Tesla livre une voiture sans conducteur au Texas : une révolution ou un coup de com ?
Malgré la livraison spectaculaire d’un Model Y autonome à Austin, les promesses d’Elon Musk sur la conduite autonome peinent à se concrétiser. Entre avancées techniques, projets abandonnés et polémiques, où en est vraiment la voiture sans chauffeur ?
C’est une étape qui va dans la bonne direction mais elle reste encore très éloignée des promesses faites par le big boss il y a six ans de cela… Au Texas, une voiture Tesla s’est livrée seule à son nouveau propriétaire. Grâce à son logiciel de conduite autonome, ce model Y a parcouru sans conducteur les 25 kilomètres qui séparaient l’usine du constructeur à Austin au domicile de son client. La marque a publié sur YouTube une vidéo de cette « première mondiale », si l’on en croît la parole d’Elon Musk.
Quelques jours plus tôt, Tesla a fait circuler ses premiers taxis autonomes dans le centre-ville de cette même ville texane. Pour un tarif unique de 4,20 dollars par trajet, un passager peut faire un court trajet dans ce véhicule sans conducteur. Un employé du groupe est toutefois assis sur le siège passager pour vérifier que tout se passe bien. Cette mesure de précaution devrait bientôt disparaître.
Si la conduite autonome progresse, son rythme de croisière est bien plus lent qu’espéré. En 2019, Elon Musk -encore lui- jurait qu’il allait faire circuler l’année suivante un million de « robotaxi » dans les rues. L’histoire a prouvé le contraire.
Le rêve de voir des voitures rouler sans conducteur ne date pas d’hier. En 2004, l’agence responsable des projets en recherche avancée du département américain de la Défense (DARPA) a lancé une compétition mettant en jeu des véhicules terrestres sans pilote et autonomes. Après deux éditions dans le désert des Mojaves, un concours a été organisé en 2007 sur un circuit en milieu urbain. Près de deux décennies se sont depuis passées et si certains progrès notables ont été accomplis, beaucoup reste encore à faire. De très nombreux projets ont été lancés, des sommes considérables ont été dépensées et des échecs retentissants ont été constatés.
Des flops en série
En octobre 2022, Ford Motor Co. et Volkswagen AG ont mis fin à leur coentreprise Argo AI dédiée à la conduite autonome. Les deux constructeurs avaient investi 1 milliard de dollars dans cette start-up qui comptait plus de 2 000 employés et devait entrer en Bourse. Ford a passé une dépréciation de 2,7 milliards de dollars sur cet investissement avant de créer une nouvelle entité centrée sur les systèmes d’assistance à la conduite. Le PDG de Volkswagen, Oliver Blume, a, lui, préféré annuler les projets d’Audi en matière de véhicule autonome en raison de progrès jugés trop lents. Apple Inc. A également investi des milliards de dollars dans le développement d’un véhicule autonome de niveau 4 ou 5, avant de décider en février 2024 de mettre fin à son projet. Plusieurs start-ups plus petites, spécialisées dans les voitures sans conducteur, ont aussi mis la clé sous la porte. Plus récemment, General Motors Co. a mis un terme à son projet Cruise en 2023, après qu’un de ses robotaxis a percuté un piéton à San Francisco. Aurora Innovation a, pour sa part, annoncé en mai qu’un conducteur humain reprendrait le volant de ses camions autonomes au Texas, moins de trois semaines après le lancement du service commercial. Cette décision de déplacer un « observateur » depuis l’arrière de la cabine jusqu’au siège conducteur a été prise à la demande du constructeur de camions Paccar Inc.
Les accidents sont le cauchemar des spécialistes de véhicules autonomes. La mort d’une grand-mère âgée de 71 ans suite à un choc avec un model Y sans conducteur est la cible d’une enquête fédérale aux Etats-Unis. La National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) étudie, elle aussi, plusieurs des incidents au cours desquels les robotaxis de Tesla semblaient avoir enfreint le code de la route lors de leur premier jour de service payant à Austin. L’entreprise la plus en avance dans ce domaine est, sans aucun doute, Waymo.
Waymo montre la voie
Lancé en… 2009, le Google Self-Driving Car Project (rebaptisé Waymo en 2016) a été créé par un des deux cofondateurs du géant de Mountain View, Sergey Brin. Ces voitures utilisent des capteurs très avancés comme des LiDARs qui prennent des images 3D de haute précision, de jour comme de nuit, ainsi que des radars, des caméras et des capteurs audio, essentiels pour détecter les sirènes des véhicules d’urgence. Après des premiers essais effectués sur une piste dédiée en Californie, la start-up a fait circuler ses voitures autonomes dans des environnements urbains contrôlés à Phoenix et dans la Silicon Valley. L’entreprise a ainsi perfectionné des manœuvres complexes, comme éviter les obstacles, en les répétant à l’infini. Elle a également appris à son IA à reconnaître sur un périmètre de 500 mètres les panneaux de signalisation, les cônes sur la route ou les véhicules prioritaires et à distinguer toutes sortes d’obstacles comme des sacs en plastique ou des objets solides. Aujourd’hui, ses voitures autonomes circulent à San Francisco, Los Angeles, Phoenix, Austin, Atlanta et bientôt à Washington D.C. et à Miami. L’an dernier, INfluencia avait testé cette Jaguar futuriste près du Golden Gate Bridge.
Les Chinois sont, eux aussi, dans les starting-blocks. Le pays abrite des dizaines de start-ups dans ce secteur et certaines commencent déjà à s’internationaliser. WeRide, qui a obtenu en mai un nouvel investissement de 100 millions de dollars de son partenaire américain Uber, prévoit de déployer ses robotaxis à Dubaï et en Europe. Baidu., de son côté, envisage de tester puis de lancer son service de transport autonome Apollo Go sur le marché européen. L’entreprise dispose de l’une des plus grandes flottes de robotaxis en Chine, opérant notamment dans des villes comme Pékin et Canton (Guangzhou). La « révolution » revendiquée par Tesla de livrer une voiture sans conducteur à Austin semble bien modeste comparée à d’autres projets. Une chose toutefois est sure : l’arrivée de millions de véhicules autonomes sur nos routes n’est pas pour demain.