29 juin 2023

Temps de lecture : 4 min

Twitch, la force tranquille

Symbolisé par les performances du mastodonte Twitch (6 à 7 millions d’utilisateurs mensuels en France*, dont 71 % ont moins de 35 ans), le phénomène live stream continue sa montée en puissance et s’est ouvert à de nouveaux territoires, au-delà du gaming, jusque-là privilégié. Pop culture, tech, food, musique ou politique, Twitch est devenu un compagnon dans la vie des jeunes et abreuve leur soif de contenus. Au point de réinventer la télé ?

« Twitch est ma télé, YouTube ma VOD. » Cette citation de Romain S., 26 ans, lors d’un événement organisé par Webedia en mars dernier, résume à elle seule la tendance de fond sur l’évolution de la consommation des médias. « Nous pensons que Twitch – avec des formats dépassant parfois plus de 2 heures de live – pourrait gagner la bataille de l’attention auprès des jeunes générations », reconnaît Michèle Benzeno, directrice générale du groupe Webedia, qui ambitionne de devenir le premier producteur européen sur Twitch. « Il n’y a pas si longtemps, Twitch, c’était une plateforme qui s’adressait aux gamers. Aujourd’hui on parle de “télévision interactive” pour les jeunes parce qu’on y trouve une multitude de formats : des talks, du sport, de la politique, de l’entertainment, du food, du lifestyle, etc. Twitch est vraiment rentré dans les usages », rappelle-t-elle. Marion Bories, directrice des études, ajoute : « Il y a une dizaine d’années, on pensait que le live n’allait pas résister et que le replay allait tout emporter sur son passage. Ce n’est pas ce qui s’est passé. En fait, le live digital est devenu un complément au live TV. »

 

Pourquoi cet attrait ? « Le live digital, Twitch notamment, représente aujourd’hui une consommation de contenus audiovisuels à part entière et à fort potentiel, notamment pour les jeunes générations, et offre une capacité à susciter de l’engagement pour un média qui n’est pas asynchrone », explique Corentin Fabregue, planneur au sein de l’agence Castor & Pollux. Marion Bories ajoute : « Le live digital combine de nombreux atouts : le premier est l’aspect interactif et participatif, avec des audiences qui passent de spectateurs à acteurs, où les communautés viennent bien sûr pour échanger avec le créateur mais aussi pour échanger entre elles, en choisissant le contenu. Le deuxième est la création d’une culture commune pour une génération qui décide en live de ce que seront ses souvenirs communs et de ce qui deviendra viral. Troisième atout : la fraîcheur et l’authenticité, car c’est un “endroit” où chacun peut se lancer, développer une parole naturelle et transparente ». Et elle insiste : « C’est une espèce de “radio libre”, où l’on va pouvoir parler franchement et avec profondeur, puisque la longueur des programmes sur Twitch n’est pas définie. On pourrait presque parler de “métamédia”, car beaucoup d’analyses, de débats et de critiques y naissent. » Et enfin le live stream est porté par des personnalités charismatiques, comme Domingo, Gotaga, Amine, Kameto… qui sont au cœur de ces plateformes.

 

« Twitch permet de créer une culture commune pour une génération qui décide en live de ce que seront ses souvenirs communs et de ce qui deviendra viral. »

2023, année de la consécration ?

Twitch n’a peut-être pas la croissance exponentielle en termes d’utilisateurs d’un TikTok, mais il accueille des millions d’utilisateurs supplémentaires chaque année. « On est aujourd’hui, selon les mois, entre 6 et 7 millions d’utilisateurs en France, et des centaines de millions dans le monde », révèle Raoul Leibel, directeur Webedia Livestream. Les performances d’audience du live stream, notamment sur Twitch, sont de plus en plus remarquables et peuvent être comparées aux grands shows life ou sportifs qu’on peut retrouver dans les grands médias classiques. Pour preuve les productions événementielles réunissant des personnalités d’Internet ou créateurs de contenu comme l’Eleven All Stars (1,155 million de viewers simultanés pour le tournoi de foot qui se déroulait à guichet fermé à Jean-Bouin en novembre 2022) ou le GP Explorer (un million de viewers pour la course de Formule 4 organisée au Mans un mois auparavant) ; ou ces événements de mobilisation communautaire (le ZEvent soutient des associations caritatives et a récolté plus de 10 millions d’euros en 2022) ou encore ces phénomènes que sont devenus les Popcorn festival et Pixel War. « Durant le live du 3v3 Contest, un tournoi de basket organisé en mai 2023 par Domingo avec notamment Tony Parker et diffusé sur sa chaîne Twitch, il y a eu presque 420 000 viewers. C’est plus que de nombreuses émissions à la télévision », commente Corentin Fabregue. Sans oublier que Twitch reste un médium à part entière sur lequel est diffusé du contenu live, mais qui vit sur toutes les autres plateformes, le replay est sur YouTube et les commentaires des audiences se passent sur Twitter.

 

Alors que ses audiences se rapprochent peu à peu des audiences TV, Twitch est-il donc pour autant la nouvelle télé ? Michèle Benzeno le répète : « Nous ne sommes pas en combat avec la TV linéaire mais en complémentarité. » « Plutôt qu’une TV nouvelle génération, Twitch est une TV des nouvelles générations. Si les deux univers conservent leurs différences, la principale étant l’âge de leur audience (30 ans en moyenne pour Twitch selon Médiamétrie, quand il est de 46 ans pour un programme comme Quotidien ou 50 ans pour TPMP), il y a effectivement des parallèles à faire : Puissance instantanée, logique de grille, qualité de production qui augmente », selon Marion Bories. « Des ponts se construisent entre la télévision et Twitch ; chacun se servant de l’autre. On trouve par exemple sur Twitch des contenus qui consistent à commenter ce qui s’est passé dans des émissions. Le chroniqueur Jean Massiet a pu réunir plusieurs milliers de viewers dans son émission Backseat devant le débriefing d’une interview d’Emmanuel Macron dont il avait obtenu l’autorisation de diffusion », ajoute Corentin Fabregue. De leur côté, certaines chaînes de télévision sont désormais présentes sur cette plateforme afin de toucher un public plus jeune, comme Arte, TF1 ou France Télévisions.

 

« Les audiences, l’intensité de l’engagement (95 % des réactions aux live sont positives ou neutres) et la créativité des contenus n’ont pas échappé aux marques. »

 

Un boulevard pour les marques

Les audiences, l’intensité de l’engagement (95 % des réactions aux live sont positives ou neutres) et la créativité des contenus n’ont pas échappé aux marques qui arrivent sur la plateforme, par exemple Decathlon qui parraine certaines opérations depuis 2019 ou Adidas qui travaille à l’année avec le streameur Domingo. « La consommation du live bénéficie directement aux marques et annonceurs qui s’y associent. En 2022, le top 100 des streameurs Twitch a publié 1 317 contenus sponsorisés par une marque. En moyenne, ceux-ci durent 3 h 20 et rassemblent 22,5 k viewers uniques. Les formats live permettent également de créer la discussion, puisqu’en moyenne 7 % à 15 % des viewers vont s’exprimer dans le chat, avec des pics à 35 % pour les top streamers », révèle Quentin Gressien, CEO de The Metrics Factory, qui ajoute : « Selon nos études, les marques ayant une stratégie long terme sur le live streaming arrivent à renforcer leur notoriété, et à travailler des items de modernité et d’innovation. »

Et demain ? Pour les experts de Webedia, la plateforme Twitch est un phénomène parti « pour durer, muer et surtout se déployer ». Elle conservera une forte teinte gaming historique, mais avec une émergence de nouveaux formats et de nouvelles thématiques (cuisine, cinéma, sport). Enfin, de nouveaux visages issus d’autres univers (médiatique, politique, sportif) feront leur apparition aux côtés des figures originelles de Twitch. « Et plus la plateforme évolue, plus c’est intéressant pour davantage de marques », conclut Nicolas Arsonneaud, directeur des opérations chez Influence4You.

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