11 juillet 2021

Temps de lecture : 8 min

Les régies médias en ordre de bataille pour un monde plus responsable

Calculettes carbone, audits et bilans carbone, fonds publicitaire à vocation environnementale, labellisations RSE… Les régies médias multiplient les initiatives individuelles et collectives au profit d’un écosystème publicitaire plus responsable.

Les enjeux environnementaux et sociétaux font (presque) chaque jour l’actualité sur les écrans, ondes et pages des supports qu’elles commercialisent. Les régies médias entendent apporter leur pierre à ces transformations, qui passeront aussi par un écosystème publicitaire plus responsable. De nombreuses initiatives ont été lancées ! Les offres commerciales, qui traduisent leur positionnement sur le marché, se sont étoffées. Les régies ont aussi multiplié les actions pour concrétiser leur propre trajectoire responsable et accompagner leurs clients annonceurs dans les messages qu’ils portent auprès des consommateurs.

Les calculettes carbone comptent, comptent…

Avant de réduire l’impact carbone de son activité, encore faut-il avoir procédé à état des lieux des impacts actuels. Plusieurs régies ont donc lancé des systèmes de calculette pour mesurer l’empreinte carbone des campagnes qu’elles diffusent. Parmi celles-ci, Prisma Media Solution dont l’outil était disponible dès la mi-mars 2021, mais aussi Canal+ Brand Solutions, qui ont tous deux travaillé avec EcoAct (groupe Atos), M6 Publicité aidée par Axionable… Plusieurs initiatives ont été menées en ce sens au sein du Groupe M6 : après un audit de son propre bilan carbone, 6play propose désormais à ses annonceurs de mesurer l’impact des campagnes diffusées sur sa plateforme avec un dispositif qui suit la méthode Bilan Carbone de l’Ademe. Il intègre par exemple les données de stockage, de diffusion et de lecture de la plateforme digitale. A la fin de l’année 2021, de nouvelles fonctionnalités permettront aux utilisateurs de limiter l’empreinte environnementale de leur consommation, promet 6play. Le partenariat avec Axionable a ensuite été étendu à M6 Publicité. La régie a elle aussi lancé un audit carbone global de ses activités, qui porte sur la diffusion publicitaire de l’ensemble des médias du groupe, sur la production de contenus pour les marques créés par M6 Unlimited et sur l’activité du siège social du Groupe M6. Dès la rentrée, elle pourra ainsi évaluer l’empreinte carbone d’une campagne publicitaire sur l’ensemble des médias du groupe.

Une empreinte environnementale, économique et sociale

Le calculateur Empreinte 360, coconstruit par JCDecaux avec Utopies, sera également opérationnel à la rentrée. La mesure de l’impact des campagnes affichées sur son réseau OOH et DOOH a été envisagée de manière large, incluant des dimensions environnementales, économiques et sociales. A la demande de l’annonceur, le groupe restituera une synthèse macroéconomique de l’impact de la campagne ou du plan média sur la base de 4 indicateurs clés : les émissions de CO2, la consommation d’eau nécessaire à la campagne, les équivalents temps plein (ETP) soutenus et la valeur en euros générée dans l’économie française. « Cette démarche de long terme s’inscrit dans la lignée des engagements énoncés dès 2014 dans la stratégie de développement durable du groupe. Le calculateur va permettre aux annonceurs d’avoir une vision de l’impact à 360° de leurs campagnes. Sur la dimension environnementale, il innove également en intégrant pour la première fois une information sur la consommation d’eau associée à la campagne et au nettoyage des mobiliers urbains, assurée avec de l’eau de pluie récupérée », fait valoir Alban Duron, directeur marketing de JCDecaux France. La mesure d’impact portera sur toutes les étapes de la diffusion d’une campagne (élaboration des réseaux, impression des affiches, expédition, affichage et désaffichage…) et intégrera l’analyse du cycle de vie des produits. « Pour aller encore plus loin, nous pourrons suggérer à nos clients des pistes pour réduire encore davantage leur impact sur l’environnement, notamment lors de la production des campagnes en agissant sur l’impression, les encres ou la taille des fichiers pour le digital », ajoute-t-il. Des référentiels accompagneront les marques et leurs agences médias dans une communication responsable, tandis que le groupe EY certifiera l’ensemble du projet Empreinte 360.

Une démarche collaborative et coconstructive

Prisma Media Solutions se félicite de l’accueil réservé au dispositif de calculette, lancé au printemps et adopté d’emblée par les annonceurs adhérents au programme FAIRe, développé depuis 2018 par l’Union des marques (UDM). « Un bilan des campagnes menées par la quarantaine d’annonceurs de ce programme qui ont déjà investi dans nos médias sera réalisé début 2022. Nous compenserons alors globalement l’impact généré en 2021. Pour être sûrs de pouvoir tenir ces engagements, des crédits carbone ont déjà été préachetés. Nous verrons déjà fin 2021 si nous en avons trop ou pas assez… », explique Julien David, responsable Marketing Insight de la régie. D’autres annonceurs se sont intéressés à la démarche. « Le message passe bien mais entre la déclaration et la transformation, il est encore difficile de mesurer les effets. Quand un annonceur est convaincu de l’utilité du dispositif, il est aussi plus cohérent de s’inscrire dans une démarche globale comme celle du programme FAIRe que de se lancer pour une seule campagne », reconnait-il. Les rendez-vous avec les annonceurs et agences médias, qui ont leurs propres outils, ont mis en lumière différents niveaux de maturité sur le sujet. Julien David se félicite toutefois de nature des échanges autour de ce sujet : « Il est important de pouvoir partager des bonnes pratiques et une vision commune car l’avenir de cette problématique ne sera que collaborative et coconstructive. »

Des initiatives individuelles mais aussi collectives

Le groupe Les Echos Le Parisien, qui ne souhaite pas développer seul un système de calculette carbone, s’est pour sa part associé à certaines des démarches collectives qui commencent à voir le jour. « Nous sommes régie test dans la démarche SRI, engagé pour le climat que ce syndicat mène avec Sidièse », précise Corinne Mrejen, DG du groupe et présidente de sa régie publicitaire. Tout comme les régies de Prisma Media, NRJ Group et Cdiscount, celle du groupe Les Echos Le Parisien a testé en interne la capacité à récupérer les informations disponibles et utiles (consommation énergétique des data centers, impact du programmatique…) qui seront ensuite modélisées pour calculer l’empreinte carbone des campagnes digitales. Cette phase de test achevée, le SRI travaille sur la version finale des indicateurs et du référentiel commun qui pourront rendre tangibles les efforts de ses membres vers une publicité « vraiment responsable ». D’autres démarches sont en cours chez des fédérations d’éditeurs – par exemple au SEPM pour la presse magazine – ou chez les agences médias. En octobre 2021, l’Udecam lancera pour sa part un outil de mesure et de réduction de l’impact environnemental des campagnes médias qui s’appuie sur la méthode PEF (Product Environmental Footprint). Outre la mesure de l’impact carbone, elle prend en compte 16 critères comme la consommation de ressources ou l’impact sur la biodiversité.

Eduquer autour des labels

A l’intersection des marques et des consommateurs, les régies ont aussi un rôle pour évangéliser les « consom’macteurs ». TF1 Pub a monté Eco-Funding, un fonds publicitaire qui financera à compter de janvier 2022 des campagnes de sensibilisation pédagogiques sur les labels et critères d’impacts environnementaux recommandés par l’Ademe. « Il y a un vrai besoin de renforcer la connnaissance des téléspectateurs et de les sensibiliser aux labels dignes de confiance. Les labels validés par l’Ademe sont exigeants et demandent de vraies adaptations pour les marques qui n’en tirent pas forcément de gratification en échange », explique Laurent Bliaut, directeur général adjoint marketing et R&D. Les campagnes publicitaires affichant dans le spot un des labels certifiés par l’Ademe, une étiquette énergie, un indice de réparabilité ou un affichage environnemental déclencheront un abondement du Groupe TF1 sur le fonds, au prorata du budget média investi par l’annonceur. « Le groupe abondera le fonds à ses débuts pour pouvoir faire une première campagne forte. Nous espérons que cette démarche encouragera les marques à se labelliser, à communiquer sur leurs labels et à faire évoluer leurs discours publicitaire », poursuit-il. Chaque nouvelle campagne sur un produit labellisé viendra alimenter le fonds. Tous les annonceurs qui y auront contribué seront ensuite intégrés et visibles dans les spots de sensibilisation.

Positive workplace

366 a aussi pris en main cette question des labels, mais pour se labelliser en tant que régie. En juin 2021, la régie commune à la PQR a obtenu – dès le premier audit – le label RSE « Positive Workplace », équivalent français de l’Américain B Corp. « Nous travaillons pour un média profondément orienté RSE, qui fait beaucoup pour la prise de conscience et l’évolution des usages de ses lecteurs. Les éditeurs avaient lancé beaucoup d’initiatives RSE. Après un premier audit engagé en octobre 2020, nous nous sommes dit qu’il fallait lancer un audit extérieur », relate Bruno Ricard, DGA Marketing, Etudes & Communication de 366. Le choix de la régie s’est alors porté sur Positive Workplace, qui lui a proposé « un audit assez profond, incluant l’impact carbone et allant jusqu’à la labellisation. Dès le départ, nous avons tous estimé qu’il ne fallait pas se limiter à l’impact environnemental et aller sur le terrain de la RSE, pour relier cet audit à la fonction de média d’impact, qui est de plus en plus importante chez les groupes de PQR », explique-t-il. La démarche a (re)mobilisé certains éditeurs puisque quatre groupes ont refait cette année un bilan carbone pour actualiser leurs données. « Les gens qui travaillent sur la RSE sont parfois un peu seuls. Il faut les aider à montrer aux directions générales les cercles vertueux que ces démarches amènent en termes d’image, de marque employeur, vis-à-vis des lecteurs… », fait valoir Brunno Ricard. Le mouvement est lancé : Le Groupe La dépêche du Midi met de plus en plus en avant sa fondation à vocation sociale et éducative, La Voix du Nord est en train de devenir une entreprise à mission, dont le statut a été codifié par la loi Pacte

La société à mission comme nouvel horizon

Premier groupe de presse à avoir finalisé dès le printemps 2020 son bilan carbone réalisé avec Carbone 4, le groupe Les Echos Le Parisien se met lui aussi en route vers le statut d’entreprise à mission. A moins qu’il n’opte pour une labellisation qui rende visible le fait qu’il s’engage, joue la transparence en matière de pratiques et d’objectifs et place « au cœur de sa stratégie » des actions à impact positif. Il est accompagné par KPMG pour définir des critères et mettre en place des indicateurs sur l’ensemble des services du groupe. La transformation du siège social vers un espace « zéro déchet » est déjà quasiment achevée. « Un groupe média comme le nôtre ne peut pas rester observateur d’un monde qui se transforme et se doit d’être facilitateur, de proposer des leviers d’engagement et les KPI associés. Ce positionnement légitime d’ailleurs le travail de la régie pour construire les bases de nouvelles façons de communiquer », avance Corinne Mrejen.

Accélérer pour le meilleur

Si les trajectoires RSE sont longues et souvent ardues à mettre en place, certains événements viennent parfois accélérer le mouvement de manière imprévue. Le rachat de Prisma Media par Vivendi, finalisé fin mai 2021, va amener le groupe de presse à accentuer encore sa trajectoire. Vivendi souhaite en effet être « net zéro carbone » pour toutes ses entités d’ici 2025, alors que l’objectif de Bertelsmann, ancien propriétaire de Prisma Media, était jusqu’alors fixé à 2030. Cinq ans qui font une vraie différence, surtout à une échéance si proche. « Comme Vivendi et son agence Havas étaient déjà très avancés sur le sujet et que nous travaillions tous avec le même partenaire EcoAct, nous pourrons envisager des mutualisations intéressantes pour accélérer sur le calendrier », observe toutefois Julien David. D’ici là, le groupe aura analysé le bilan carbone effectué sur 2020, dont les résultats seront restitués cet été. Une étape préalable pour définir un plan d’action et des priorités !

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