23 juillet 2014

Temps de lecture : 3 min

Vers une agence de notation du like

La course effrénée aux like et le mirage de la maîtrise des monceaux de données font prendre conscience aux annonceurs qu’ils sont dans une fuite en avant qu’il leur faut stopper. Le meilleur moyen, une instance qui valoriserait l’engagement réel des internautes sur les réseaux sociaux.

La course effrénée aux like et le mirage de la maîtrise des monceaux de données font prendre conscience aux annonceurs qu’ils sont dans une fuite en avant qu’il leur faut stopper. Le meilleur moyen, une instance qui valoriserait l’engagement réel des internautes sur les réseaux sociaux.

On the Internet, nobody knows you’re a dog… Cet adage, dont l’origine remonte à 1993 ( !), résume à lui seul l’enjeu auquel tout un chacun est confronté sur le web : à qui je m’adresse ? Est-ce la bonne personne ? Suis-je au bon endroit ? Au bon moment ?

En accumulant des milliards de données, les Google, Facebook, YouTube et autres réseaux sociaux ou sites de vente en ligne sont capables de cibler très finement chacun d’entre nous et peuvent ainsi vendre de l’espace publicitaire aux annonceurs. Mais comment être certain que c’est bien un humain derrière son ordinateur qui reçoit cette offre promo pour un voyage aux Seychelles ? Comment les annonceurs peuvent-ils s’assurer de la qualité du like qu’ils achètent ? Surtout quand ce sont les mêmes Google et consorts qui fournissent le rapport de performance des posts promotionnels ou des campagnes d’acquisition de fans.

Une généralisation du tiers de confiance ?

En remettant le public au centre des relations, la révolution digitale a chamboulé tout l’édifice du marketing : d’un côté, certaines marques ont déjà commencé à réinternaliser ce qu’elles sous-traitaient naguère à leurs agences conseils et média. De l’autre, elles traitent directement avec les Google et consorts qui ont réussi le tour de force de se positionner comme juges et parties. Dans le système idéal de concurrence pure et parfaite, il va de soi que Google a tout intérêt à vendre le meilleur ciblage possible, puisqu’il le vendra plus cher. Mais nous ne sommes pas dans un système de concurrence pure et parfaite. Pour réduire le risque d’un like de mauvaise qualité, il faudrait introduire un tiers de confiance qui jouerait le rôle de garant de sa qualité.

Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la vidéo que Derek Muller, un YouTuber américain, a publié au début de l’année. Avec « Facebook Fraud », il a jeté un pavé dans la mare. Il y dénonce notamment le manque de pertinence et de qualité des like vendus par Facebook. Cette vidéo a été vue plus de 1,8 million de fois. Et même si sa méthodologie est clairement discutable sur de nombreux points, il n’en reste pas moins qu’il a soulevé LA question : qui est véritablement derrière les like que Facebook vend à travers son offre de promotion de posts ?

Autrement dit, pour assurer les marques que derrière la page de tel profil Facebook, il y a bien un humain dont les caractéristiques lui seront utiles, nous avons besoin de transparence.

Qui de mieux qu’un tiers de confiance pour garantir cette transparence ?

D’ailleurs, cela existe déjà : un certain nombre de sociétés ont développé des logiciels capables de cibler très précisément les internautes et vendent à prix d’or leur service, car n’étant pas affiliées à l’un ou l’autre réseau social, les marques considèrent qu’elles agissent comme des courtiers. Si l’on pousse le raisonnement plus loin, on peut parfaitement imaginer la création d’une agence de notation, à l’image d’un Fitch ou d’un Standard & Poor’s, qui attribuerait des plus et des moins aux réseaux sociaux vendant leurs données en fonction de leur capacité à vendre un like pertinent, c’est-à-dire ayant du sens à un moment donné pour un objectif donné. Ainsi se créerait une place de marché généralisée sur laquelle les réseaux sociaux (et, en fait, toute entreprise commercialisant des données sur ses utilisateurs) se verraient attribuer une note en fonction de la qualité de leur like. Les marques pourraient alors acheter en toute confiance des lots de like.

De nouveaux us et coutumes

Dès lors, les marques pourront pleinement profiter de la puissance marketing qu’offre la Big Data. Et la course infinie au quanti serait définitivement laissée au média TV, tandis que l’Internet verrait l’avènement du marketing conversationnel, basé sur le profilage efficient. Car sur le web, mieux vaut avoir une communauté de fans plus petite mais très engagée qu’une gigantesque communauté qui n’interagit pas. À l’image de Burger King, qui s’était lancé dans l’opération suivante : constatant qu’un like peut avoir plus ou moins de valeur, Burger King avait décidé de se débarrasser de ses fans pas vraiment fans et avait donc proposé à l’ensemble de sa communauté cette alternative : rester fan ou se faire bannir de sa page Facebook en échange d’un hamburger… Résultat : moins 80% de fans. Mais les 20% qui sont restés valent assurément bien plus…

Encore faut-il franchir de nombreux obstacles pour créer cette agence de notation en qui tout le monde aura confiance. Comment inciter les détenteurs de données à ne plus en avoir l’accès exclusif, alors même que c’est le cœur de leur business model ? Quel sera le système d’analyse pour traiter la masse des données ? Et à supposer que l’on y arrive, il aura fallu trancher auparavant la question fondamentale de la vie privée. Parce que derrière un like, il y a moi, vous, nous. Et rien n’est moins certain que l’on accepte d’être mis sur le marché de façon aussi transparente…

David Batusanski

Illustrations : Benjamin Geffroy

Article paru dans la  revue digitale n°9 : La Data, et moi, et moi… émois ?

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