« Rizz » élu mot de l’année par l’université d’Oxford, un phénomène langagier né sur internet

Pour toutes celles et ceux qui ne trainent pas régulièrement sur TikTok ou sur Twitch, l’expression la plus en vogue de cette année méritait bien une petite explication. Récemment désigné comme « mot de l’année » 2023 par le très sérieux Oxford English Dictionary, le terme Rizz est depuis longtemps sur toutes les langues… qu’elles soient anglo-saxonnes ou non, à condition qu’elles aient moins de 25 ans. Pour l’OUP – l’Oxford University Press – qui édite le dictionnaire de référence, le néologisme serait un raccourci argotigue de « style » ou de « charme » et renverrait à notre « capacité d’attirer un partenaire romantique ou sexuel ».

En outre, le mot peut également être utilisé comme verbe, dans des expressions telles que « to rizz up », qui signifie « attirer, séduire ou discuter ». Comme le précise un communiqué publié par l’OUP, le terme est étymologiquement une forme abrégée de « charisma » – charisme dans notre langue –, tiré de la partie médiane du mot. La maison d’édition souligne qu’il s’agit d’un schéma inhabituel dans la formation des mots, bien qu’il existe quelques exemples en anglais qui ont été construits de la même manière, tels que « fridge » pour « refrigerator » ou « flu » pour « influenza » – sans mauvais jeu de mot –. On comprend assez rapidement que Rizz ne se démarque pas tant par sa forme que par les circonstances dans lequel il a été créé.

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par Oxford University Press (@oxunipress)

« Nos experts linguistiques ont choisi « rizz » comme exemple intéressant de la façon dont la langue peut être façonnée, modelée et partagée au sein des communautés, avant d’être adoptée plus largement dans la société », explique ainsi l’OUP. « Il illustre la façon dont les jeunes générations disposent désormais d’espaces, en ligne ou non, pour s’approprier et définir le langage qu’elles y utilisent ».

Spider Man et le Twitch Game

Ce pseudo anglicisme – difficile de le classer en l’état – est apparu sur les réseaux sociaux pour la première fois en 2022, popularisé en premier lieu par le streamer américain Kai Cenat aux millions d’abonnés sur YouTube et Twitch. À l’occasion de son passage dans le podcast No Jumper, il expliquait que l’expression était née d’une blague avec ses amis pour désigner ce moment ou « tu parles à une fille et tu es tellement habile avec tes mots » que tu arrives à la conquérir. Pour le streamer, la chose s’est faite naturellement : « un ami à moi l’a dit, puis un autre l’a répété et j’ai fini par le dire sur Twitch ».

Il ajoute : « quand je l’ai dit en stream, mes abonnés ont adoré et ont commencé à la répéter en masse. Puis ça s’est propagé au niveau international. Tout le monde le dit maintenant ». En un temps records, Rizz est donc passé d’un simple outil langagier permettant au chat de Kai Cenat – comprenez ses abonnés – de se créer une langue, une culture commune à une composante lambda du vocabulaire de n’importe quel – jeune – utilisateur, sans qu’il ait forcément connaissance du vidéaste américain.

Il faut avouer que son usage a fini par exploser en juin dernier après que l’acteur de 27 ans Tom Holland, star des derniers films Spider-Man, l’ait utilisé dans une interview réalisée Buzzfeed. Engendré par l’un des plus gros streameurs du moment et démocratisé par l’un des acteurs les plus populaires de sa génération ? Rizz était voué à finir sur toutes les bouches.

« Rizz est un terme qui a connu un essor fulgurant sur les réseaux sociaux et qui illustre la manière dont un langage omniprésent au sein de certaines communautés sociales arrive parfois à les transcender », décode l’éditeur. Avant de conclure : « L’augmentation des données relatives à l’utilisation de rizz montre que les mots et les expressions issus de la culture Internet font de plus en plus partie du langage courant et continueront à façonner les tendances linguistiques à l’avenir ».

Décoder son époque

Pour désigner son grand gagnant, l’éditeur a d’abord établi une liste finale de huit mots, dans laquelle on pouvait retrouver les termes «Swiftie» – qui désigne un fan de la chanteuse américaine Taylor Swift – ou «prompt» – qui désigne une instruction donnée à un programme d’intelligence artificielle – en faisaient partie. Le public avait ensuite été appelé à voter, avant que les experts ne tranchent parmi les quatre mots arrivés en tête.

Casper Grathwohl, qui dirige le service d’Oxford dédié aux langues, rappelait au moment de l’annonce que son institution avait choisi « goblin mode » l’année dernière, à savoir un néologisme désignant le rejet des attentes sociétales et l’acte de vivre de manière négligée, sans se soucier de l’image de soi. Une expression qui avait trouvé un écho chez de nombreuses personnes post-pandémie… un peu à la manière de « rizz » qui reflète « l’état d’esprit qui règne en 2023, où de nombreuses personnes se sont réouvertes au monde après quelques années difficiles ». La vénérable université serait-elle en train de sous-entendre qu’après quelques années de laisser-aller, il était temps de se remettre en selle ?