20 octobre 2015

Temps de lecture : 4 min

Taxe Tampon : de l’indignation au LOL sur les réseaux sociaux

Jeudi 15 octobre 2015, de drôles de hashtags sont apparus sur Twitter, rendant perplexes de nombreux internautes. Pendant 10 heures, les hashtags #taxetampon et #tusaisquecestlesregles sont restés en tête des Trending Topics français. Si on a pu croire à une opération de buzz lancée par une marque d’hygiène féminine, il n’en était rien. Il s'agit d'un sujet politique et sociétal qui met en avant un combat mené par les militantes féministes pour l’égalité des sexes.

Jeudi 15 octobre, de drôles de hashtags sont apparus sur Twitter, rendant perplexes de nombreux internautes. Pendant 10 heures, les hashtags #taxetampon et #tusaisquecestlesregles sont restés en tête des Trending Topics français. Si l’on aurait pu croire à une opération de buzz lancée par une marque d’hygiène féminine, il n’en était rien. Il s’agit d’un sujet politique et sociétal qui met en avant un combat mené par les militantes féministes pour l’égalité des sexes.

En France, les produits de protections féminines ne sont pas considérés comme des biens de première nécessité, ne bénéficient donc pas d’une TVA allégée de 5,5% et sont taxés à 20%. Alors que la majorité d’entre nous semble l’avoir découvert il y a quelques jours, les collectifs féministes se battent pourtant depuis un an pour baisser la TVA sur ces produits.

En novembre 2014, le collectif Georgette Sand dénonce ainsi l’absurdité de la « Taxe Rose », taxe invisible sur les produits féminins, via son tumblr WomanTax. Sur ce dernier, le collectif publie les clichés des dérives du marketing où de nombreux produits sont déclinés en version femmes et vendus quelques euros plus chers. Le sujet fait alors peu de bruit et génère 1 900 mentions, n’intéressant guère que les féministes. Mais le débat avance et le gouvernement ouvre une enquête sur l’existence de cette taxe rose.

Quelques mois plus tard, Catherine Coutelle, Présidente de la Délégation aux Droits des Femmes de l’Assemblée Nationale dépose un amendement pour abaisser la taxe des protections féminines. La semaine dernière, dans la nuit du 14 au 15 octobre 2015, l’amendement est rejeté par les députés. Il n’aura fallu que quelques heures pour que l’indignation prenne sur Twitter. Le 15 octobre, dès 10h, l’information est relayée, d’abord dans un cercle restreint de féministes. Entre le 15 et le 16 octobre, 45 382 tweets sont publiés sur le sujet (dont 16 494 avec le hashtag #taxetampon et 25 329 avec le hashtag #tusaisquecestlesregles). En comparaison, samedi soir avait lieu le match de rugby opposant la France à la Nouvelle-Zélande, un événement figurant automatiquement parmi les tops hashtags, générant dans la journée du 17 octobre 94 122 mentions.

Un combat sociétal qui devient un sujet LOL à la sauce Twitter

Avec un hashtag court et curieux, #taxetampon, le sujet devient rapidement visible et les militantes de la première heure perdent la main pour laisser place à une cible plus large, qui en fait un vaste sujet de blagues. Les twittos se passionnent étonnement pour les tampons : 16 494 mentions du hashtag #taxetampon sont recensées en 2 jours.

La dérive s’est déroulée en plusieurs étapes :

La première réaction des twittos : la colère et l’indignation. Ils dénoncent notamment la vision masculine voire machiste de cette décision et mettent en avant le fait que 74% des députés de l’Assemblée Nationale sont des hommes :

Vient ensuite la dérision : l’humour noir sert de revendication et permet de montrer l’absurdité du sujet. De nombreuses mentions comparent les tampons à d’autres produits, considérés eux comme de première nécessité :

Christian Eckert, secrétaire d’État au Budget, devient aussi bouc émissaire et est tourné en ridicule sur Twitter, ayant refusé d’abaisser la taxe et osant comparer les tampons à de la mousse à raser. La colère des twittos gronde et leurs tweets sont même violents :

Le sujet change ensuite de bord : quelques heures après le pic de mentions autour de la #taxetampon, c’est le hashtag #tusaisquecestlesregles qui apparait. L’humour revendicateur laisse place à l’humour potache voire trash, comme les communautés d’ados sur Twitter savent si bien utiliser. C’est le twittos @Pompe_lemousse qui lance le hashtag sous forme de blague. En 2 jours, c’est 25 329 tweets qui sont publiés avec le hashtag #tusaisquecestlesregles, bien plus que ceux publiés pour la #taxetampon. Et les tweets ne font pas dans la dentelle :

Mais c’est aussi un sujet qui parle aux adolescentes. Chacune partage son témoignage souvent teinté d’humour :

Et la frontière entre le simple témoignage et la blague sexiste est fine :

Puis soudainement, la revendication féministe est déjà bien oubliée :

Une scandalisation de surface qui empêche une vraie mobilisation

Le traitement de la Taxe Tampon est le symbole de la « dictature » du LOL régnant sur Twitter : détournement, dérision, un traitement qui frappe tous les hashtags émergeants. En analysant les mots clés utilisés avec les hashtags #taxetampon et #tusaisquecestlesregles, on voit que les prises de paroles sont bien différentes : elle est sérieuse avec le hashtag #taxetampon où l’on parle de « nécessité », de « politiques » et de « sexisme ». Alors que les mots sont plus familiers autour du hashtag #tusaisquecestlesregles : « potes », « mdr », « boutons »,… Au final, peu semblent s’engager réellement pour la cause. Il suffit de voir la pétition lancée il y a déjà 8 mois, qui peine à atteindre le maximum de signatures fixées.

Une opportunité manquée par les politiques

Bien que le sujet ait fortement mobilisé la Twittosphère, les politiques sont restés muets. Un silence qui dessert la cause et même Catherine Coutelle (@CCoutelle) n’est pas intervenue dans la conversation sur Twitter le jour J, préférant relayer sa présence au colloque sur les Femmes et le Climat. Seule Pascale Boistard (@Pascaleboistard), secrétaire d’État chargée des Droits des Femmes, a partagé son soutien, mais en relayant simplement son interview presse.

Une mobilisation qui reflète un engagement à l’échelle de la planète pour le « Gender Equality »

Loin d’être anodin, ce débat s’inscrit dans le combat pour l’égalité des sexes qui est l’un des sujets phares de l’ONU. L’organisation place le sujet parmi ses 17 « buts » à atteindre en 2015 et lance il y a quelques mois la campagne #HeForShe, dont l’ambassadrice n’est autre qu’Emma Watson. Preuve s’il en est que le débat est hautement sociétal, les marques s’engagent et développent des campagnes pour la « Gender Equality ». Le sujet était même le centre de l’attention aux Cannes Lions cette année. Les politiques et militants auraient pu s’inscrire dans ce mouvement et soutenir ce formidable élan de contestation pour rendre cette conversation engagée pour leur cause. À la place, ils ont ignoré tout le potentiel conversationnel existant, leur faisant rater un rendez-vous qui aurait donné un ancrage plus populaire à la cause.

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