28 juin 2017

Temps de lecture : 3 min

Théâtre : de la pub avant les trois coups…

Ce qui devait arriver, arriva. Dans sa quête de nouveaux territoires d'expression, la pub débarque même maintenant dans les… théâtres. Crime de lèse majesté ou win-win inévitable ?

Ce qui devait arriver, arriva. Dans sa quête de nouveaux territoires d’expression, la pub débarque même maintenant dans les… théâtres. Crime de lèse majesté ou win-win inévitable ?

 » Ô rage ! ô désespoir ! ô publicité ennemie ! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? « . Voilà ce que pourrait donner une nouvelle version du Cid réécrite par un Pierre Corneille outré par l’impensable : l’arrivée de la pub sur les planches. La ligne rouge de l’intrusion publicitaire dans la culture est dépassée, les puristes crient au scandale pendant que Shakespeare et Molière se retournent dans leur tombe. Le rubicon est franchi par la nouvelle offre d’ODW Régie, qui propose donc aux annonceurs de diffuser leur spots sur un écran géant sur scène, les publicités étant entrecoupées de bandes-annonces de spectacles de la même salle.  » Nous avons ainsi été amenés à collaborer depuis plusieurs années avec des producteurs, artistes et directeurs de théâtres. C’est d’ailleurs l’un de ces derniers qui a eu l’idée et avec qui nous nous sommes associés « , se défend Andréas Georgiou, président d’OWD Régie.

Pour justifier la préemption de ce nouveau territoire de marques, la régie nous expose son argumentaire commercial : primo, un format sur-mesure développé en partenariat avec les théâtres partenaires comme le Gymnase ou la Grande Comédie à Paris. Le nombre de spots est en revanche réduit afin de garantir aux annonceurs un taux de mémorisation record. Secundo, le ciblage d’une audience très qualifiée, jeune et urbaine. Tertio, une offre exclusive en France.  » Après s’être posé la traditionnelle question  » ça n’existe pas déjà ? « , nous avons construit ensemble avec les théâtres un dispositif qui s’intègre au mieux dans cet espace culturel, tout en étant optimal pour les marques et les théâtres, quelle que soit leur taille « , explique Andréas Georgiou.

La défense de l’accusé, présumé coupable du cambriolage de l’âme d’un art jusque là épargnée, tient la route. Elle est en tout cas aussi logique que sa logique mercantile. Quand les   » trois coups  » annoncent un spot, INfluencia veut comprendre avant de juger. Nous avons posé trois questions à Andréas Georgiou.

INfluencia : si vous aviez Molière en face de vous, que lui diriez vous :  » désolé mais c’était inéluctable « ,  » on aurait pu te faire des super publicités avant tes spectacles « ,  » oui je sais, c’est dégueulasse mais c’est du win-win  » ?

Andréas Georgiou : nous lui dirions  » bienvenue en 2017. Oui, ce que vous voyez là, ce sont des publicités pour des marques, et ça c’est un Musée au nom d’une marque. Oui, il y en a beaucoup, mais c’est aussi grâce à ça que l’offre culturelle est aujourd’hui aussi grande et accessible. Au fait, j’ai une nouvelle solution pour éviter les situations comme celle que vous avez connue en 1645 et aider les troupes et théâtres à se développer, on s’en parle ? Promis, il n’y aura pas trop de publicités « .

IN : quels sont le regard et le discours des théâtres partenaires sur cette intrusion publicitaire sur les planches ?

A.G. : certains théâtres étaient déjà familiers avec ce concept, puisqu’il existait jusque dans les années 70, mais présentait des contraintes techniques importantes (les pubs étaient sur bobine). Aujourd’hui, nous avons créé un concept sur-mesure autant sur le plan technique que sur le format, nécessitant aucun investissement et aucune manipulation de la part des théâtres. D’ailleurs, la publicité existe déjà au théâtre, sous la forme d’écrans ou d’affichage, mais aucun de ces formats permet à la fois aux théâtres de faire la promotion de leurs spectacles tout en générant des revenus pour développer d’autres projets. C’est cette combinaison qui les intéresse, nous avons construit le format avec eux pour qu’il soit court et qualitatif : un message d’introduction, deux bande-annonces de spectacle de la même salle et quatre spots de publicité de trente secondes, soit quatre minutes au total. Ce format permet de faire découvrir les autres spectacles du théâtre et d’inciter les spectateurs à revenir et réserver leur place, idéalement dès la fin du spectacle. Pour les marques, c’est la garantie d’une forte réceptivité et d’un excellent taux de mémorisation. Enfin, les publicités sont diffusées uniquement avant le début du spectacle, ni pendant ni après. Et cela, devant le rideau rouge, pas sur la scène. Mettons-nous à la place des spectateurs : n’apprécient-ils pas un film à cause des bandes-annonces ou des publicités ? À l’inverse, avez-vous déjà eu envie de regarder un film après avoir vu une bande-annonce au cinéma ?

IN : la question se pose : doit-on vraiment mettre de la pub dans les théâtres ? N’est ce pas un territoire culturel qui doit être préservé ? Vous ne vous dites pas que vous ouvrez la boîte de Pandore ?

A.G. : il s’agit avant tout d’un moyen de financement supplémentaire pour donner l’opportunité aux théâtres privés de développer une offre culturelle plus diverse. Les bandes-annonces sont également un formidable moyen de faire revenir les spectateurs voir d’autres spectacles et donc de promouvoir l’offre culturelle et théâtrale.

 

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