14 avril 2025

Temps de lecture : 3 min

« Un débat constructif et apaisé est encore possible entre des Français aux idées opposées », Laurence Szabason-Gilles (La Croix)

En novembre 2024, le quotidien « La Croix » et le média en ligne Brut proposaient à des Français aux idées opposées de se rencontrer pour faire connaissance. Un moyen de lutter contre la polarisation de la société et de favoriser le vivre-ensemble qui a déjà fait ses preuves à l’étranger. Explications avec Laurence Szabason-Gilles, directrice du marketing audience et du développement de marque chez La Croix. Sujet à retrouver dans la revue INfluencia sur le thème "Faire société".

INfluencia : Quel est le principe de l’opération « Faut qu’on parle » ?

Laurence Szabason-Gilles : L’idée est de redécouvrir qu’on peut vivre ensemble, fréquenter des gens avec qui on n’est pas d’accord sur tout, et de montrer qu’un débat constructif et apaisé est encore possible entre des Français aux idées opposées. Quant à la mécanique de l’opération, elle est très simple : sur notre site, nous avons posé une série de questions polarisantes aux lecteurs, directement au sein de nos articles, comme par exemple « Peut-on s’aimer et avoir des idées politiques opposées ? » Les participants y répondaient, puis un algorithme – fourni par l’ONG My Country Talks – les mettait en relation avec des personnes ayant des opinions opposées habitant à moins de 30 km de chez eux. C’est un peu paradoxal, mais pour lutter contre les bulles algorithmiques, on s’appuie sur un algorithme ! Nous avons ensuite proposé une date de rendez-vous (le 23 novembre 2024) et fourni un guide de conversation afin de donner un cadre et aider à mener des discussions les plus riches et respectueuses possibles. L’objectif n’est pas que les participants débattent de leurs opinions, mais qu’ils fassent connaissance puisque le but est de créer des rencontres et des discussions libres. En France, plus de 6300 Français ont participé à la première édition, fin 2024.

IN. : Comment est née cette initiative ?

L. S-G : Le concept a été initialement lancé par Die Zeit en Allemagne il y a une dizaine d’années. Le succès ayant été au rendez-vous, My Country Talks a été créé afin de faire rayonner cette initiative citoyenne dans d’autres pays. À ce jour, plus de trente pays ont participé, mais étonnamment aucun pays francophone, où l’ONG cherchait justement à déployer l’initiative pour la première fois. L’idée est alors venue à La Croix de porter le projet par le biais du fonds de dotation Bayard – Agir pour une société du lien. Ce fonds a été créé en 2022 lorsque le groupe Bayard – auquel le quotidien La Croix appartient – est devenu une société à mission, afin de contribuer à favoriser le lien social, et travaille avec un partenaire marseillais, La Fabrique du Nous, lui-même en contact avec My Country Talks. Or, ce projet correspondait parfaitement à notre mission de créer des liens fertiles. C’est donc tout naturellement que La Croix s’est trouvée engagée dans cette aventure, en tant que média national d’information du groupe Bayard.

IN. : Pourquoi avoir choisi de vous associer avec Brut pour ce projet ?

L. S-G : L’une des demandes de My Country Talks était que l’opération soit lancée avec au moins deux médias nationaux. Nous avons choisi Brut pour la simple raison que c’est un média très complémentaire du nôtre, notamment en termes d’âge et de mode de consommation de l’information. Ce partenariat nous permet de toucher des publics variés, ce qui est essentiel, puisque l’objectif est justement de faire se rencontrer des personnes qui ne se croiseraient pas naturellement.

C’est un peu paradoxal, mais pour lutter contre les bulles algorithmiques, on s’appuie sur un algorithme !

Les équipes de Brut ont été emballées et ont accepté tout de suite. Nous avons donc présenté le projet ensemble à My Country Talks. À noter que dans le futur, nous pourrons proposer à d’autres médias de se joindre à l’initiative. Dans certains pays, des dizaines de médias ont participé.

IN. : Justement, quel a été l’impact de My Country Talk dans les pays où l’opération a été organisée ?

L.S-G : En Allemagne, Harvard et la Stanford University ont mené une enquête suite à l’édition de 2021 : 80% des participants ont été très heureux de leur échange, 73% ont affirmé mieux comprendre les positions de leurs interlocuteurs après la discussion et 60% ont même gardé le contact par la suite. 90% indiquent qu’ils participeraient volontiers à nouveau. D’ailleurs, depuis 2017, l’opération a été reconduite à plusieurs reprises en Allemagne, avec 65000 participants au total. En plus des différentes éditions nationales, il y a aussi eu des Europe Talks, à l’échelle paneuropéenne, qui ont réuni 59 000 personnes de 30 pays. Dans le monde, l’initiative a déjà touché près de 300 000 volontaires dans plus d’une centaine de pays.

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