanité casse toutes les frontières. A une époque où le label smart deviendrait presque le seul sceau du partage et de l’interaction entre les marques et les consommateurs, la technologie connectée fascine et interroge.

Sommes-nous prêts à définir nos lignes rouges d’acceptation et découvrir l’inconscient de nos émotions ? Devons-nous avoir peur de l’intelligence artificielle ? Savons-nous comment un jour le big data servira notre quotidien ? Nous adapterons-nous aux nouvelles grammaires numériques de nos vies ? Accepterons-nous de considérer que la technologie ne nous rend pas meilleur et qu’il sera bientôt essentiel de comprendre la finalité de son utilisation ? Pour tenter de débroussailler nos certitudes et doutes dans ce lacis de questions, Dentsu Aegis et INfluencia ont consacré une conférence à la vie connectée Cristal Festival.

En créant la start-up française, Les Habitués en 2015, Rodolphe Bloch-Lainé ne confronte pas sa technologie connectée à l’ire des pamphlétaires de la digitalisation de nos vies. Avec son modèle de fidélisation par le pré-paiement digital, Les Habitués repense l’expérience d’achat selon une promesse simple : plus vous mettez d’argent sur le compte prépayé que vous avez ouvert dans votre magasin préféré, plus vous avez d’avantages. « Pour les clients c’est plus participatif, plus pratique et avantageux dès le premier achat. Pour les commerçants, c’est un nouveau relais de communication avec ses clients et une hausse de fréquentation et du panier moyen », argumente Rodolphe Bloch-Lainé. Testé dans 40 commerces auprès de 4000 clients, la jeune société se targue de 110 000 transactions et 30 à 40% d’augmentation du panier moyen.

L’UE homogénéise sa réglementation

Dans la vie connectée, la course à la personnalisation touche tout le monde. La pub n’y échappe évidemment pas. C’est même son modjo digital.  Pierre-Antoine Durgeat, CEO d’ADventori, en a fait son rempart contre le re-targeting, « qui  use une marque car son facteur de répétition finit par engendrer une vision négative chez le consommateur ». Pour le Français, l’intrusion de la géolocalisation dans la pub web offre aux annonceurs un outil pertinent qui lui évite en plus d’entrer dans la connaissance individuelle par la data. En donnant l’exemple d’un chaland qui passant devant un canapé verrait s’afficher sur son smartphone une pub pour un fabricant de mobilier de maison, Pierre-Antoine Durgeat met en exergue la donnée contextuelle. Selon l’associé du cabinet d’avocats Gide,Thierry Dor, cette donnée là rentre sous le coup de la loi Information et Liberté de 1978 sur l’identification de la donnée personnelle.

Présent dans le panel sur les défis de la data dans l’ère hyper connectée, Thierry Dor a évoqué la nouvelle mouture à venir de la directive européenne 95/46. Avec sa future réglementation homogène sur tout son territoire, l’UE se dote d’une protection contre la distorsion de concurrence. Elle pourrait inspirer au moins autant le Japon et la Corée du Sud que le cadre restrictif de sa réglementation sur la protection des données. Pour Emmanuelle Garnaud-Gamache, la directrice du développement international de l’institut de recherche technologique, B<>com, le big data doit aussi se dépatter avec des verrous technologiques, comme l’hygiène des données non homogènes et non exploitables. « Le gros enjeu réside dans la manière dont nous allons pouvoir naviguer dans ces données par la visualisation, que ce soit de la 3-D ou des hologrammes », explique-t-elle.

Le big data, c’est juste une question d’utilisation

Installé à Rennes, B<>com se présente comme un acteur de la transformation digitale, notamment en rapprochant ce qui se fait de mieux dans la recherche académique et privée. « Nous sommes à une époque charnière où la transformation digitale se construit, mais le temps de la recherche n’est pas celui des marques et de la communication », prévient Emmanuelle Garnaud-Gamache « Il y a donc encore beaucoup de science fiction dans tout ce qu’on entend et voit ».  Et selon elle, la prochaine frontière évoquée par Kei Shimada, responsable innovation chez Dentsu Aegis Network : « c’est quand l’intelligence artificielle permettra une vie connectée fluide et sans friction ».

« La nouvelle approche de la big data doit être de voir ce qu’il y a de différent chez les gens, pas ce qu’ils ont de similaire », énonce Pierre-Antoine Durgeat. Cette finalité dans l’utilisation, Zak Allal en fait le fil directeur de son argumentation. Le médecin et entrepreneur algérien, représentant pour la francophonie de l’Université de la Singularité, soutenue par Google en Californie, voit dans l’utilisation de la technologie le point de rupture avec l’Homme : celui qui peut faire de l’intelligence artificielle un danger quand elle est utilisée à grande échelle et massivement. « Si je prends l’exemple du Dark Net, l’internet caché, il sert à Daesh aujourd’hui mais a aussi permis, avant cela, la chute de régimes dictatoriaux », prend pour exemple, Zak Allal.

A ses côtés, le sociologue Dominique Wolton acquiesce. Evidemment. Le directeur de recherche au CNRS est un pourfendeur public de l’imperium technologique qu’il juge « jamais remis en cause, jamais perçu avec l’esprit critique nécessaire ». Son message est clair : la technologie comme réponse aux deux questions centrales de l’Homme : la guerre et la paix, la vie et la mort. Critiquant la rupture de la communication et de l’expérience et celle entre l’information et la communication, Dominique Wolton tance : « la technologie ne rend jamais l’Homme meilleur et l’Homme doit absolument préserver le retard qu’il a toujours eu sur la technologie ».

Retrouvez la première partie de cet article : Vivre connectés nous rend-il plus vivants ? 1/2

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