Un commerçant local peut-il faire de l’ombre à une grande marque de bière et lui piquer un contrat publicitaire ? C’est peu probable mais une poignée « d’illuminés » affûte ses lames.
Si vous aimez les belles histoires à la David et Goliath, l’initiative d’un barbier de la ville de Liverpool devrait vous plaire. Sean Burns, fan absolu du club d’Everton, ne veut plus de la bière Chang comme sponsor maillot de son équipe. En cause, l’influence négative de ce partenariat sur les plus jeunes générations en matière de consommation d’alcool. Les bambins ont tendance à regarder les joueurs de foot avec des étoiles plein les yeux et l’assimilation du logo de la marque à la notion de divertissement pose problème. L’idée ? Lancer une opération de crowndfunding afin de lever 23 millions de dollars et apposer le nom de son salon, le Barber Club, sur la tunique des Toffees (surnom donné à l’équipe). « Nous aimons le foot, nous aimons Everton, nous aimons les enfants et nous pensons qu’ils ne doivent pas devenir la cible des grandes marques d’alcool. Laissons les enfants être des enfants », peut-on lire sur le site. Quand l’utopie se frotte à l’implacable logique financière et commerciale, le match semble perdu d’avance…
Faire preuve d’audace
Depuis 2004, Chang est le sponsor principal de l’équipe d’Everton. Une collaboration fructueuse renégociée à la hausse en 2014 pour trois saisons. Montant du deal ? 16 millions de livres, un record pour Everton. Une bonne affaire sur le papier qui ne laisse pas indifférents certains supporters et qui a même le don de faire naître certaines idées un peu farfelues. Plutôt que de mettre en avant une marque d’alcool, pourquoi ne pas promouvoir les ressources locales de sa ville ? Mettre en lumière le travail de ses habitants, resserrer les liens entre le club et les fans et préserver les plus jeunes d’une éventuelle influence nocive ? Un contre-pied au football moderne qui amenuise à petit feu l’histoire et la tradition de certaines équipes : non respect des couleurs, du logo, hausse conséquente du prix des billets…
Sur Indiegogo, la famille Burns va devoir batailler sévère pour atteindre ses objectifs. A ce jour, moins de 2 000 dollars ont été levés et il reste à peine trois semaines aux internautes pour atteindre le graal, 23 millions de dollars. « Nous voulons remplacer la bière Chang par The Barber Club, localisé près de notre stade Goodison Park. Et c’est là que nous avons besoin de votre aide. Chaque penny compte et chaque centime nous rapproche un peu plus près de notre objectif », dévoile Sean Burns
Rêvons plus grand
Si le succès reste plus qu’hypothétique, la viralisation d’une telle initiative pourrait faire réfléchir les dirigeants du club. Si l’argent est un facteur essentiel pour un club, le capital sympathie et le culot sont également à prendre en considération. Un moyen pertinent de se démarquer d’une Premier League ultra concurrentielle et de prendre une autre dimension face au voisin légendaire et honni, Liverpool F.C. Un acte social fort qui soulignerait également la conscience du club envers ses jeunes supporters et qui consoliderait le lien affectif intergénérationnel. Pourquoi ne pas profiter de l’explosion des droits TV en Angleterre- Everton va toucher 80 millions de livres pour l’exercice 2015/2016 – pour tenter un coup ?
En 2014, Romain Poujol et César Charb, les fondateurs du site What’s the foot partait sur les traces d’un club atypique, le FC United of Manchester. Un club fondé en 2005 par des supporters refusants de se soumettre à Malcom Glazer -un milliardaire américain- et à sa vision entrepreneuriale : « À l’apogée du football business, nous voulons montrer qu’une autre façon de penser le football est possible. Les dirigeants, joueurs, bénévoles, supporters du FC United ont tout de même quitté leur club de coeur pour en créer un nouveau ! », témoignaient Romain Poujol et César Charb. Prochaine étape, l’organisation d’une compétition internationale par des supporters ? Quand on jette un rapide coup d’oeil aux sponsors de l’Euro 2016 : McDonald’s, Coca-Cola, Socar (société de pétrole azérie)… on se demande quelles valeurs l’UEFA veut transmettre aux populations. A bas la morale, l’éthique et vive la malbouffe ?