8 décembre 2022

Temps de lecture : 5 min

Episode #3 : Rémi Noël: « Rédacteur, puis directeur de création, j’ai très vite fait de la photographie mon jardin secret »

Dans la série des multipotentiels, qui s’ignorent, j’ai nommé : Rémi Noël, l’un des plus grands créatifs de sa génération, qui fut à une époque co-directeur de la création, en « couple » avec Éric Holden, Un métier prenant, voire obsédant qui ne l’empêche pas de pratiquer sa passion, la photographie et de s’adonner à l’édition pour mieux maitriser la chaîne de fabrication et de gestion. Aujourd’hui, ce dernier édite les travaux d’autres photographes et imagine des livres pour enfants. En voilà un qui a clairement mis la Face B… Oui mais encore… Comment concilier ses vies plurielles? Interview.

INfluencia : alors, est-ce que le mot multipotentiel t’a appris quelque chose sur toi ?

Rémi Noël : non pas vraiment parce qu’en fait je m’en doutais. Même si je ne connaissais pas le terme (rires). Je fais de la photo depuis 20 ans, et donc lorsque j’étais en poste en tant que rédacteur, j’en faisais dès que je pouvais… Après, à l’époque, c’était moins confortable qu’aujourd’hui. En tant que freelance je peux vraiment organiser mon temps.

IN. : justement était-ce facile de juguler les deux à l’époque. Parce que tu en as parcouru des agences?

R.N. : oui, je vais essayer de les énumérer… J’ai commencé chez CLM en tant que stagiaire rédacteur à l’époque de Philippe Michel. Après je suis allé chez DDB, FCB, BDDP, BETC. Ensuite, j’ai fréquenté McCann comme directeur de création, puis TBWA, puis Lowe et là, je suis freelance depuis sept ans. Et j’ai beaucoup plus de temps libre pour toutes mes activités…

A bien y réfléchir, je pense que si c’était à refaire, je serai directeur artistique.

IN. : déjà pour comprendre ce qu’est un multipotentiel : tu es rédacteur, et tu es un amoureux de l’image, puisque ta passion c’est la photo ?

R.N. : moi je suis arrivé à la publicité par les mots. Je n’ai pas fait beaucoup d’études. Et d’ailleurs si c’était à refaire, je serai directeur artistique. J’adore l’image. Mon alter ego Eric Holden lui, adorait les mots d’ailleurs, si bien que tous les deux pendant trente ans on a volontiers changé de rôle, lui faisait les mots, moi l’image, cela dépendait, mais on n’avait aucun problème avec ça. On formait une superbe équipe, sans problèmes d’égo, c’était une époque géniale. Mais du coup, effectivement, la photo c’était vraiment à côté, quand je pouvais, j’ai appris tout seul. Bizarrement, je ne voulais pas faire de photo pour la pub, c’était vraiment mon monde que je développais à côté, mon univers. A bien y réfléchir, je pense que si c’était à refaire, je serai directeur artistique.

Là, tout le monde doit savoir tout faire sans pour autant avoir une spécialité, un talent particulier

IN. : donc Éric et toi êtes tous les deux des multipotentiels en fait, tu lui diras, il ne le sait peut-être pas ?

R.N. : (rires) j’étais attiré déjà tout jeune par l’image, et je me souviens que quand j’allais faire un tour au service d’achat d’art, ceux qui y travaillaient, me regardaient bizarrement, étonnés qu’un rédacteur s’intéresse aux books des photographes. C’est clair qu’en fait à l’époque on était vraiment dans des cases.

IN. : cela a-t-il changé ?

R.N. : oui carrément, mais peut-être à l’excès. Là, tout le monde doit savoir tout faire sans pour autant avoir une spécialité, un talent particulier. A l’époque chacun avait sa spécialité, et cela ne nous empêchait de faire autre chose. Le danger est peut-être de faire tout moyennement bien… L qualité n’est peut-être plus centrale ?Je ne sais pas. Une chose est sûre, quand j’étais rédacteur en agence ou direceur de création, les campagnes étaient là pour durer, donc forcément, la qualité cela avait du sens.

Alors avoir en parallèle de la pub une activité où tu es le seul à juger c’est génial, cela crée un équilibre.

IN. : multipotentiel, est-ce un sujet propre à la pub ?

R.N. : je pense que cela concerne tout le monde. Beaucoup de gens font des choses à côté. Mais dans la pub, métier que je connais le mieux, il y en a plein qui pratiquent plusieurs activités sans forcément le faire savoir, ont une activité parallèle, mais certains étaient très discrets. Mais si j’analyse bien, je crois surtout, que faire ce métier de créatif de pub génère beaucoup de frustrations. Lorsque tu fais un travail dont tu es plutôt content et que tu as cinquante personnes qui donnent leur avis autour d’une table… Qui se croient autorisés à donner leur avis… Ce n’est pas simple. Alors avoir en parallèle de la pub une activité où tu es le seul à juger c’est génial, cela crée un équilibre. Tu fais tes erreurs, et tu les corriges.

IN. : et puis il faut gagner sa vie …

R.N. : il est clair que je continue à vivre de la pub et que c’est mon gagne pain. Mais encore une fois, cela n’a rien à voir avec cette fameuse époque où j’éais happé pat le métier de directeur de création très contraignant, et qui en parallèle m’a permis de m’ouvrir au monde de l’argent, de l’organisation, du concret. Maintenant je peux gérer ma petite boîte d’édition, faire mes propres livres et ceux où je promeus d’autres artistes comme dans cette nouvelle série de bouquins 36 Vues. Je rentre dans mes frais. J’avais créé aussi cette fameuse carte dite Michelin, qui ne contenait que des photos. j’avais eu un gros succès d’estime et cela n’avait pas marché. J’en ai édité quinze !

en fait, c’est génial et à la fois très intimidant d’être représenté par une galerie…

IN. : ton travail est représenté par la galerie Bigaignon . Comment as-tu pris le fait qu’un pro s’intéresse à ton travail photographique ?

R.N. : en fait, c’est génial et à la fois très intimidant. Cela fait dix ans, mais vraiment il faut assumer… ce n’est pas évident, mais je suis très heureux.

IN. : quand on te demande quel est ton métier, tu réponds… ?

R.N. : photographe… Mais la vérité c’est que je travaille toujours dans la publicité. Je suis conscient que j’aime la pub, et que c’est ce qui me fait vivre.

IN. : le fait de devenir free lance a dû être un soulagement…

R.N. : je suis redevenu créatif surtout, ce qui est encore un autre métier. Même si cela m’a beaucoup appris d’être DC, je me suis aperçu que je n’étais pas un manager. Disons que ce métier m’a ouvert à d’autres relations, à être plus complet. Cela a été violent parfois, mais je suis vachement plus à l’aise aujourd’hui.

IN. : les entreprises aiment-elles les multipotentiels ou est-ce simplement dans l’air du temps ?

R.N.: je dirai qu’avant les agences avaient beaucoup de moyens, ceux de se payer les pros exceptionnels pour chaque spécialité, plus maintenant, je pense, c’est donc aussi une question économique. Et la vérité c’est que tu ne peux pas être super bon en tout.

Je ne sais pas si c’est le bon chemin, mais en tout cas il faut fournir chaque fois plus de contenu.

IN. : que penses-tu de l’évolution du métier ?

R.N. : je ne sais pas si on cherche toujours la qualité, on est plus dans la quantité. Avant, on faisait des travaux qui pouvaient rester des années sur les murs, en tv, aujourd’hui on fait du consommable, alors par la force des choses, il y a moins de qualité. C’est le digital qui veut ça. Je ne sais pas si c’est le bon chemin, mais en tout cas il faut fournir chaque fois plus de contenu.

IN. : vous faites aussi partie d’un collectif d’éditeurs indépendants de photographes …

R.N. : oui, Photo Book. Nous sommes une trentaine, moi je suis minuscule, eux sont bien plus importants.

 

En résumé

La galerie Bigaignon représente Rémi Noël

son compte Instagram : (reminoelphoto)

 

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