11 septembre 2023

Temps de lecture : 9 min

« Toute révolution implique des pertes qui sont en fait de nouvelles opportunités », Paul Goldbaum (Seedtag)

Au printemps dernier, Seedtag annonçait l’arrivée sur le marché de la première IA générative de l’industrie Adtech proposant des créations dynamiques et contextuelles. Cette nouvelle technologie s’appelle LIZ, et  analyse le contexte dans lequel une publicité va être diffusée. Ensuite, grâce à son intégration avec l’IA générative, elle peut modifier la création pour l’adapter à l’environnement. L’occasion, pour INfluencia de converser avec Paul Goldbaum, CTO de Seedtag, de la révolution technologique, qui est en marche à tous les niveaux de l’industrie et de ses conséquences pour l’avenir.

l’IA nous obligera à repenser une partie de notre main-d’œuvre car les emplois les moins qualifiés deviennent plus faciles à automatiser.

INfluencia: que vous inspirent les annonces fracassantes sur l’IA, son arrivée soudaine auprès du grand public, la possibilité de la tester, les peurs des uns, les réflexions immédiates, que va devenir mon métier? ne sont-elles pas anxiogènes?
 Paul Goldbaum : en fait, je suis très enthousiaste quant à l’impact que les LLM (Grand modèle de langage) et l’IA (Intelligence artificielle) peuvent avoir sur notre société. Nous voyons qu’il existe déjà de nombreuses applications : pour aider à rédiger un texte, une présentation, résumer une conférence vidéo en direct ou bien pour aider dans la recherche d’un sujet, écrire du code de programmation… Les possibilités sont infinies et les entreprises de tous les secteurs en voient déjà les avantages en termes de productivité et de nouveaux cas d’utilisation pour leurs produits. Cette évolution permet aux utilisateurs finaux et aux professionnels d’interagir avec la technologie d’une manière beaucoup plus naturelle et intuitive et de mettre les ordinateurs et les applications encore mieux au service de leurs utilisateurs.
88% des développeurs interrogés ont déclaré qu’ils se sentaient plus productifs et 74% ont exprimé qu’ils pouvaient se concentrer sur les parties les plus satisfaisantes de leur travail, ce qui a conduit à une plus grande satisfaction.
Comme pour les autres grandes avancées technologiques de l’Histoire, l’IA nous obligera à repenser une partie de notre main-d’œuvre car les emplois les moins qualifiés deviennent plus faciles à automatiser. De plus en plus de personnes se tourneront vers un travail plus créatif qui consistera à fournir des avis d’experts et à guider des machines toujours plus intelligentes pour effectuer les tâches les plus répétitives. Nous observons déjà ce phénomène dans des domaines tels que la programmation juridique. Par exemple, dans une étude mesurant l’impact de Github Copilot [ici], un outil qui permet aux programmeurs de générer des parties de code grâce aux LLM, 88% des développeurs interrogés ont déclaré qu’ils se sentaient plus productifs et 74% ont exprimé qu’ils pouvaient se concentrer sur les parties les plus satisfaisantes de leur travail, ce qui a conduit à une plus grande satisfaction. Il existe aussi, bien-sûr, des utilisations négatives de cette technologie, par exemple en permettant à des sites de faible qualité de produire du contenu à grande échelle sans intervention humaine ou presque. Le problème  est qu’un volume plus important de trafic de recherche sera dirigé vers ces mêmes sites, car ils seront spécifiquement conçus pour être particulièrement bien positionnés dans les moteurs de recherche. Mais ce type de contenu est également très facile à détecter par un humain, car il est généralement très vague et verbeux. Pour moi, cela ne fait que renforcer l’importance pour les éditeurs de continuer à se différencier en produisant un contenu de haute qualité auquel leurs lecteurs reviennent sans cesse.

toute cette expérimentation publique crée également de nouvelles idées qui, à leur tour, façonnent le cours de cette technologie beaucoup plus rapidement que si son développement était effectué en secret par les grandes entreprises.

IN. : les nouveautés ont-elles toujours été « envoyées » aux individus comme s’ils étaient des cobayes?

P.G. : il est fondamental que le développement de ce type de technologies se fasse au grand jour et que les gens puissent les essayer le plus tôt possible. Il est déjà incroyable de voir les nombreuses applications que les gens ont trouvées pour les LLM alors qu’elles n’en sont qu’à leurs débuts. Cela me semble être un excellent signe de ce qui est à venir. En outre, toute cette expérimentation publique crée également de nouvelles idées qui, à leur tour, façonnent le cours de cette technologie beaucoup plus rapidement que si son développement était effectué en secret par les grandes entreprises.

Et à nouveau, nous n’en sommes qu’au début de l’aventure, de ce que cela peut potentiellement devenir. Si nous finissons par avoir des systèmes d’Artificial General Intelligence (AGI), les implications sur la façon dont nous envisageons le travail et la vie en général seront importantes. Avant qu’elles ne deviennent des problèmes réels, il sera essentiel d’amener les citoyens et les gouvernements à réfléchir à ces questions afin de garantir que le développement de ces technologies se fasse d’une manière qui profite à l’ensemble de notre société et que nous ayons le temps de nous y adapter.

IN. : au mois d’août dernier, même leurs « créateurs » ou des géants de la tech prévenaient des dangers de la mettre à disposition du plus grand nombre. N’est-ce pas troublant?

P.G. : je ne crois pas que  le fait de dissimuler les potentiels dangers changerait les choses de manière significative. La communauté a déjà proposé des modèles très performants qui ont été développés en dehors des grandes entreprises technologiques. L’inconvénient de ces modèles c’est qu’ils ne disposent généralement pas de dispositifs de sécurité comme c’est le cas de ceux  des modèles plus performants produits par les grandes entreprises technologiques. C’est pour cela qu’ils peuvent donc présenter des problèmes tels que des biais ou être plus enclins à “halluciner”, ce phénomène par lequel les LLM renvoient de fausses informations comme si elles étaient réelles. Le fait que les grandes entreprises de la tech les mettent à disposition nous permet d’avoir une chance que leurs modèles, qui sont de meilleure qualité, soient ceux qui seront les plus largement utilisés, et donc de donner aux gens une meilleure expérience lors de l’utilisation de la technologie.

Le fait que les grandes entreprises de la tech les mettent à disposition nous permet d’avoir une chance que leurs modèles, qui sont de meilleure qualité, soient ceux qui seront les plus largement utilisés, et donc de donner aux gens une meilleure expérience lors de l’utilisation de la technologie.

IN. : ces problèmes d’éthique se posent-elles dans votre métier ? Parlez- nous de Seedtag, de son histoire, et de sa mission?

P.G. : Seedtag est l’une des startups européennes à la croissance la plus rapide, ayant levé l’année dernière plus de 250 millions d’euros auprès du fond international PE Advent Capital. L’entreprise a été fondée en 2014 par deux anciens de Google  et compte aujourd’hui plus de 450 employés dans 15 pays. Au cœur de Seedtag se trouve Liz, notre technologie d’IA contextuelle. Nous apportons notre connaissance approfondie de la publicité contextuelle pour tirer parti d’algorithmes d’IA avancés et de l’apprentissage automatique pour un ciblage publicitaire précis. Notre IA permet le traitement du langage naturel, la vision par ordinateur et l’analyse au niveau du réseau afin d’obtenir des informations exploitables à partir de grandes quantités de données web.

IN. : vous annoncez l’arrivée de cette technologie qui utilise l’IA contextuelle, pouvez-vous nous expliquer?

P.G. : d’un côté, nous avons le DPO (Dynamic placement optimization), une technologie qui garantit que les publicités sont diffusées dans les emplacements qui captent le mieux l’attention de l’utilisateur, et ce sans utiliser de cookies tiers. Grâce à la DPO, nous nous assurons que nos marques partenaires ne manquent aucun contenu pertinent pour intégrer leurs messages et positionner leur marque. D’autre part, nous avons récemment annoncé l’intégration de notre technologie propriétaire d’IA contextuelle, nommée Liz, avec des plateformes d’IA générative. Cela nous permet de modifier les créations originales fournies par le client, en veillant à ce qu’elles s’intègrent parfaitement au contexte de la page web dans laquelle elles seront affichées.

IN. :  Liz peut modifier la création pour l’adapter à l’environnement… C’est à dire…

P.G. :  imaginez une publicité pour une voiture placée de manière transparente dans un paysage urbain animé, s’inscrivant parfaitement dans un contexte « professionnel ». Ces créations contextuelles permettent aux marques de captiver leur public et de se démarquer de la concurrence. Elles changent la donne dans la bataille permanente de l’attention en débloquant des résultats sans précédent et en transformant l’efficacité de la publicité.

les équipes créatives continueront à jouer un rôle clé dans le processus de conception.

IN. : le terme de « création » n’est-il pas utilisé aujourd’hui un peu à l’emporte pièce. Concrètement dans ce cas, qu’est-ce que la création?

P.G. : l’équipe de conception interne de Seedtag suit un processus de validation créatif rigoureux afin que les annonceurs puissent être sûrs de recevoir des créations sur mesure, à fort impact, qui transmettent efficacement le message de leur marque, et qui soient surtout fidèles à ses valeurs Il est important de préciser que nous ne travaillons pas à partir de rien mais nous modifions des créations existantes fournies par la marque, afin de nous assurer qu’elles s’intègrent encore mieux dans le contexte qui les accueille. Ensuite, notre équipe de conception ajoute la touche finale avec des animations et des interactions qui captivent et attirent l’utilisateur et l’invitent à se concentrer sur la publicité. Nous ne voulons pas que l’IA générative remplace les designers, et les équipes créatives continueront à jouer un rôle clé dans le processus de conception.

IN. : qu’appelez-vous « le brief créatif de la marque »? Pouvez-vous nous donner un exemple précis que vous avez dû traiter?

P.G. : concrètement,  le “brief créatif de la marque” est ce dont la marque a besoin et ce qui déterminera les instructions données à l’IA générative. Pour produire une image à partir d’une IA Prompt, vous demandez à l’outil ce à quoi vous aimeriez que l’image ressemble. Nous avons donc entraîné notre IA contextuelle, Liz, à créer les bonnes instructions pour les plateformes d’IA générative en se basant sur l’analyse du contexte dans lequel la création sera placée ainsi que sur le brief du client. Les informations extraites de cette analyse nous permettent de développer ensuite une stratégie créative détaillée avec nos marques, en nous aidant à créer des créations contextuelles à fort impact pour les différents contextes identifiés par Liz, et en les plaçant là où les utilisateurs seront les plus réceptifs.

IN. : comment parvenez-vous à mettre en relation la créativité publicitaire et l’accélération des ventes?

P.G. : une publicité efficace se distingue de la concurrence par l’utilisation de formats et de moyens inattendus. Et c’est précisément ce qu’offrent les créations Seedtag. Grâce à la possibilité de générer plusieurs versions d’une même publicité, les marques peuvent maximiser leur impact et exploiter leurs créations originales dans divers contextes. Cette flexibilité permet non seulement au studio de création de la marque d’économiser du temps et des ressources, mais aussi de s’adapter parfaitement à l’environnement d’hébergement, ce qui tend à produire une accélération des ventes.

la publicité contextuelle opère un tri, fait figure de filtre et permet de considérer les contenus comme des compléments précieux, plutôt que des interruptions de parcours.

IN. : à une époque où « consommer » n’est plus le maître mot, quelle est votre position sur la question? N’êtes-vous pas confronté à un dilemme?

P.G. : je pense que davantage que ne plus consommer, le maître mot aujourd’hui est de mieux consommer. Avec internet et les réseaux sociaux, les gens ont accès à une quantité impressionnante de contenu. Le problème devient alors : comment trier avec autant de contenu à disposition ? Plutôt que d’être exposés à un scroll sans fin de possibilités dans un volume de contenus exponentiel, les consommateurs préfèrent des publicités en lien avec leurs intérêts et leurs attentes. Cette tendance a ouvert la voie à des expériences publicitaires plus personnalisées et plus pertinentes. La publicité contextuelle opère un tri, fait figure de filtre et leur permet de considérer les contenus comme des compléments précieux, plutôt que des interruptions dans leurs parcours.

IN. : quels sont les secteurs selon vous qui vont être impactés positivement par l’IA générative?

P.G. : il s’agit d’un changement qui aura un impact positif sur pratiquement tous les secteurs, car ses applications sont très vastes. La façon dont les gens interagissent avec leur ordinateur, dont ils trouvent des informations, dont ils produisent des contenus écrits et visuels va radicalement changer, et ces aspects sont si fondamentaux que je pense que la plupart des gens en bénéficieront.

IN. : ceux qui vont en souffrir?

P.G. : principalement les secteurs qui reposent sur des tâches essentiellement répétitives avec peu ou pas de composante créative, tels que la saisie de données ou certains emplois administratifs.

C’est la créativité humaine qui la guide et qui lui permet d’être réellement puissante et c’est pourquoi je suis convaincu que l’IA générative sera un moyen d’améliorer l’expérience et la productivité des travailleurs dans les années à venir.

IN. : que dites-vous à ceux qui ont peur pour le métier qu’ils exercent?

P.G.: aujourd’hui, nous n’en sommes pas encore au stade où ces technologies peuvent réellement remplacer les humains dans la plupart des cas sans une perte significative de la qualité du produit final. Même si cette technologie s’améliore, l’IA générative ne produit au fond que des contenus qui ressemblent de manière convaincante à des contenus qu’elle a déjà vus auparavant. C’est la créativité humaine qui la guide et qui lui permet d’être réellement puissante et c’est pourquoi je suis convaincu que l’IA générative sera un moyen d’améliorer l’expérience et la productivité des travailleurs dans les années à venir.

IN. : une révolution peut-elle exister sans qu’il y ait de la casse?

P.G. :  lorsque quelque chose d’aussi révolutionnaire se produit, il est difficile de ne pas procéder à des ajustements au niveau mondial, car de nouvelles possibilités apparaissent et notre attention se déplace de certains sujets vers d’autres. C’est difficile de prévoir ce que cela signifiera mais dans le cas présent, je suis très optimiste quant au fait que ces “pertes” seront en fait de nouvelles opportunités.

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