2 février 2023

Temps de lecture : 4 min

TotalEnergies recale Cash Investigation et se ridiculise sur les réseaux sociaux

Trois associations de protection de l’environnement, ainsi que le parquet de Nanterre, ont déposé plainte contre le géant français du pétrole pour usage de « pratiques commerciales trompeuses ». Une accusation formelle de greenwashing dont le groupe s’est également – très mal – défendu auprès de l’émission Cash Investigation. Rappel des faits.

« Les temps sont agités pour TotalEnergies », avouait lui-même Patrick Pouyanné, PDG du groupe pétrolier, dans une interview accordée aux Échos la semaine dernière. Question de karma… ou simplement de logique quand on considère la situation environnementale actuelle. Les écolo-consommateurs – si tant est qu’on nous permette ce barbarisme – et les ONG ne laisseront plus passer l’impardonnable. Une réalité à laquelle bon nombre d’entreprises qui baignaient jusque-là dans un sentiment d’impunité vont devoir réagir à grande vitesse. Sinon… c’est le bâton.

Le 26 janvier dernier, l’AFP apprenait par une source proche du dossier, une information confirmée depuis par le parquet de Nanterre, sur le fait que la multinationale pétrolière française était visée par une enquête pour « pratiques commerciales trompeuses » dans le domaine de l’environnement. Cette enquête avait été ouverte à la suite d’une plainte au pénal, en octobre 2020, de plusieurs associations de défense de l’environnement.

 

 

Cachez cette instruction que je ne saurais voir

Ces dernières accusaient notamment la multinationale des faits de « destruction, dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui et complicité » qui seraient dues aux activités extractives de TotalEnergies. Au printemps 2022, le même collectif d’associations, composé de Wild Legal, Sea Sheperd France et Darwin Climax Coalitions, déposait une nouvelle plainte, reprochant au groupe « d’autres pratiques » à l’origine selon les parties plaignantes, « d’un écocide », a précisé le ministère public. Une nouvelle plainte qui, au moment où l’on écrit ces lignes, n’a pas encore provoqué l’ouverture d’une enquête indépendante ou jointe aux investigations en cours.

Cette deuxième plainte du monde associatif, à l’image de celle formulée par le parquet de Nanterre, se focalise en priorité sur le délit potentiel de pratiques commerciales trompeuses, à savoir la communication du groupe promouvant sa stratégie climatique. Les trois associations soulignent « le fossé qui sépare les discours et la stratégie de communication du groupe Total en matière climatique » dont son fameux investissement massif dans des énergies fossiles est scandaleusement trompeur». William Bourdon, l’avocat de ces dernières affirme même, que : « Le greenwashing au nom du développement durable est un cynisme durable. Et que « l’insincérité des engagements de Total conduira nécessairement à un procès pour pratiques commerciales trompeuses ».

 

La jurisprudence qu’il nous faut

Du côté du parquet de Nanterre, le délit, une fois prouvé, ouvrirait la voie à des sanctions pour « greenwashing », ce qui serait une première en France. Jérôme Frignet, directeur des campagnes de communication de Greenpeace, racontait récemment comment Total s’efforçait de verdir son image en embellissant ses ambitions zéro carbone : « Le groupe promet d’atteindre une stratégie zéro net émission mais ses calculs incluent de la compensation. Affirmer que sur dix ou vingt ans, le groupe va capter tant de tonnes de CO2, reste théorique et n’engage que celui qui l’affirme ».  

Autre argument implacable : rien qu’en 2022, l’entreprise pétrolière a développé une vingtaine de nouveaux projets ayant trait à l’extraction de combustibles fossiles, alors même que l’IEA – l’Agence Internationale de l’Énergie – affirme que leur arrêt est essentiel pour atteindre la neutralité carbone. En ligne de mire de l’attention médiatique et des associations se trouve le projet Tilenga en Ouganda, -Le groupe prévoit d’ici 2025 la construction de 400 puits de forage-, prolongée par la réalisation d’un pipeline chauffé à 50 °C de plus de 1 400 km jusqu’en Tanzanie, le projet Eacop, -lui aussi vivement dénoncé par les écologistes locaux-. C’est dans ce contexte quelque peu explosif que l’émission Cash Investigation dévoilait jeudi dernier sur France 2 un nouveau numéro au titre évocateur : « Superprofits : les multinationales s’habillent en vert », réalisé par la journaliste Claire Tesson.

La preuve en faits

Parmi les mauvaises élèves citées, tels que BNP Paribas ou Nespresso, on vous laisse imaginer lequel a retenu tout particulièrement notre attention. Le reportage attaque dans le dur en épinglant la communication de Total qui avait diffusé des vidéos de quelques habitants dont le niveau de vie aurait été amélioré grâce à ses compensations financières… Le discours des agriculteurs sur le terrain est bien différent. Certains ne peuvent plus exploiter leurs terres depuis des années sans indemnisation à la hauteur. Un village ne pourra plus accéder à sa seule source d’eau. De son côté, le député européen Pierre Larrouturou, qui a enquêté sur le sujet, émet des soupçons à propos d’une apicultrice filmée par Total : il a constaté que ses ruches étaient vides. Pour lui, « toute la stratégie de Total est un énorme mensonge ». Aïe.

Mais si vous avez regardé le reportage, vous aurez constaté qu’aucun porte-parole du groupe n’était présent à l’écran pour défendre sa maison. Et pour cause : comme l’a précisé TotalEnergies sur sa page Linkedin un jour après la diffusion de l’émission : « Faute de conditions acceptables pour un débat objectif et contradictoire, nous avons dû décliner l’interview filmée ». Le post totalement lunaire en profitait pour relayer des réponses aux accusations formulées par l’émission « dans un souci de transparence ». Un communiqué illisible. Le déni de la question de fond, le projet Tilenga. Les internautes ne s’y sont pas trompés.

 

 

Concernant l’arsenal juridique à disposition de la justice pour faire plier TotalEnergies, on citera une peine d’emprisonnement hypothétique de deux ans et une amende de 300 000 euros. La loi prévoit par ailleurs la possibilité pour le juge d’ordonner l’affichage de la décision par tous moyens, tout comme la cessation de la pratique en question. Affaire à suivre…

 

 

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