9 juin 2022

Temps de lecture : 3 min

Théorie du donut : modèle économique d’un futur durable désirable

La théorie du donut a la simplicité de la complexité. Car derrière cette image gourmande se niche rien de moins que l’intégration systémique des enjeux sociaux et environnementaux aux modèles économiques de demain. Un changement de logiciel imaginé par Kate Raworth, la bien nommée « lady donut » qui n’a de cesse d’enfariner le dogme de la croissance infinie.

La prochaine fois que vous dégusterez un donut avec vos amis, dans un parc d’attraction ou à la plage, profitez de cet instant joyeusement sucré où les boucliers idéologiques sont à terre pour mentionner la théorie du donut. En partant d’un innocent beignet troué au glaçage savoureux, vous aurez un boulevard pour expliquer les limites du néolibéralisme sans jamais être hors sujet. Un véritable cheval de Troie aux allures de crédule anneau comestible dont la maternité revient à Kate Raworth, une économiste britannique formée à Oxford. Cette spécialiste des inégalités a été chercheuse pour le PNUD et l’ONG internationale Oxfam, avant de devenir enseignante en économie à Oxford et Cambridge. En 2017, elle couronne sa carrière avec La Théorie du Donut, l’économie de demain en 7 principes, un ouvrage qui s’envisage comme une contre-proposition ambitieuse à la pensée économique dominante. Le livre deviendra très vite un best seller et ironie de l’histoire, son livre sera sélectionné comme livre de l’année par le Financial Times et McKinsey Business.

Plancher social & plafond environnemental

Tout commence en 2008, lorsque Kate Raworth assiste à une conférence au sujet des neufs limites planétaires et de leurs dépassements. Habituée aux variables du travail (L) et du capital (C), l’économiste saisit vite le rôle central des ressources (R) dans l’économie. Ressources que l’économiste Jean-Baptiste Say, dès 1803 dans son Traité d’économie politique, exclut de l’équation libérale. Rompant avec la tradition classique, Kate Raworth allie ainsi les enjeux de justice sociale et environnementale autour d’un diagramme en forme de donut. Celle qui deviendra vite la « lady donut » envisage les bordures internes du donut comme les limites intérieures de notre société, c’est-à-dire les besoins essentiels de l’humanité pour atteindre l’épanouissement (santé, éducation, alimentation, logement, emploi, égalité des sexes, etc.). Ces limites intérieures sont appelées le plancher social, auquel s’ajoute, aux bordures extérieures du donut, le plafond environnemental, c’est-à-dire les limites de la planète (usage des sols, pollution chimique, acidification des océans, chute de la biodiversité, etc.). Et entre les limites extérieures et intérieures se dessine le fameux donut, un cercle concentrique que Raworth envisage comme un espace sûr et juste pour l’humanité.

Un modèle crédibilisé par la pandémie

Kate Raworth identifie plusieurs zones rouges de l’économie actuelle qui dépassent les limites sociales et planétaires. Sur le plancher social, les questions de santé publique, d’inégalités de genre et d’équité sociale et démocratique semblent les plus urgentes là où en matière de plafond environnemental, c’est le changement climatique, la perte de biodiversité et l’usage des sols qui sonnent l’alerte. La crise sanitaire a d’ailleurs révélé l’urgence à agir, que ce soit dans le creusement des inégalités ou dans la relance économique d’activités préjudiciables aux équilibres sociaux et planétaires. La question de la pleine santé fut également visibilisée par la pandémie, révélant le rôle crucial du plancher social dont parle Kate Raworth. L’économiste appelle en outre à changer de logiciel, celui du XXe siècle étant « injuste, défaillant et insoutenable ».

Prospérité plutôt que croissance

C’est pourquoi la lady donut invite à sortir du dogme de la croissance infinie, du PIB comme seule boussole dans un monde aux ressources épuisables et épuisées. L’économiste britannique privilégie la notion de prospérité et l’idée d’une croissance qui, à l’image du vivant, augmente avant de se stabiliser à maturité pour vivre dans la durée. Mais comment transformer l’économie pour prospérer sans croître ? À la différence des décroissants, Raworth ne fait pas de la baisse du PIB un élément central de sa théorie, notamment du fait des réticences sociales et des blocages politiques qui en découlent. Elle préfère le développement parallèle de nouveaux indicateurs qui se veulent circulaires et régénératifs, que ce soit par le recyclage, le réemploi, le partage, les énergies renouvelables… Tout l’inverse de la société industrielle qui est linéaire et dégénérative en ce que les ressources sont tout bonnement captées, transformées puis jetées. La lady donut insiste également sur la nécessité de redistribuer des richesses ultra concentrées. Aujourd’hui, les 1 % les plus riches de la planète détiennent 50 % des richesses mondiales et émettent deux fois plus de gaz à effet de serre que la moitié la plus pauvre de la population mondiale.

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