24 juillet 2013

Temps de lecture : 6 min

La Revue INfluencia : ces marques qui se réinventent avec succès

Apple, Evian, Dove, Lacoste, Chrysler, Orangina... A un moment de leur histoire, ces marques ont toutes connu des passages à vide. Un savant mélange d'audace, de créativité, de courage leur a permis de passer le cap et de revenir sur le devant de la scène...

Cet article est paru dans la Revue INfluencia papier et digitale N°6
: changer, on a tous les clés
.

Flash back. Nous sommes en 1996. Apple, l’entreprise qui a révolutionné l’informatique personnelle à la fin des années 70, est au bord de la faillite. Ses Mac souffrent de la concurrence des PC et ses tentatives de diversification, appareils photos et consoles de jeux, sont des échecs. Quelque 20 ans plus tard, et malgré un nouveau déclin annoncé, Apple occupe toujours la première place du classement Millward Brown des marques les plus puissantes de la planète.

DESIGN ET INNOVATION

Entre temps, l’entreprise, en renouant avec ses racines, – le design et l’innovation -, aura lancé l’iPod, iTunes, iPhone et iPad et créé un nouvel éco-système. Des révolutions successives dont s’amusent les Guignols de l’information. Des bijoux technologiques indispensables au quotidien de millions de terriens. « À moins que l’entreprise ne décide de la tuer, la marque est quasi immortelle. Mais cette immortalité suppose qu’elle soit toujours en mouvement. Le changement est inhérent à sa nature. Apple a réussi là où Kodak, faute d’avoir compris les mutations de son marché, a échoué », avance Georges Lewi, spécialiste du storytelling et des mythologies contemporaines, pour qui le plus grand danger auquel s’expose la marque est l’immobilisme. Pour survivre aux ruptures technologiques, aux nouveaux modèles consommatoires, à la concurrence, à la vitesse des marchés, une marque aussi puissante soit-elle doit se réinventer.

Reste qu’insuffler une nouvelle vie réclame du temps, des grandes idées, une dose de chance et surtout une prise de risque. « Le succès n’est jamais garanti et en France tout particulièrement on cultive une certaine résistance au changement. Il faut donc beaucoup de courage et de conviction pour s’engager dans une démarche qui consiste à faire pivoter une grosse machine à la manière d’une start-up», rappelle Clarisse Lacarrau, directrice ajointe du planning stratégique de l’agence BETC.

Faire pivoter la grosse machine à la manière d’une start-up

CHRYSLER RÉVEILLE LE PATRIOTISME US

Du courage, de la conviction, Chrysler et son agence Wieden + Kennedy n’en ont pas manqué en 2011 lors de la sortie de la campagne Imported from Detroit. Destiné à promouvoir le nouveau modèle de la marque la Chrysler 200, le film de deux minutes, diffusé lors de la finale du Super Bowl et qui aurait coûté plus de 10 millions de dollars, a permis à Chrysler, sauvé de la faillite en 2009, de reconquérir le cœur des Américains. « Cette campagne, où au volant de la voiture le rappeur Eminem promène son regard sur une ville dévastée par la crise, est un des plus beaux exemples de reconfiguration de marque», indique Clarisse Lacarrau.

Hymne à Detroit, le berceau de l’industrie automobile américaine, aux gens qui en ont écrit l’histoire, le film, en jouant sur la fibre patriotique, en redonnant son âme à la marque, a atteint ses objectifs. Dans les heures qui ont suivi sa diffusion, le modèle de la voiture était le deuxième mot le plus recherché sur Google, la campagne a fait un carton sur YouTube et le business était au rendez-vous. En 2012, la marque et son agence ont été distinguées par le très prestigieux Grand Prix Effie. « Pour Chrysler, la campagne Imported from Detroit était plus qu’une simple publicité. C’était un message signifiant notre renaissance », affirmait alors Olivier Francois, patron du marketing du groupe Chrysler. « Ce type de film constitue un socle indispensable aux marques. Souvenons-nous des films Apple 1984, Evian, du Lion de Perrier, de celui de Heineken, avec la musique de Robert Palmer… tous ont permis à ces marques de franchir une étape et surtout d’exprimer une forme de courage marketing », avance Patrick Mercier dans son livre  » La stratégie du courage. »

ORANGINA RETROUVE SON AUDACE

S’il n’était pas question de renaissance pour Orangina Schweppes, le renouvellement de ses plates-formes de marques a largement contribué au réveil des belles endormies. « Nous savions que le terreau des marques était fort et sain. Notre nouvel actionnariat a renforcé ces convictions et a très vite confirmé que la dynamique de changement que nous avions engagée avec les nouvelles plates-formes de communication était la bonne. Par ailleurs, dans l’entreprise, le droit à l’erreur n’est pas une faute », indique Stanislas de Parcevaux, directeur du marketing d’Orangina Schweppes. De nouvelles stratégies qui ont permis à Orangina et Oasis de retrouver le chemin de la croissance.

Quand Fred&Farid récupère le budget Orangina, la marque, malgré un capital de sympathie intacte, est en souffrance. « Lorsque nous avons commencé à travailler sur ce budget nous avons identifié une brèche sur le marché des soft drinks. Les consommateurs s’interrogeaient de plus en plus sur leurs valeurs nutritionnelles, sur la présence de sucre ajouté. Or Orangina, c’est 12% de jus de fruits, une boisson certes naturelle mais qui ne faisait plus rêver les adolescents. Nous avons cherché à associer le meilleur des deux modes, la naturalité de l’orange pour rassurer les mères et l’esprit décalé des soft drinks pour faire adhérer les ados. De cette réflexion est née Naturellement Pulpeuse, la signature stratégique qui a porté les promesses de la marque», indique Emmanuel Ferry, directeur général de Fred&Farid France. Pour la faire émerger, l’agence créé son propre univers. C’est la naissance du bestiaire Orangina et le début d’une nouvelle saga qui renoue avec la tradition avant-gardiste de la marque. « Cette première campagne a marqué les esprits, elle a fait naître un débat. C’était important pour la marque, cela lui a permis d’émerger et d’installer son nouveau territoire » poursuit Emmanuel Ferry.

Les bénéfices du changement s’analysent sur le court et le long terme

OASIS FAIT LE SAUT DE LA FOI

Nouveau territoire également pour Oasis. Sa « fruivolution », entamée en 2006 et dont le point d’orgue sera le lancement de sa page officielle sur Facebook en 2009, lui a permis de devenir la deuxième marque des soft drinks derrière Coca Cola standard et de multiplier par deux son chiffre d’affaires. Ce choix audacieux, à une époque où rares étaient les annonceurs à élaborer leur stratégie de communication sur les réseaux sociaux, aura donc été payant. « Nous sommes des challengers, nous devons donc constamment être dans l’anticipation », avance Jérémie Bottiau, directeur de création à l’agence Marcel.

Cette nouvelle façon de communiquer aura permis à la marque de toucher une nouvelle cible : les 15-25 ans, qui représentent désormais 25% de ses consommateurs. Forte de fans, de ses 20 000 followers sur Twitter, du succès de sa chaîne, Oasisfunchannel sur YouTube qui regroupe toutes ses productions vidéo et compte plus de 13 000 abonnés et 20 millions de vues, elle a franchi un nouveau pas en inaugurant sa boutique d’e-commerce, le Fruit Store où sont vendus des collections de tee-shirs à l’effigie de Ramon Tafraise, Mangue Debol et toute la clique. « Cette création est née d’une réflexion conjointe entre Oasis et Marcel. Il nous faut faire grandir la marque en travaillant son territoire : la Pop Culture. Nous avons la conviction qu’elle ne doit pas se confiner au seul registre la publicité et s’attaquer à d’autres formes d’expression comme la production cinématographique par exemple», poursuit Jérémie Bottiau. D’où les partenariats tissés avec Marvel ou encore Universal qui augurent de nouveaux changements dans la manière dont s’exprimera le Oasis be fruit. « Le plus dur, c’est de faire le saut de la foi » conclut Jérémie Bottiau.

BALL PARK, TANT QU’IL Y AURA DES HOMMES

Malmené sur son marché, Ball Park, une marque de hot dog dont l’origine remonte aux années 60, a-t-elle fait ce saut de la foi ? A voir. Pourtant en confiant à Publicis Seattle le soin de « réinventer une marque iconique », elle avait l’ambition de se réinscrire dans le quotidien des Américains. Un objectif auquel l’agence a répondu en créant une nouvelle signature de « Men easier fed than undestood » ( les hommes sont plus simples à nourrir qu’à comprendre ). Sorte de version light du film de Marc Esposito  » Le cœur des hommes « , la communication mettait en scène ces moments de partage très masculins dont l’alchimie demeure souvent mystérieuse aux yeux de leurs compagnes. Si la création est à cent lieux de celle de The man your man could smell like, la campagne qui a signé la renaissance de Old Spice, ces mécanismes présentent cependant de troublantes similitudes. Le ton, la cible féminine, le dispositif hors médias.

Reste que malgré un prix Effie US gagné au printemps 2013, Sara Lee, propriétaire de la marque, n’y a pas trouvé son compte. Le budget est désormais géré par Y&R New York dont la nouvelle campagne baptisée The American Tapestry est une sorte d’hymne aux valeurs qui unissent le peuple américain et font la force de la nation.

« Ces dernières années des marques comme Evian, Dove ou encore Special K, ont basculé du fonctionnel vers l’émotionnel. Ce basculement a produit de ses effets. Alors qu’il y a dix ans nous étions dans le phénomène No Logo, nous assistons à un retour de l’attachement aux marques, du moins à celles qui ont pris en compte les grands changements sociétaux et ont investi de nouveaux territoires d’expression comme l’estime de soi, la jeunesse, le développement durable», indique Nicolas Riou, président de Brain Value. Et ont donné du temps au temps.

Rita Mazzoli

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