13 novembre 2022

Temps de lecture : 3 min

Twitter en a fini avec le concept de neutralité politique.

Depuis son rachat par Elon Musk le 28 octobre dernier, Twitter n’en finit plus de faire parler de lui et presque uniquement pour les mauvaises raisons. Le dernier rebondissement, et non des moindres, semble être le tweet de son nouveau patron qui incitait les électeurs américains à voter républicain pendant les midterms. De quoi annihiler pour de bon le concept de neutralité au sein de la plateforme ?

 

Lundi dernier, Elon Musk, le nouveau propriétaire de Twitter pour la modique somme de 44 milliards d’euros – mais l’on ne vous apprend rien – s’adressait via la plateforme aux « électeurs indépendants » américains pour les inciter à voter républicain lors des élections des midterms. Il déclarait dans un tweet qui comptabilisera des centaines de milliers de likes la veille du vote final, sacré timing : « Le partage du pouvoir freine les pires excès des deux partis, c’est pourquoi je recommande de voter pour le parti républicain, étant donné que la présidence est démocrate ». À la vue des résultats, bien plus en faveur du partie démocrate qu’anticipé, on est loin du faiseur de rois que redoutaient certains.

Pourtant, en se déclarant publiquement en faveur d’un parti politique, il a choisi – de manière éclairée ? – de s’immiscer dans le débat politique en tranchant net avec les us et coutumes des dirigeant historiques de la tech. Tout comme eux, il serait logique de penser que se priver de la moitié de son audience par pure idéologie politique en assimilant sa plateforme à un camp plutôt qu’à un autre n’est jamais bon pour les affaires. Surtout, cette déclaration nous amène à questionner, à la manière de Jennifer Stromer-Galley, professeur à l’université de Syracuse au micro de CBS News, la capacité de l’oiseau bleu à garantir sa neutralité politique dans les années à venir : « Les réseaux sociaux ne sont pas de simples entreprises. Ils constituent notre sphère publique numérique », notre agora. Quand leurs dirigeants choisissent d’ « outrepasser » leurs fonctions et de les utiliser pour servir leur propre agenda « on a l’impression que cela peut potentiellement fausser notre démocratie ».

L’oiseau fait son nid

Dans le même cas de figure, on serait en droit de penser que Vincent Bolloré, qui possède le groupe Canal plus, profite de ses organes de presse pour faire davantage porter sa voix. Or, comme l’expliquait Charles Anthony Smith, professeur de sciences politiques et de droit à l’université de Californie, à propos du groupe Fox News possédé par Rupert Murdoch mais parfaitement applicable à notre cas français : « la différence est que cette voix est filtrée par toute une série de personnalités à l’antenne » et que de nombreux paramètres, notamment économiques, sont pris en compte pour façonner le discours médiatique du jour. Pour lui : « ce n’est plus vraiment Rupert Murdoch qui s’adresse aux téléspectateurs. Ce sont peut-être des gens qui sont d’accord avec lui sur certaines choses, mais c’est filtré par d’autres voix ». Un argument qu’il convient de nuancer, surtout quand on observe ce qui se passe sur CNews et sur C8 quand Cyril Hanouna est aux commandes… Mais il est indiscutable qu’un tweet sera toujours plus incarné par son auteur qu’un journal télévisé ne sera orienté par le patron de la chaine.

Cet appel au vote d’Elon Musk intervient alors qu’il cherche à refondre son nouveau joujou, financièrement déjà, avec l’annonce du futur abonnement à huit dollars qui vous permettra d’arborer le magnifique badge de certification pour éviter que ses algorithmes ne censurent votre parole – dans les jeux vidéo, on appelle cela du pay to win –, structurellement ensuite, à coup de licenciement massifs depuis la semaine dernière. Ces nombreux départs pourraient finir par affaiblir la plateforme et l’empêcher de modérer convenablement ses contenus. Une situation d’autant plus inquiétante que de nombreux électeurs et figures de proue du partie républicain qui se sentent lésées par le résultat des élections sont déjà en train de désinformer leur audience.

Fais ce que je dis, pas ce que je dis

Comme nous l’avons déjà expliqué, les patrons de la Silicon Valley ont toujours botté politiquement en touche dans leur manière de modérer leurs contenus pour attirer le plus d’annonceurs et d’utilisateurs possibles. Elon Musk ne dérogeait pas à la règle en avril dernier au moment d’annoncer pour la première fois son intention de racheter Twitter : « Pour que la plateforme mérite la confiance du public, elle doit être politiquement neutre, ce qui signifie effectivement bouleverser l’extrême droite et l’extrême gauche de manière égale ». Le comble. Encore lundi dernier, Twitter ne s’était pas privé de rajouter à ses politiques internes une interdiction de « manipuler ou d’interférer dans les élections ou autres processus civiques ».

Pourtant, début 2016, un ancien modérateur de contenu ébranlait pour la première fois ce soi-disant status quo en affirmant que Facebook minimisait à coup de magouilles algorithmiques la portée des posts à destination des conservateurs et stimulait artificiellement les publications de comptes démocrates. Alors pour rassurer sa nouvelle audience quant à sa volonté de « rester dans le droit chemin » Musk, à plusieurs reprises, s’est permis d’emboiter le pas de nombreuses personnalités de droite et d’extrême droite, notamment brésiliennes, qui appelaient à un assouplissement des règles de Twitter en matière de désinformation et de discours de haine. Un petit pas pour la liberté d’expression, un bon de géant dans la banalisation des idées d’extrême droite. Mais que peut on faire face à la sacro-sainte liberté d’expression ?

 

 

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