La moitié des salariés français ne savent toujours pas à quoi correspond la Responsabilité sociétale des entreprises, un concept né il y a une bonne quinzaine d’années. Cette méconnaissance s’explique…
La douche est froide pour ne pas dire glacée. Les sociétés sont nombreuses à mettre en avant les mesures qu’elles ont prises en matière de RSE. La Responsabilité sociétale des entreprises, qui a été initiée au début des années 2000, est un dispositif juridique qui vise à encadrer la transparence sociale et environnementale des compagnies. Ce processus a abouti à la création en 2013 de la Plateforme d’actions globales pour la RSE dont le rôle est de rassembler l’ensemble des parties prenantes autour de la stratégie française en termes de RSE (soit 50 membres répartis en 5 collèges représentant l’État -élus nationaux, collectivités, administrations-, sociétés, salariés, associations et ONG, milieux académiques et universitaires).
Ce dispositif s’adresse bien évidemment aux entreprises mais aussi aux acteurs financiers, aux employés et aux consommateurs, et il est porté à la fois par l’État et les acteurs dans les territoires. Voilà pour la théorie et la version officielle présentée par les pouvoirs publics. La réalité semble en effet toute autre comme le montre une récente enquête réalisée auprès de 870 salariés français par Ipsos pour le compte du spécialiste du co-meeting Open Mind KFE.
Une définition pour le moins floue
A peine 51% des personnes interrogées déclaraient savoir ce qu’était la RSE. Ce chiffre paraît extrêmement faible pour un concept qui est né il y a une bonne quinzaine d’années. Julia Pironon, directrice de clientèle chez Ipsos Loyalty, ne semble pourtant pas s’en étonner : « Je ne suis pas très surprise qu’un Français sur deux ne connaisse rien de la RSE. De nombreuses sociétés ne se sont pas appropriées ce terme que beaucoup considèrent encore comme étant une contrainte juridique alors que ce dispositif va bien plus loin que cela ». L’autre problème est que la Responsabilité sociétale de entreprises est une expression un peu fourre-tout qui n’a pas réellement de définition précise.
Selon la Commission Européenne, la RSE représente « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société ». La norme ISO 26000 donne, elle, la définition suivante : « la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui contribue au développement durable -y compris à la santé et au bien-être de la société- prend en compte les attentes des parties prenantes, respecte les lois en vigueur, et qui est en accord avec les normes internationales de comportement, et qui est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations ». Compliqué, vous dites compliqué ? En clair, « on peut mettre beaucoup de choses dans la RSE », résume Julia Pironon « Charte éthique, choix des sous-traitants, traçabilité des produits… Tout le monde s’accordent néanmoins à dire que la définition actuelle de la RSE pose problème ». Si même les spécialistes ne reconnaissent pas leurs petits, il est normal que les salariés restent dubitatifs vis à vis de ce dispositif…
Le temps presse
Les employeurs ont également toujours du mal à communiquer autour de leur politique RSE. 57% des salariés interrogés par Ipsos se disent ainsi mal informés. Pour la plupart des sondés, leurs sociétés cherchent avant tout à améliorer leur image lorsqu’elles mettent en place cette démarche. Satisfaire aux obligations légales (39%) et renforcer la fidélité des clients (33%) sont d’autres motivations importantes des compagnies tout comme la volonté d’être plus éthique (46%) et d’amplifier le sentiment d’appartenance des salariés (35%). Les dirigeants devraient mettre les bouchées doubles pour assumer leur responsabilité sociétale et faire connaître les mesures qu’ils ont mises en place. « Les employeurs n’ont pas d’autres choix que de se lancer dans la RSE », analyse Julia Pironon « car cela leur permet d’attirer de nouveaux talents et de garder leurs salariés. Cette démarche est devenue un élément de différentiation important pour les sociétés ».
Si la France a mis du temps à prendre conscience de l’importance de la RSE, elle semblerait aujourd’hui faire figure d’exemple à suivre. Selon une enquête de 2017 d’EcoVadis effectuée auprès de 20 000 entreprises sur 21 critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, les employeurs français obtiendraient une note moyenne de 48,3/100. Ce score leur permet de figurer à la quatrième place de ce classement, qui prend en compte tous les membres de l’OCDE et des BRICS, juste derrière le Royaume-Uni, la Suède et le Danemark. « Même s’il reste encore beaucoup de progrès à faire, les entreprises françaises continuent de montrer leur leadership en matière de RSE », juge Sylvain Guyoton, vice-président en charge de la recherche chez EcoVadis « Ces bons résultats récompensent l’engagement des pouvoirs publics, des syndicats, des associations et de l’ensemble des acteurs de la profession ». Julia Pironon est plus prudente : « La France est toujours en retard par rapport aux Scandinaves et aux pays anglo-saxons », conclut Julia Pironon « Nos entreprises ont trop longtemps considérée la RSE comme une obligation légale. La mise en place de la loi Pacte risque toutefois d’accélérer la prise de conscience des employeurs ». Mieux vaut tard que jamais…