19 juin 2019

Temps de lecture : 3 min

Tout se vend, même un tableau de Hitler, ou quand la morbidité fascine

Les œuvres peintes par le dictateur ou les objets lui ayant appartenus séduisent de nombreux collectionneurs malgré le nombre de faux très élevé qui circulent sur ce marché.

Les œuvres peintes par le dictateur ou les objets lui ayant appartenus séduisent de nombreux collectionneurs malgré le nombre de faux très élevé qui circulent sur ce marché.

« Le grand ennemi de l’art, c’est le bon goût » avait l’habitude de répéter le peintre, plasticien et homme de lettres Marcel Duchamp. Une passion pour un artiste et ses œuvres ne se discute pas. Mais quoi dire lorsque la personne derrière le pinceau s’appelle… Adolf Hitler ? Certains experts estiment que le dictateur nazi auraient peint entre 2000 et 3000 tableaux durant ses jeunes années, un chiffre aujourd’hui jugé trop élevé. Hitler rêvait en effet de devenir un artiste connu et reconnu. Refoulé à l’examen d’entrée de l’Académie des beaux-arts de Vienne, il continuera de peindre pendant plusieurs années. « Hitler réalisait invariablement des copies, allant parfois chercher ses sujets dans les musées ou les galeries », raconte Ian Kershaw dans sa biographie du Führer qui fait référence. Au milieu des années 1930, les archives principales du NSDAP ont tenté d’enregistrer toutes les images d’Hitler circulant à l’époque. Parmi les cinquante aquarelles et dessins acquis par la formation nazie, trente-trois sont actuellement conservés aux Archives fédérales de Berlin. Des chercheurs ont depuis révélé que plusieurs toiles étaient des faux.

Buzz médiatique

La fascination malsaine que certains collectionneurs ont toujours eu pour les dictateurs a en effet attiré des faussaires qui ont compris les gains qu’ils pouvaient tirer de la vente d’œuvres prétendument attribuées à des dirigeants sanguinaires. Dès l’arrivée du chef du parti national-socialiste au poste de chancelier du Reich, des copies ont ainsi commencé à circuler sur le marché de l’art. Son ancien associé, Reinhold Hanisch, a écoulé des faux en toute connaissance de cause. Konrad Kujau est, lui, parvenu en 1983 à vendre 9,3 millions de Deutsche Marks (4,75 M€) au magazine Stern les prétendus « Carnets d’Hitler » qu’il avait lui-même écrit. En février 2019, la police a saisi 63 oeuvres signées « A. H. » ou « A. Hitler » en raison de doute sur leur authenticité. Ces scandales n’empêchent pourtant pas les prix de monter. « Il y a une longue tradition pour ce commerce de dévotion avec le nazisme. À chaque fois, il y a un buzz médiatique autour et les prix qu’ils obtiennent montent continuellement »,  expliquait à RTL Stephan Klingen, de l’Institut central d’histoire de l’art de Munich.

En novembre 2014, une aquarelle intitulée « Standesamt und Altes Rathaus Muenchen » (« L’Office d’état civil et la vieille mairie de Munich ») prétendument peinte par Hitler a été achetée 130.000 euros lors d’une vente aux enchères par un acheteur qui a souhaité rester anonyme. Cinq autres toiles de l’ancien leader nazi avaient également été attribuées ce jour-là pour des sommes comprises entre 5000 et 80.000 euros. La même maison est parvenue à vendre l’année suivante quatorze œuvres du dirigeant pour un montant total de 400.000 euros.

Les Américains en raffolent

Les articles les plus recherchés sont ceux qui ont été peints ou qui ont appartenus à Adolf Hitler en personne. En mars 2016, un exemplaire du livre « Mein Kampf » ayant appartenu à son auteur s’est vendu 20.655 dollars lors d’une vente aux enchères aux Etats-Unis alors que les estimations des spécialistes tablaient sur un prix compris entre 12.000 et 15.000 dollars. Deux ans plus tôt, deux exemplaires rares du même ouvrage signés par Hitler avant son arrivée au pouvoir avaient trouvé preneur pour la somme de 64.850 dollars.

Les Américains apprécient particulièrement ces pièces. En septembre 2013, la maison Auctioneers Alexander Historical Auctions a ainsi vendu 55.000 dollars une ancienne bague du Führer qui possédait à son sommet une croix gammée en rubis. Une épingle à cravate d’Hermann Göring a, elle, été achetée 17.000 dollars. D’autres souvenirs comme une réplique du bâton de maréchal d’Erwin Rommel, une fourchette à dessert d’Hitler et une photo dédicacée du « docteur » d’Auschwitz Josef Mengele ainsi qu’un plan détaillé du camp de concentration de Sachsenhausen ont également trouvé preneur. Le site de vente sur la Toile eBay a, pour sa part, retiré de sa plateforme l’ancienne Mercedes 540K Cabriolet B d’Herman Goering. Le bon goût peut parfois prendre le dessus sur l’amour de l’art. Désolé M. Duchamp…

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