20 octobre 2016

Temps de lecture : 4 min

Redéfinir la masculinité et arrêter de voir le mâle partout…

L’heure est venue de revoir le modèle inadapté de la masculinité. Et cela commence par une introspection de la publicité et du marketing…

L’heure est venue de revoir le modèle inadapté de la masculinité. Et cela commence par une introspection de la publicité et du marketing…

Tu as un corps d’esthète, tu as du succès dans les affaires, tu es monté comme un taureau, et sexuellement tu assures grave ? Alors bravo tu reproduis la parfaite image de la masculinité voulue par les marques et construite de toute pièce par la publicité. Peu importe que tu aies un costume trois pièces et que tu sois bien rasé ou bien encore que tu portes une chemise de bûcheron à l’encolure recouverte d’une barbe foisonnante… tu en es ! Tel est l’homme moderne occidental fabriqué par les annonceurs et qui s’affiche, le torse bombé, dans les médias.

Certes, cette image d’Epinal a tendance à évoluer mais les mœurs sont bien installés pour bouleverser l’idée que l’on se fait de la masculinité… « Les marques ont besoin de faire évoluer leur vision de l’homme idéal et d’ouvrir leur esprit. On vit dans un monde ou la diversité n’a jamais été aussi importante et nous sommes pourtant contraints de suivre des stéréotypes non représentatifs… », explique Shaun Ross, mannequin anglais et activiste en raison de sa particularité génétique d’albinos. Il est l’égérie de « Find your Magic », la dernière campagne de LYNX, et était présent aux Cannes Lions 2016 aux côtés de 72andSunnyAmsterdam, le réseau publicitaire organisateur d’une conférence sur le futur de la masculinité.

Pour changer la masculinité, on doit bien comprendre qu’elle est une construction de notre société dont le genre n’a rien à voir avec le sexe biologique. On parle de comportement que cela soit un homme ou une femme. Et le sexe fort doit faire face à une masculinité hégémonique qui prend sa source dans une représentation parfaite et puissante… Pour Nic Owen, Managing director de 72andSunny Amsterdam : « Les médias jouent un rôle qui exacerbe voire aliène toutes les tranches d’âges. Cela génère de l’angoisse, de la frustration et crée un déséquilibre quotidien même si c’est imperceptible… Il y a une pression bien réelle face à laquelle les hommes et les garçons doivent faire face. Un sujet qui n’est pas assez abordé dans notre secteur ».

L’homme dans la pub est avant tout une continuité de récits imagés où la liberté et les escapades sont volontairement éloignées de la famille et de la maison. « Certaines publicités de parfums et de vêtements, par exemple, présentent des hommes dans des poses sexuellement suggestives dans le but d’attirer le regard des consommatrices. Si par le passé on ne retenait que le corps de la femme pour agrémenter la publicité, l’image utilise aujourd’hui celui de l’homme aux mêmes fins », affirme Luc Dupont, universitaire canadien et auteur du livre « Comment faire de la pub efficace sur Internet ».

Quand on parle de faire changer les mentalités autour de ce sujet, il faut déjà commencer par les publicitaires et les annonceurs : « Cet univers doit arrêter de se focaliser sur les groupes de consommateurs pour trouver l’inspiration. Ses acteurs doivent regarder avant tout chez eux ! Car c’est dans leur salon ou en ouvrant leurs fenêtres qu’ils trouveront les réponses. La vérité est sous leur nez, dommage qu’ils refusent de la reproduire… », insiste Shaun Ross qui dans la dernière campagne Lynx propose de nouveaux codes de masculinité, plus féminins, plus sensuels et clairement hors stéréotypes. « Shaun a une attitude courageuse et prouve que les hommes passent un cap quand ils trouvent et assument ce qu’il y a de meilleur en eux », reconnait Rick Strubel, vice-président d’Axe Global. A titre d’exemple, la marque Capelstore, pour les hommes forts, qui communique sur leur image d’êtres humains plutôt que mettre en avant leur physique. Une façon intelligente de changer l’image des personnes corpulentes et très souvent stigmatisées. On retiendra aussi la superbe campagne Shiseido  » High School girls ?  » Ou la transformation de garçons japonais en jeune étudiants pose de vraies questions sur l’identité masculine.

 Le mâle doit tomber de son piedestal

On peut aussi dire que la masculinité est une sorte de famille pas très égalitaire. Elle se réfère surtout à la dominance, la fierté et la force physique de l’être. Cette masculinité « première » n’est que pure théorie et une engeance de notre culture. Pourtant cet idéal est le repère de nos semblables qui ne trouvent pas vraiment à redire tant que rien n’est remis en cause. C’est un point de référence pour construire son image en intégrant par la socialisation, les attentes et les normes de leur environnement. L’homme blanc occidental est hétérosexuel et issu de la classe moyenne. Son caractère met en avant l’assurance, le contrôle, la force physique ou l’émotion et s’exprime avec pudeur voire complexité. Mais au-delà de l’Occident, ces caractéristiques se retrouvent aussi au Moyen-Orient, en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud.

Or dès qu’une personne sort de ce portrait généraliste, elle est très vite considérée comme ayant une attitude féminine ou comme appartenant à des masculinités alternatives dont sont notamment issus les homosexuels ou toutes autres minorités ethniques. Elles sont toutes subordonnées à la masculinité hégémonique. Celle qui n’accepte pas que l’on puisse véhiculer une autre image et qui n’hésitera pas à considérer comme « hérétique », cette masculinité non-conventionnelle.

Sortir de ce chemin balisé implique bel et bien une forme de condamnation sociale qui peut être mal vécue. C’est pourtant sur ce terrain-là que la publicité a une carte à jouer. Emanciper la marque de la norme est certes une mission ardue mais ô combien passionnante ! On sent clairement des frémissements dans la communication mais pour l’instant, elle se limite à de la réflexion et non sur des faits solides. L’homme chariot, père de famille représente ce petit changement dans certaines campagnes publicitaires mais demeure encore dans cette mise en scène du consommateur une volonté purement opportuniste.

Et le mot de la fin revient à Nic Owen : « Le changement de perception sur la masculinité est bien plus important qu’on ne le pense. Car si cette image arrive à évoluer, c’est toutes les causes féminines qui en profiteront. On parle là d’un vrai changement de société. Un bouleversement… ». Allez les pros de la pub un petit effort, cela permettra peut-être de casser votre image d’opportunistes…

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